Le présent chapitre aborde l'économie de la
migration dans la région d'Agadez. Il se base sur des données
recueillies auprès des acteurs. L'objectif est de rendre compte de
l'historique de cette activité, de cartographier les acteurs, d'analyser
les incidences des politiques actuelles de lutte contre la migration dite
irrégulière sur cette économie de transit. Un regard
critique sur les tentatives de solutions sera également
développé.
5.1 Comprendre l'économie de la migration
à Agadez 5.1.1 L'économie de la migration dans la
littérature
L'économie de la migration a fait l'objet d'analyse de
la part de plusieurs auteurs. La littérature scientifique s'est
développée autour de concepts comme : « commerce de la
migration », « migration merchands », « business
humanitaire » et « industrie de la migration ». Harney (1977)
développe le modèle de commerce de la migration afin d'analyser
le rôle des prestataires, comme les transporteurs, qui facilitaient
l'immigration des Italiens du sud vers les États-Unis d'Amérique.
Ce sont donc des personnes qui gagnaient leur vie par la facilitation de la
mobilité des autres. (Kyle et Liang, 2001) présentent le concept
de Migration Merchants afin de mettre en exergue la marchandisation
intégrée de la migration. En effet, selon ces auteurs la
marchandisation de la migration est « a complex process that may be
transnational in scope but is built upon a foundation of local, often rural,
ignorance and hierarchical social structures of class, ethnicity, and gender
» (Kyle et Liang, 2001).
Dans l'ensemble, c'est surtout l'industrie de la migration
qui a été largement théorisée. Les auteurs se sont
penchés sur le caractère légal ou illégal des
activités entrant dans le processus de la migration et qui pourraient
générer des revenus. Salt et Stein (1997) considèrent que
la migration est un « business ». Leur hypothèse
suggère que la traite est un élément intermédiaire
des activités liées aux migrations mondiales facilitant la
circulation des personnes entre les pays d'origine et de destination.
L'approche théorique peut être appréhendée en trois
étapes : la mobilisation et le recrutement des migrants, leur mouvement
en route, et leur insertion et intégration sur les marchés du
travail et les sociétés d'accueil des pays de destination.
À chacune des étapes interviennent des acteurs qui en tirent des
profits économiques. Selon cette théorie, l'activité de
migration est conçue comme un système de réseaux
institutionnalisés avec des comptes de résultats complexes,
comprenant un ensemble d'institutions, d'agents et de
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particuliers, chacun d'eux étant susceptible de
générer un gain commercial. On note donc que ce modèle se
concentre sur l'organisation criminelle de la migration qu'est la traite.
Claire Rodier (2014) introduit le concept de « business
humanitaire » de la migration pour faire référence à
l'ensemble des organisations humanitaires impliquées dans la gestion de
la migration. Son analyse se penche à la fois sur les organisations
inter gouvernementales comme l'OIM mais, aussi les associations
impliquées dans l'accueil des migrants et demandeurs d'asile.
Rubén Adderson propose le modèle «
d'industrie de la migration » pour analyser l'économie autour de la
migration. « L'industrie de la migration est constituée par
l'ensemble des entrepreneurs, des compagnies et des services qui,
poussés avant tout par l'appât du gain, facilitent la
mobilité, l'installation et l'adaptation des migrants, ainsi que les
communications internationales et les transferts de ressources à travers
les frontières. Les acteurs, les organisations et les infrastructures de
cette industrie créent une passerelle entre les frontières et les
diverses barrières posées par les États à la
mobilité, aux transferts d'argent et d'informations » (Ruben,
2012). Le modèle de Ruben offre une autre analyse plus complète
de l'industrie de la migration. Elle inclut les activités
légales, illégales, formelles et informelles, ainsi que leurs
interactions et leurs articulations avec les acteurs et les structures
concernés par le processus social de la migration internationale,
à savoir les États, les migrants et leurs réseaux, ainsi
que le plaidoyer.
Thomas Gammeltoft-Hansen, Ninna Nyberg Sorensen inscrivent
leur analyse sous le modèle de « l'industrie de la migration
». Pour ces auteurs, l'industrie de la migration est composée de
trois catégories : l'industrie de la facilitation, l'industrie du
contrôle et l'industrie de l'assistance. Dans ce modèle,
l'industrie de la facilitation « rassemble les individus, les
réseaux et les sociétés privées qui tirent profit
de la mobilité migratoire. Sont mis en cause aussi bien les «
passeurs », les fonctionnaires corrompus qui aident à obtenir des
vrais ou faux visas, les trafiquants en tout genre, que les dispositifs
légaux comme les programmes organisant l'immigration de travail, les
banques et les agences spécialisées dans les transferts de fonds,
ainsi que les ONG ou les associations caritatives qui apportent une assistance
pendant le voyage» (Gammeltoft-Hansen, Sorensen, 2013). Plus proches du
contexte de notre étude, les transporteurs et les passeurs
relèvent de la facilitation. Cependant, ce modèle ne prend pas en
compte suffisamment certains aspects de l'économie de la migration dans
le contexte d'Agadez du fait que l'ensemble de ces modèles sont
d'inspiration européenne, américaine et mexicaine.
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Or, ces pays disposent d'infrastructures de transport, de
technologies et de services qui peuvent intervenir dans le processus
migratoire. À Agadez, ces activités relèvent pour
l'essentiel de l'économie formelle.
Dans le contexte de la capitale de
l'Aïr, ou plus de 80 % des activités commerciales
relèvent de l'informel, il existe divers petits commerces qui tirent
profil du passage des migrants. C'est pourquoi dans le prolongement des divers
concepts et notions employés pour mieux cerner l'économie ou
l'industrie de la migration nous proposons la notion de petits commerces de la
migration pour aborder et analyser le cas spécifique d'Agadez. On entend
par petits commerces de la migration l'ensemble des secteurs
d'activités ou de prestations de service qui dépendent de la
présence des migrants ou qui tirent un profit financier du transit des
migrants. Il s'agit surtout de mettre en exergue les activités
commerciales qui dépendent du passage des migrants, d'analyser comment
ces secteurs sont affectés par les politiques en cours afin d'identifier
les secteurs d'activités qui prospèrent dans le contexte
d'externalisation des politiques migratoires européennes.
5.1.2 Historique du petit commerce de la migration dans
la commune urbaine d'Agadez
Agadez ou Tagades en Tamasheq qui veut dire visiter un
endroit, rendre visite est une ville précoloniale située sur la
route du commerce transsaharien.
Le commerce transsaharien reflète la
complémentarité entre le Sahel et le Sahara à travers
l'échange des marchandises. Du nord, sont exportés vers le sud
des produits comme le sel, les dattes, la farine de blé. Inversement le
sud ravitaille le nord en céréales tels que le mil, le
bétail sur pieds : « des caravanes acheminaient des dattes, des
céréales, du bétail ainsi que diverses marchandises d'une
oasis à l'autre tandis que diverses pistes reliaient ces oasis aux
villes du Sahel : des convois de chameaux apportaient le sel et le natron de
Bilma (Niger) et de Fachi (Niger) à Agadez (Niger), Zinder (Niger), Kano
(Nigéria) » (Grégoire, 2018) .
Dans cette circulation transsaharienne, la ville d'Agadez
occupait une place centrale. Elle était le carrefour des caravanes qui
reliaient l'Afrique du Nord à l'Afrique subsaharienne et centrale. Ce
rôle a permis très vite à la petite bourgade de prendre de
l'ampleur sur le plan économique, puisque le passage a fait d'elle
progressivement un centre commercial. Les caravaniers passaient par cette
bourgade pour se reposer avant de continuer leur chemin « ce qui
illustre bien la particularité de la ville. Cette tradition d'accueil a
été déterminante dans le développement du tissu
urbain, comme en témoigne la formation en îlots irréguliers
entrelacés de rues et ruelles sinueuses, issues de l'emplacement
d'anciens campements devenus au fil du
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temps des espaces bâtis, à mesure que les
habitants se sont sédentarisés» (Ministère de la
Jeunesse, des Sports et de la Culture, 2006).
La colonisation a également renforcé cette
position de transit, car la région constitue l'unique jonction entre
l'Afrique de l'Ouest et du Nord. C'est pourquoi dès 1908 Agadez fut
occupé par le colonisateur français qui voulait contrôler
cette région afin de mieux surveiller ses possessions en Afrique du Nord
face aux velléités du voisin italien présent en Libye. Une
colonne militaire fut établie afin de gérer les affaires
courantes. Cela a abouti à l'afflux bien que timide de nomades venus
progressivement s'installer en ville à la suite des différentes
sècheresses.
Plus récemment, dans les années 1970 à
la suite des mauvaises récoltes, du boom pétrolier en Libye et en
l'Algérie, la politique du président Kadhafi envers les Touaregs
puis vers l'Afrique subsaharienne, l'immigration des Nigériens vers
l'Afrique du Nord va contribuer à la mise en place progressive d'un
dispositif d'offre de transport d'Agadez vers l'Afrique du Nord. Ce dispositif
se greffe au transport de marchandises qui relie déjà les deux
espaces. Cette migration est animée par des jeunes ruraux
nigériens majoritairement originaires des régions de Tahoua,
Zinder et Agadez. C'est une migration circulaire de travail profondément
ancrée dans l'économie des ménages : les départs
correspondent à la fin de la saison des pluies et les retours au
début des travaux champêtres. Elle tire profit du
différentiel de développement entre le Sahel et le Sahara
magrébin. « La mise à jour de ce
différentiel par la route a fonctionné comme un appel et donc a
été à son tour générateur de mouvement et de
flux. Les routes tissées autour d'Agadez ne constituent donc pas
seulement un support aux flux qui, en les facilitant, les orientent et les
captent. Ces routes sont elles-mêmes génératrices de
mouvements et de flux par la mise à jour de différentiels»
(Bensaâd, 2002).
La fin des années 80 coïncide avec le
développement de l'offre de transport à Agadez faisant suite
à l'essor du tourisme. Il se traduit par la création d'une
dizaine d'agences de tourisme avec à la clé le transport ou
l'offre d'excursion dans l'Air, le Ténéré pour
découvrir les merveilles de cette région. Cette économie
du tourisme a entretenu de manière connexe plusieurs activités
économiques notamment l'artisanat, la location des véhicules ou
de maisons surtout au moment du rallye Paris Dakar.
L'économie du tourisme tomba en disgrâce
à cause de la rébellion armée qu'a connue Agadez dans les
années 1990. Après la signature des accords de paix, le tourisme
reprend avec grand
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succès. Cette période est
considérée par les agadéziens comme l'âge d'or de
cette activité en référence au nombre important de
personnes qu'elle draine et aux revenus qu'elle génère.
Cette période coïncide également avec
l'utilisation de l'espace nigérien comme couloir de transit par de
nombreux migrants subsahariens voulant se rendre en Afrique du Nord. De sorte
que cette nouvelle clientèle en direction du Maghreb en plus des
Nigériens a contribué à accentuer l'offre de transport
vers l'Afrique du Nord. (Brachet, 2018)
C'est dans ce contexte qu'en 2007 une nouvelle
rébellion (Mouvement des Nigériens pour la Justice) se forma dans
la région d'Agadez. Pendant deux ans c'est-à-dire 2007-09,
l'économie de transport et du tourisme connaitra de réelles
difficultés dont elle ne se relèvera pas. À
l'époque ces agences de voyage se trouvaient dans l'unique Ecogar de la
ville d'Agadez comme le souligne le Secrétaire général du
syndicat des transporteurs d'Agadez :
« Avant c'est une activité formelle. Formelle
parce que le chargement se fait ici dans l'autogare. On enregistre les
passagers, la police contrôle, le chauffeur prend le droit de sortie
cacheté. Les passagers payent des fois la taxe de voirie. Il y a des
agences de courtage qui font enregistrer leurs passagers et paient des taxes,
les patentes. Bref, tout se passe dans l'ordre avec tous les contrôles et
une feuille de route. C'est une formule de 2004, 2005, 2006. C'est la crise
libyenne qui gâte cette formule comme c'est Kadhafi lui-même qui
retient les migrants pour qu'ils n'accèdent pas en Europe. Maintenant,
il n'y a pas de gouvernement en Libye c'est pourquoi les Toyota Taliban ont
fait leur entrée ici. Ces véhicules viennent en grand nombre et
le contrôle était difficile. Ils font leur chargement partout.
» (Entretien SG Syndicat des transporteurs, Agadez, 11 juillet
2018).
C'est dans ces espaces que les migrants sont accueillis,
hébergés avant leur transport sur les destinations
indiquées. En 2006 par exemple, sur l'axe Agadez-Libye les migrants sont
convoyés dans les véhicules dix roues destinées au
transport de marchandises. La pratique était donc au transport mixte
associant marchandises et voyageurs vers la Libye. La même pratique
était observée au retour.
Sur l'Axe Agadez-Arlit-Tamanrasset, ce sont les
véhicules de marque Toyota Land Cruiser qui assuraient la navette.
À ce niveau, le transport mixte était moindre, mais pas
inexistant.
En 2011, l'instabilité politique et sécuritaire
en Libye ayant abouti à la chute du régime de Kadhafi a
contribué à faire de la région d'Agadez une zone de
transit pour de nombreux migrants subsahariens en direction de l'Afrique du
Nord à la suite de la fermeture des routes de la Mauritanie, du
Sénégal et du Mali avec l'intervention de l'Union
européenne et de ses États membres (Brachet, 2018). La crise
libyenne a par ailleurs permis l'introduction du véhicule de marque
Hilux 4*4 dans la chaine de transport d'Agadez vers l'Algérie et la
Libye. Plus légers, les Hilux ont révolutionné le
transport vers le Maghreb en réduisant la durée de 7 à 3
jours avec
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l'usage des GPS pour tracer de nouvelles routes. Les voyageurs
sont de moins en moins dépendant du convoi organisé par l'Ecogare
centrale d'Agadez et les autorités.
À l'introduction des Hilux s'ajoute une
diversification des acteurs de transport. On note notamment l'arrivée de
Toubous libyens qui s'invitent dans ce business dans un contexte d'augmentation
des migrants en provenance de l'Afrique de l'Ouest et centrale voulant
rejoindre l'Afrique du Nord.
« Depuis la chute du Président en Libye il
n'y a plus d'État le phénomène ( la migration) a pris de
l'ampleur et les gens en ont fait un fonds de commerce et ça pris encore
beaucoup de proportions avec l'arrivée de l'or dans le Djado où
le phénomène a donné beaucoup d'opportunités aux
jeunes pour se procurer des moyens logistiques de faire ce commerce parce que
c'est florissant un migrant peut coûter banalement 500 dollars quand tu
l'amènes en Libye donc nous on a notre perception ce que dans tous les
cas d'un point de vue l'autorité ce n'est pas bien que des citoyens
d'autres nationalités aillent en Europe sans se munir des
formalités administratives ; de ce point de vue ce n'est pas normal et
correct. Mais nos populations se sont converties dans cette activité,
les jeunes en particulier ne vivent que de ça et ils en ont fait
vraiment leur principale source d'économie. » (Entretien,
Maire adjoint de Dirkou, Agadez, novembre, 2017).
Cet afflux de migrants à Agadez en quête d'offre
de transport et de services divers, logement, transfert d'argent, a
contribué à la naissance ou à la prospérité
d'une économie locale dépendante de la migration de transit. Le
business migratoire fait désormais « partie d'un cycle qui se
perpétue : une augmentation des flux migratoires en provenance de la
région de la CEDEAO à travers le Niger accroit la demande de
transport, nourriture et d'hébergement pour les personnes ;
l'augmentation de la demande de transport élargit le marché, et
par conséquent rend l'accès aux informations plus facile pour les
autres, et diminue les coûts et difficultés liées à
la migration. L'augmentation des flux migratoires dans la région
contribue par conséquent au renforcement d'un cycle où les flux
migratoires deviennent une partie plus significative de l'économie et de
la culture, facilitant la marche à suivre pour les nouveaux migrants en
suivant les traces des migrants précédents. On peut parler
d'économies d'échelle » (OIM, 2015, P 13).
L'analyse de l'économie de la migration dans la
région d'Agadez révèle plusieurs acteurs directs et
indirects en présence à Agadez. Toutefois, un maillon essentiel
de cette industrie réside en dehors du territoire national.
Il s'agit du connecteur international, le plus
souvent un ancien migrant installé dans les pays d'origine des migrants
à savoir la Guinée, la RCI, le Sénégal, le
Nigéria et la Gambie pour l'essentiel. Fort de sa connaissance des
routes migratoires et surtout de l'existence d'un réseau à Agadez
ce dernier organise les candidats à la migration vers l'Afrique du Nord
via le Niger.
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À partir du pays d'origine, il les fait transporter
dans les bus notamment, ceux des compagnies Sonef et Rimbo, jusqu'à
Niamey et poursuivre leur périple jusqu'à Agadez. Dans cette
ville stratégique, le connecteur international dispose de son
coxer à qui il envoie ses migrants. Le nombre de migrant varie d'une
personne à plus de 30 selon la période et au pic du business de
la migration.
Le coxer est chargé d'organiser le transport de ces
migrants jusqu'en Libye. Il accueille les migrants à la gare
routière ou à la barrière.
« Pour nous les coxers, on prend contact avec les
migrants depuis leurs pays de départ et dès qu'ils rentrent ils
nous appellent pour venir les accueillir. On discute du voyage, de
l'hébergement et nous les remettons aux gérants de ghettos ou
directement à un transporteur à un prix nettement
inférieur à celui discuté avec les migrants. Exemple :
pour un voyage Agadez -- Gatron : 100.000FCFA/migrant, on les donne aux
passeurs à 70.000FCFA/migrant et nous on prend 30.000 FCFA. Les
Taximotos leur font des courses. » (Entretien Sidi, Coxer, Agadez,
24-07-2018).
Les prix de transport sont dynamiques et évoluent en
fonction du contexte, mais toujours est-il que le coxer arrive à tirer
son épingle du jeu.
Dans l'analyse des acteurs de l'économie de la
migration à Agadez, se retrouvent les compagnies modernes. Elles peuvent
même être considérées comme les premiers
bénéficiaires de cette rente. En effet, des compagnies comme
Rimbo, Sonef, Al Izza et 3 STV sont installées dans les pays d'origine
(Ouagadougou, Bamako, Dakar, Abidjan) et ont par ailleurs des correspondants
dans d'autres pays d'origine des migrants. Ces compagnies convoient donc
jusqu'à Niamey les migrants. De là elles assurent le transport
inter urbain jusqu'à Agadez. Cet axe constitue un enjeu majeur compte
tenu de la clientèle surtout migrante qui l'emprunte. C'est pourquoi la
quasi-totalité des gares modernes du Niger s'est positionnée sur
cet axe en ouvrant des lignes de transport Niamey-Agadez. Au même moment
en lien avec la dégradation des routes, le prix du transport est
passé de 17 000 F CFA en 2015 à 25 000 F en 2016.
Pendant le voyage sur l'axe Niamey-Agadez, les migrants sont
soumis au contrôle des pièces d'identité. Cette
formalité administrative est souvent mise à profit par certains
policiers pour faire payer des faux frais aux migrants. Ainsi, à
l'entrée de la ville d'Agadez par exemple les migrants arrivent peu
solvables du fait des rackets subis le long du trajet. Aussi, ils arrivent
tardivement à ce poste compte tenu de l'état de la route. Les
heures d'arrivée se situent généralement entre 23 h et 2 h
du matin. Ces horaires sont très favorables au racket compte tenu de la
discrétion qu'offre la nuit et qui permet à certains agents
d'opérer librement. Le migrant même détenteur de ses
documents de voyage est tenu de payer une somme forfaitaire variant
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entre 10 000 et 20 000 FCFA. Monsieur Fataou gérant de
ghetto à Agadez se souvient avoir fait le déplacement
jusqu'à la barrière pour « régler» les policiers
afin que ses « clients migrants » accèdent à la ville :
«lLa police par exemple, une fois arrivée à la
barrière, libère chaque migrant à 20 000 F CFA et parfois
je peux aller à la barrière libérer 40 migrants, imaginez
le montant» (Entretien Fataou, gérant de ghetto, Agadez,
juillet 2018). La corruption de certains agents de police est une pratique
très connue. Nombre de policiers entreprennent des démarches afin
de se faire affecter pour profiter du business du racket des migrants.
Conscient de cette pratique le gouverneur Maikido en 2012 a
procédé à l'affectation de tous les policiers sur l'axe
Tahoua-Agadez pour lutter contre le phénomène. Malheureusement,
une partie de la nouvelle équipe ne tardera pas à reprendre la
même pratique. Les faux frais représentent une manne importante
pour des fonctionnaires de police postés à l'entrée
d'Agadez avant l'application de la loi 2015-36 faisant d'eux des acteurs
majeurs tirant bénéfice de la migration de transit.