Les autorités nigériennes ayant
décidé unilatéralement d'arrêter les
frontières de la CEDEAO à la commune urbaine d'Agadez, les
migrants non nigériens ne doivent pas s'aventurer à ce niveau aux
risques de se faire renvoyer à Agadez.
En fait, tout se passe comme si à la sortie d'Agadez
se trouve une ligne imaginaire que les migrants, même ressortissants de
la CEDEAO ne doivent pas franchir. Cette ligne constitue la frontière
virtuelle du nord du Niger. Elle fonctionne sur la base d'un imaginaire
collectif des autorités indiquant que tout voyage vers cette direction a
pour destination la Libye. Pour cela l'argument moral est mis en avant. Le
Niger ne peut pas regarder, passer les jeunes Africains mourir dans le Sahara
ou la Méditerranée sans réagir. Joignant l'acte à
la parole des actions sont prises à Agadez-ville de sorte que cette
ligne rouge soit aussi effective sur place. À l'intérieur de la
ville déjà, les gares, les ghettos, et autres lieux
d'embarquement sont sous la surveillance permanente de la police. Il suffit de
tenter de faire quitter la ville aux migrants, soit par motos, tricycles ou
véhicules pour voir surgir des policiers afin d'immobilier et
transférer les personnes au commissariat pour suite judiciaire.
La ligne rouge est aussi perçue à Agadez ville
du fait de certaines pratiques policières. En effet, des migrants
rapportent des cas de descentes de la police tard la nuit pour des
opérations de rafles. Ils sont embarqués et conduits à la
police qui leur demande de choisir le retour volontaire. Ceux qui acceptent
sont transportés par l'OIM, tandis que les autres peuvent sortir
librement pour rejoindre leur domicile. Face à la récurrence de
ces rafles, certains migrants affirment ne pas passer la nuit dans les ghettos
pour éviter d'être pris. Cela montre une psychose sur place, alors
que quelques années auparavant cette pratique n'existait pas.
La ligne rouge est aussi sur place, à Agadez du fait
des nombreuses opérations de démantèlement des
réseaux facilitant l'accueil, l'hébergement et le transport des
migrants vers l'Afrique du Nord. Sur la base d'enquêtes
policières, de dénonciation, plusieurs personnes furent
arrêtées et conduites en prison depuis août 2016.
4.4 Conséquences de la lutte contre le TIM 4.4.1
Des migrants abandonnés par les passeurs
Ce dispositif a abouti au blocage de migrants dans la ville
d'Agadez, incapables d'avancer vers le nord faute d'offre de transport. Si elle
existe, cette offre devient plus chère, 300 000 à 400 000FCFA et
elle est plus dangereuse, car le risque d'être abandonné par le
passeur à la vue
110
des FDS est élevé : « la chose, quand
elle est interdite, elle est toujours attrayante, et les enchères
montent. Avant c'est 120 000FCFA le transport en Libye. Maintenant c'est 300
000FCFA. » (Entretien, Agadez, Substitut procureur, novembre 2017).
En outre, les routes empruntées ne sont pas balisées, il n'y a
pas ou peu de points d'eau et elles croisent les routes des trafiquants aux
profils variés. Les migrants abandonnés, lorsqu'ils sont
retrouvés, sont convoyés à Agadez où ils ont le
choix entre aller à l'OIM, déposer une demande d'asile ou sortir
se débrouiller seuls. En 2017, « 2.083 migrants
abandonnés dans le désert ont été
récupérés par les forces de défense et de
sécurité; 52 dépouilles de migrants
décédés ont été retrouvées »
(Rapport bilan, 2017). Ses opérations de secours sont conduites
grâce aux patrouillent des FDS mais aussi sur la base d'un partenariat
entre l'OIM et la Direction générale de la protection civile.