4.3 Un dispositif de répression de la migration de
transit à Agadez
4.3.1 Impliquer le conseil régional de
sécurité dans la lutte contre la migration de transit
À Agadez, le dispositif institutionnel ayant permis la
mise à exécution de la loi 2015-36 est sans doute le Conseil
régional de sécurité. Cette institution placée sous
la tutelle du Gouverneur de la région est l'espace dédié
aux échanges sur les questions de sécurité. Il regroupe
l'ensemble des responsables des forces de défense et de
sécurité. La migration ayant un aspect sécuritaire pour
les autorités c'est à ce titre qu'elle est abordée lors
des réunions de cette institution. Ainsi, il est décidé
d'impliquer toutes les FDS pour lutter contre la migration de transit en
fonction des aires traditionnelles d'intervention de chacun. La police,
présente en ville, a la responsabilité de la commune d'Agadez. En
périphérie de la commune, la gendarmerie est chargée de la
surveillance. Dans l'ensemble de la région, les patrouilles mixtes, les
patrouilles de la garde nationale et les postes avancés de
l'armée assurent la sécurité et la recherche des passeurs
comme le confirment ces propos « Suite à l'interpellation des
passeurs et transporteurs à la prison civile, nous avons
verrouillé toutes les voies d'accès qui mènent vers le
Nord » (Entretien, Garde Nationale du Niger, Agadez, décembre
2017). On voit donc que l'impératif de la lutte contre la
migration se traduit par un élargissement du travail des FDS dans un
contexte de dégradation sécuritaire aux frontières.
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Photo 4 : Des migrants au centre OIM à Agadez
Crédit photo : B Ayouba Tinni, Agadez, juillet
2017
Ainsi, une partie du temps et des ressources est
affectée à la traque des véhicules transportant les
migrants qui autrefois passaient sous leurs yeux. Désormais, elles ont
l'obligation de les poursuivre et d'immobiliser le véhicule.
Dans le Sahara, les véhicules de transport de migrants
mis aux arrêts sont conduits à Dirkou pour être mis à
disposition du commissariat. Après interrogatoire, le chauffeur est
déféré à la justice, le véhicule
scellé, et les migrants mis à la disposition de l'OIM comme
l'illustre la photo 4 ci- dessus pour bénéficier du retour
volontaire assisté.
4.3.2 Engager la police dans la lutte contre le TIM
À Agadez commune urbaine, la police nationale est le
bras armé de la lutte contre la migration irrégulière.
Pour y parvenir elle a mis en place un dispositif permettant de contrôler
24h/24 les 4 à 5 bretelles que les transporteurs peuvent utiliser pour
sortir clandestinement de la ville avec les passagers. Ces postes
imposés par le contexte du moment mobilisent un véhicule 4*4 et
des hommes à chaque point de sortie pour les éventuelles
poursuites. Les poursuites sont courantes, souvent jusqu'en ville avec usage
d'armes à feu pour immobiliser les véhicules. On note donc une
réaffectation du personnel de la police et des moyens roulant dans la
lutte contre la migration de transit.
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À ce dispositif s' ajoute un autre comprenant des
éléments de la police méconnus même par les
policiers d'Agadez dont la mission est de démanteler les réseaux
de transporteurs de migrants et les éventuels ponts entre ces
réseaux et la police. On comprend donc que la police régionale
d'Agadez ait dédié un effectif important et des ressources
matérielles à cette activité.
Au titre des moyens d'actions de la police, notons la
collaboration avec les gares modernes présentes à Niamey et
Agadez. Dans cette perspective les manifestes des passagers sont
partagés chaque jour. À chaque poste de police important, la
situation est actualisée de sorte que le dispositif d'Agadez est en
mesure de connaitre le nombre de passagers non nigériens dans chaque bus
et par compagnie. Cette longueur d'avance permettait à la police de
suivre les migrants une fois qu'ils arrivent. Un suivi est donc fait pour voir
les personnes que les migrants contactent à l'arrivée, le lieu
d'hébergement pour enfin mettre la main sur le contact sur place qui est
censée faciliter le travail. Ce dernier est appréhendé mis
en prison, le véhicule confisqué et les migrants
relâchés.
4.3.3 Créer des postes de décompte pour
appréhender les flux en direction du Sahara
Un autre dispositif de contrôle mis en place par la
police nigérienne en faveur de la lutte contre la migration
irrégulière est la mise en place des postes de décompte
sur les routes migratoires vers le Nord. Les deux premiers sont à Abalak
et Tanout. A ce niveau les migrants sont descendus et dénombrés
par nationalité pour suivre les tendances et vérifier surtout la
concordance des statistiques reçues et de celles sur place. Un autre
poste de décompte a été mis en place à
Séguédine, localité située sur la route de la Libye
en plein Sahara. Ce décompte vise surtout à mettre la main sur
les migrants non nigériens voulant se rendre en Libye.
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Carte 6 : Les points de décompte des flux
migratoires
Source : Notre étude
Cette approche de contrôle le long de la route
migratoire menant vers l'Afrique du Nord n'est pas sans rappeler la notion de
frontière verticale développée dans le contexte migratoire
mexicain. Selon F. Boyer (2018, p 176) ce concept renvoie « à
la multiplication des points de contrôle, tout au long des routes et des
noeuds de circulation, et à une situation migratoire associant
émigration, immigration et transit ». Pour le cas
spécifique du Niger, Boyer (2018) souligne que « cette
frontière verticale se construit selon une logique de quadrillage du
territoire national, qui conduit à une multiplication des
contrôles tout au long des routes identifiées : les villes
situées sur les routes goudronnées remontant vers le Nord, les
points d'eau dans le Sahara, les gares routières. Ces contrôles
ont pour objectif de construire un espace de contention, au sein duquel les
migrants sont empêchés de circuler librement, à partir du
moment où on leur prête l'intention de se rendre vers le Nord du
pays et de franchir les frontières libyennes et/ou algériennes.
».
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