4.2.3 Référencer les migrants à
l'OIM
Une autre pratique ayant progressivement émergé
dans le contexte de lutte contre la migration irrégulière est le
référencement vers des structures d'assistance aux migrants.
À Agadez c'est vers l'OIM que sont référés les
migrants dans la mesure où la loi 2015-36 les considère comme des
victimes. Ainsi, après chaque opération d'arrestations de
passeurs, les migrants sont mis à la disposition de l'OIM pour
bénéficier du retour volontaire assisté. Ces
référencements sont l'oeuvre d'acteurs divers comme l'indiquent
ces propos « On travaille avec l'OIM. C'est auprès d'eux qu'on
envoie les migrants qui veulent retourner volontairement dans leur pays. L'OIM
ne veut pas de la présence des véhicules de la police, car ils ne
forcent pas les gens à retourner. » (Entretien, Agadez, DRPN,
mai 2016). Ou encore ces propos « Au niveau du trafic illicite c'est
l'OIM qui prend en charge le retour du migrant qui décide de retourner
volontairement. On travaille tous les matins avec l'OIM »,(
Entretien, Agadez, Procureur, mai 2016). Même sur le
terrain, les FDS savent que c'est à l'OIM qu'il faut
référer les candidats au retour volontaire. « Quand nous
prenons un véhicule à Séguédine, on met le
chauffeur et le véhicule à la disposition de la gendarmerie. Les
migrants sont admis à OIM de Dirkou » (Entretien, Agadez, GNN,
, mai 2016)..
Photo 2:Une plaque indiquant le centre OIM à
Agadez Crédit photo : B Ayouba Tinni, Agadez, juillet 2017
104
Photo 3 : Des migrants au centre OIM à Agadez
Crédit photo : B Ayouba Tinni, Agadez, juillet 2017
Ces témoignages montrent à quel point l'OIM
dispose d'un vaste réseau qui met à sa disposition les migrants
voulant retourner dans leurs pays. Cette organisation est
bénéficiaire des ressources de l'UE dans le cadre du Fonds
fiduciaire d'urgence d'un montant de six millions neuf cent
quatre-vingt-dix-neuf mille huit cent quatre-vingt-treize (6 999 893) euros sur
trois ans pour mettre en oeuvre ce projet dans la région d'Agadez.
Cette action vise à éloigner ces migrants de la route
migratoire menant à l'Afrique du Nord
4.2.4 Emprisonnement des prestataires de services de la
migration
L'essentiel des personnes détenues au mois
d'août 2016 dans la lutte contre la migration irrégulière
à Agadez sont des Nigériens exerçant dans le domaine du
transport des migrants. Il s'agit pour l'essentiel des jeunes Toubous et
Touaregs assurant la jonction entre les deux rives du Sahara. Ce sont tous des
chauffeurs prestataires engagés par des Nigériens ou des Libyens.
Monsieur Bachir, jeune de Dirkou explique que l'absence d'emploi et les
difficultés de mise en oeuvre de la culture des dattes l'ont contraint
à devenir chauffeur.
«Il faut des moyens, tu feras des années en
train d'attendre les dattes et même si tu commences à
récolter ça ne dépassera pas dix sacs et le sac ne
dépasse pas dix mille francs. Et même la bonne qualité ne
dépasse pas 15000 FCFA le sac. Cent cinquante mille ne peut pas vous
nourrir toute l'année et puis c'est seulement à Bilma qu'on
produit du sel. Nous, nous sommes à Dirkou et c'est à Bilma qu'il
y a du sel et même là-bas chacun a sa parcelle ». (Entretien,
Agadez, Bachir, novembre, 2017).
En outre les chauffeurs mis aux arrêts indiquent
n'avoir pas pris connaissance du caractère illégal de leur
activité. Souvent c'est en prison ou à la justice que cela leur
est notifié comme le souligne Ibrahima.
105
« Je viens de l'apprendre parce qu'on n'a parlé de
cela ni à la radio ni dans la ville. Ils n'ont pas déclaré
lorsqu'ils nous ont arrêtés. Si nous le savons, nous n'allons pas
transporter les étrangers. Nous vivons de cette activité. Parce
que si tu fais un tour, tu gagnes 150000 francs à 200000 FCFA, tu peux
te marier et nourrir tes parents. Tu fais deux ou trois tours, tu te reposes un
peu puis tu reprends et c'est ainsi que tu
peux avoir de quoi nourrir ta famille toute l'année.
» (Entretien, Agadez, Ibrahima, novembre, 2017).
En fait, la loi votée plusieurs mois plus tôt
n'a pas fait l'objet de sensibilisation à l'échelle nationale ou
régionale avant sa mise en application. Même les
députés élus au titre de la région d'Agadez et qui
sont conscients du poids des activités en liens avec la migration sur
l'économie locale n'ont pas communiqué dans ce sens. Dans ce
contexte, l'application était brusque et violente. Tout porte à
croire que le Niger veut rassurer son partenaire sur sa capacité et sa
volonté d'agir. Les jeunes détenus, dans la foulée,
représentent la bonne foi des autorités envers l'EU.
|