WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.1.2 Institutionnaliser la gouvernance de la migration

4.1.2.1 Un cadre de concertation pour réunir les acteurs de la migration au Niger

Le Niger a participé les 11 et 12 novembre 2015 à La Valette à Malte au sommet sur la migration ayant réuni les chefs d'États africains et européens. Cette rencontre a abouti à la mise en place d'un fonds fiduciaire d'urgence dédié à la lutte contre la migration irrégulière dans les pays de départ et de transit en Afrique. Situé entre l'Afrique arabo-berbère et l'Afrique noire, le Niger a un rôle central à jouer dans ce processus. C'est pourquoi dans la continuité des engagements pris au sommet de La Valette, une table-ronde sur la migration a conjointement été organisée par la Délégation de l'Union européenne, la mission Eucap-Sahel et les autorités nigériennes à Niamey les 3 et 4 février 2016. Au nombre des recommandations issues de cette assise, figurent la mise en place d'un cadre de concertation sur la migration (CCM) et son secrétariat permanent (SP). Il est formalisé à travers l'arrêté conjoint n°0316/MI/SP/D/AC/R/MJ/GS du 02 mai 2016 cosigné par le ministère de l'Intérieur et celui de la justice. Cette double signature révèle la dispersion des acteurs en charge de la migration dans plusieurs institutions de la République. Par-delà, il est révélateur du conflit de leadership quant à la paternité de la gestion de la migration entre les deux institutions. Le ministère de la Justice initiateur de la loi 2015-36 estime être en droit de poursuivre la dynamique tandis que l'intérieur s'estime plus légitime puisqu'ayant en charge la gestion des entrées et des sorties sur le territoire national.

En fin de compte, le ministère de l'intérieur semble tirer son épingle du jeu. En effet, l'arrêté qui consacre le CCM lui confère la présidence du Cadre tandis que le ministère de la Justice assure la vice-présidence. L'exécutif est complété par deux rapporteurs et 25 membres. Pour le fonctionnement, il est prévu quatre (4) réunions ordinaires par an et des réunions extraordinaires en cas d'urgence. Au plan opérationnel, le cadre de concertation a pour mission de coordonner les actions de l'État et des partenaires techniques et financiers, de renforcer la synergie entre acteurs et de mener des actions de plaidoyer.

90

4.1.2.1.1 Quand l'Union européenne finance le cadre de concertation sur la migration

La collusion entre le Niger et l'UE sur la migration peut s'appréhender à travers les sources de financement du CCM. En effet, pour un service étatique, les fonds qu'il mobilise pour la mise en oeuvre de ses activités sont révélateurs des enjeux qu'il présente. En 4 ans d'existence le CCM a tenu 5 sessions, une (1) à l'hôtel Gaweye, trois (3) au Soluxe Hôtel et un (1) à l'espace Soleil d'Afrique. À cette période le Soluxe Hôtel de Niamey est l'espace hôtelier le plus cher de la capitale. C'est cet endroit qui est choisi pour accueillir les rencontres afin de répondre à l'exigence des bailleurs quant à la sécurité des lieux. C'est aussi la preuve d'une absence de problème de financement. Le partenaire stratégique, l'UE, est disponible pour financer les activités du CCM pourvu que cela permette d'aboutir à des résultats.

La capacité financière du CCM s'apprécie également à travers la provenance géographique des participants aux réunions du CCM. Outre ceux de Niamey, certains viennent d'Agadez, Zinder et Tahoua, autant de régions considérées comme des espaces de transit ou de départ de la migration en direction de l'Afrique du Nord. Leur présence représente un enjeu important dans le cadre de la coordination. C'est pourquoi malgré le coût lié à leur déplacement une à deux personnes sont conviées par région à chaque session. Il s'agit du président du conseil régional et /ou du maire. Les frais de mission, les perdiems et la prise en charge constituent un budget conséquent qui nécessite une forte mobilisation financière. Le CCM peut se permettre de convier les participants des régions, car l'UE est disponible pour financer.

La migration de transit est un axe majeur de la coopération entre l'UE et le Niger. Il sied donc à l'UE de faire en sorte que le CCM fonctionne pour le suivi des activités au niveau politique et s'assurer de l'engagement de l'État du Niger à lutter contre la migration irrégulière. Le CCM est donc un cadre mis en place par l'UE pour atteindre ses objectifs d'endiguement de la migration de transit.

Depuis 2019, les réunions du CCM se passent sous un autre format dont une réunion préparatoire généralement délocalisée à Dosso à 139 km de Niamey. Une réunion technique est organisée en matinée avec l'ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de la migration au Niger. L'après-midi est consacré à la réunion politique présidée par le Ministère d'État, ministère de l'Intérieur, en présence de l'ambassadeur-chef de fil de l'UE et ceux des pays membres ainsi que des représentants des organisations internationales accréditées au Niger. Après les allocutions d'ouverture des deux officiels, le SP/CCM présente les efforts du Niger dans la lutte contre la migration irrégulière. Ainsi, à la réunion de juillet 2019, le DGEC/M/R a

91

présenté les chiffres transmis par la DGPN au ministre d'État par rapport au suivi des mouvements de personnes notamment sur l'axe Tahoua-Agadez et Zinder-Tahoua. Le document met en exergue la baisse des chiffres sur les mouvements de migrants. Prenant la parole le ministère d'État a indiqué que ces résultats sont dus aux efforts de l'État dans le cadre de ses engagements avec l'UE dans la lutte contre la migration irrégulière. L'État est tenu de rendre compte des progrès réalisés dans le champ de cette collaboration. Le CCM apparait aussi comme un espace que l'État utilise pour montrer à l'UE qu'il a créé les conditions afin de permettre aux acteurs de mettre en oeuvre leurs activités dans le domaine de la migration.

Dans la pratique l'État profite des réunions du CCM pour garder la main sur les discussions en liens avec la migration. Ainsi, c'est une tribune que l'État et ses démembrements saisissent pour rappeler les acteurs au respect de leurs engagements et au suivi des actions mises en oeuvre sur le terrain. Par exemple, à la réunion du CCM de juillet 2019, le ministre d'État n'a pas manqué de rappeler au HCR et aux pays européens le respect de leurs engagements sur la réinstallation. Il a d'ailleurs mis en doute le besoin de protection internationale de personnes évacuées de la Libye. Pour lui « ce sont des voyous, des derniers de la société, qui se sont retrouvés en Libye à un moment. Même si vous les amenez en Europe. Ils vont rester toujours derniers. Avec cette allure si je devais reprendre l'ETM, je ne pense pas pouvoir le faire ». Ces propos font suite à un tour de table des ambassadeurs des pays de l'UE et de la représentante du HCR qui se sont félicités de la générosité du Niger vis-à-vis des évacués de la Libye.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard