3.2.3 L'approche commune de la CEDEAO sur la migration de
2008
La troisième phase de la coopération entre le
Niger et l'Union européenne sur la migration s'inscrit dans un cadre
multilatéral. Elle remonte en décembre 2005 où un
mémorandum d'entente est signé entre l'Espagne et le
secrétariat exécutif de la CEDEAO. Dans la foulée de ce
partenariat « Le 30ème Sommet ordinaire des Chefs
d'États et de Gouvernement de la CEDEAO, conscient des enjeux de la
migration, réuni à Abuja en juin 2006 a mandaté la
Commission de la CEDEAO pour définir une approche commune des
États membres sur la migration » (Communiqué final
trentième session de la conférence des Chefs d'États de la
CEDEAO, P6). Dans cette perspective, « le Fonds Migration et
Développement Espagne-CEDEAO (2008) fut créé avec une
contribution de l'Espagne de 10 millions d'Euro (ce qui reflète
l'importance attribuée aux questions migratoires) »
(Coopération espagnole, 2014, p 7).
C'est dans ce contexte de coopération avec l'Espagne
qu'en 2008 « les Chefs d'État et de Gouvernement ont
adopté l'Approche Commune de la CEDEAO sur la Migration et le
Développement. Ils se sont par ailleurs félicités du
processus participatif qui a conduit à la définition de cette
approche dont les principales composantes du plan d'action portent sur
l'amélioration de la libre circulation au sein de l`espace
communautaire, la promotion de la
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gestion des migrations régulières, la mise
en cohérence des politiques, la lutte contre les migrations
irrégulières et la traite des personnes, la protection des droits
des migrants et la prise en compte de la dimension genre ». Cette
approche commune est largement inspirée de l'approche globale sur la
migration de la commission européenne de 2005 : lutte contre la
migration irrégulière, promotion de la migration légale et
migration et développement. Cette approche constitue un revirement de la
CEDEAO qui s'aligne désormais sur les priorités de l'UE via
l'Espagne à travers le contrôle de ses frontières
extérieures.
3.3 L'externalisation des politiques migratoires
européennes au Niger
3.3.1 Vers une coopération bilatérale
entre le Niger et certains pays de l'UE
Le Niger est un point de passage des migrants subsahariens
venant d'Afrique de l'Ouest et se dirigeant vers l'Afrique du Nord pour ensuite
rejoindre éventuellement l'Europe. Ce couloir de transit remonte aux
années 90, mais s'est consolidé avec la fermeture des autres
routes migratoires en direction de l'Europe (Mali, Mauritanie,
Sénégal et Maroc) la libre circulation dont
bénéficient les ressortissants de la CEDEAO, la chute du
régime de Kadhafi et l'instabilité sécuritaire dans les
pays voisins (Mali, Libye et Nigéria notamment).
Agadez, région nord du Niger, frontalière avec
le Maghreb est le point de transit des flux migratoires. A titre d'exemple,
l'OIM a enregistré fin 2016 le passage d'un total de 60 970 migrants
dans les villes d'Arlit et de Séguédine, dans la région
d'Agadez. Parmi eux, 44 890 quittaient le Niger, alors que 16 080 entraient
dans le pays. Les flux étaient en constante augmentation jusqu'à
la fin 2016.
Pourtant malgré cette position stratégique, le
Niger est resté pendant longtemps en marge des initiatives
européennes sur le contrôle des flux migratoires jusqu'à la
chute de Kadhafi. Toutefois, on peut noter l'ouverture d'un bureau de l'OIM au
Niger en 2006 alors que cette institution s'est installée 2 ans plus
tôt en Libye. On peut aussi noter les initiatives de l'Espagne et de
l'Italie au Niger sur les questions de migration qui remontent à 2006.
Elles se traduisent pour les Italiens par la mise en place d'un projet de
contrôle des frontières en appui aux forces de défenses et
de sécurités dénommé Accross Sahara. Pour les
Espagnols, il s'agit d'aider le Niger à institutionnaliser la gestion de
la migration à travers une politique migratoire. De concert avec le
gouvernement nigérien, l'Espagne a appuyé la mise en place d'un
comité interministériel de rédaction d'une politique
migratoire en 2007. Même si cette politique n'a vu le jour qu'en 2020,
l'initiative espagnole vise à travers les transferts de
compétences, l'appui à la rédaction de politique à
transposer au Niger la vision de l'UE et de l'Espagne de la migration.
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Les initiatives espagnoles au Niger s'inscrivent dans le
prolongement des actions entreprises au Sénégal, en Mauritanie,
au Mali et au niveau de la commission de la CEDEAO.
Les relations bilatérales avec l'Espagne et l'Italie
vont se consolider à partir de 2011 avec la chute du régime de
Kadhafi. Devant l'ampleur et le nombre croissant de migrants qui
débarquent sur les côtes européennes, et en l'absence
d'interlocuteur fiable en Libye, les Européens se tournent vers le Niger
comme nouveau partenaire dans la lutte contre la migration dite
irrégulière.
Jadis à la marge de l'externalisation des politiques
migratoires européennes, le Niger du fait de sa position
géographique et des difficultés politiques en Libye se retrouve
sous le feu des projecteurs comme en témoigne le défilé
des officiels européens (Président, ministre, commissaire),
responsables onusiens, journalistes, chercheurs et organisations non
gouvernementales. Pour les officiels de l'UE, il s'agit de négocier une
coopération avec le Niger dans un domaine aussi stratégique que
la migration. Pour les chercheurs et journalistes il y a
nécessité de comprendre le phénomène migratoire en
suivant le parcours des migrants des pays d'origine jusqu'aux lieux de transit.
Enfin, pour les ONG les flux migratoires dénotent une crise qui
nécessite une intervention humanitaire.
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