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3.1.3 Difficultés économiques des pays
d'accueil en Afrique de l'Ouest
Les années 1990 marqueront un autre tournant dans la
gestion de la mobilité humaine dans l'espace CEDEAO. Les
difficultés économiques des pays francophones ont abouti à
la dévaluation de 50% du francs CFA, principale monnaie des pays
membres. En côte d'Ivoire principale économie de l'espace
communautaire et destination traditionnelle des migrants de l'hinterland, la
crise économique se traduit par une hausse du chômage et la baisse
du pouvoir d'achat. Cette situation a eu des répercussions
socio-politiques notamment des incidences sur la mobilité humaine avec
l'instauration de la carte de séjour et l'expulsion de nombreux
étrangers de ce pays.
En fait, l'expulsion des migrants comme bouc émissaire
en période de difficultés économiques est une pratique
courante dans les grandes économies de la région. En 1983
déjà le Nigéria a expulsé des centaines de migrants
nigériens présents sur son territoire afin de protéger son
marché intérieur et permettre l'accès à l'emploi et
au marché prioritairement à sa jeunesse.
3.2 L'institutionnalisation de la question migratoire
dans le dialogue UE-Afrique
3.2.1 L'accord de Cotonou
Signé en 2000 entre l'UE et les pays ACP (dont
relève le Niger) l'accord de Cotonou est une clause de
préférence commerciale qui tire son origine du traité de
Rome de 1957 qui établit « un régime d'association des
pays et territoires d'outre-mer pour conserver les relations
particulières entre l'Europe naissante et ses anciennes colonies
»16. Ce traité fut plusieurs fois renouvelé
à Yaoundé (1963 et 1969), Lomé (1975, 1979, 1984 et 1989
révisée en 1995) et Cotonou (2000), créant ainsi « un
cadre institutionnel permanent et paritaire accompagné par des
mécanismes d'échanges spécifiques » (Petit
Homme, 2008). Lors des négociations qui allaient aboutir à
l'accord de Cotonou la partie européenne insère une clause sur
les migrations. Ainsi, l'article 13 souligne l'intention des deux parties de
respecter leurs engagements en matière de droit de l'homme, à
oeuvrer à la réduction de la pauvreté, à
l'amélioration des conditions de vie, facteurs qui peuvent à long
terme « normaliser les flux migratoires ». Si ces points peuvent
être considérés comme des engagements d'ordre
général cela n'est pas le cas du point 5c de l'accord qui
précise : « chacun des États ACP accepte le retour et
réadmet ses propres ressortissants illégalement présents
sur le territoire d'un État membre de l'Union
16
https://archives.eui.eu/en/fonds/832?item=ACP#:~:text=Une%20convention%20d'application%20annex%C3%A
9e,naissante%20et%20ses%20anciennes%20colonies.
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européenne, à la demande de ce dernier et sans
autres formalités. Les États membres et les États ACP
fourniront à leurs ressortissants des documents d'identité
appropriés à cet effet. » (Accord de Cotonou, 2000). Le
document ainsi signé inaugure une nouvelle ère du partenariat
entre l'UE et les pays ACP où la gouvernance conjointe de la migration
est une condition du partenariat économique et commercial. Cet accord
constitue la première étape de la sous-traitance de l'UE des
questions migratoires aux pays tiers au niveau multilatéral. Ce type
d'initiative des pays membres de l'Union européenne va se poursuivre
avec les organisations régionales africaines notamment la CEDEAO.
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