Conclusion partielle :
L'analyse du profil migratoire du Niger révèle
que le pays émet des flux internes et internationaux largement
concentrés sur les pays de l'Afrique de l'Ouest. Le Niger accueille des
immigrants dont la provenance tend à se diversifier. La fonction de
couloir de transit en direction de l'Afrique du Nord et éventuellement
l'Europe s'est consolidée depuis la chute du régime de Kadhafi.
En lien avec la dégradation du contexte sécuritaire aux
frontières du Niger l'accueil des réfugiés s'inscrit dans
la durée. Dans ce contexte la problématique des
déplacements forcés des Nigériens présente de
nombreux enjeux. Il en de même de la féminisation des migrations
et la libre circulation des personnes et des biens dans un contexte de relation
avec l'UE et ou ses États membres.
66
Chapitre 3 : Les étapes de l'externalisation
des politiques migratoires européennes au Niger
L'externalisation des politiques migratoires
européennes est le processus par lequel l'Union européenne et/ou
ses États membres délèguent la gestion des flux
migratoires venant d'un État tiers et susceptibles d'atteindre ses
frontières. Ce processus implique : « 1) la délocalisation
du contrôle de la migration et de l'asile, 2) la sous-traitance du
contrôle des frontières et le blocage des migrants par d'autres
pays, 3) la déresponsabilisation de l'UE et ses États membres de
leurs engagements en termes de respect de droits de l'homme et du droit
à la protection, 4) la privatisation du contrôle des documents de
voyage pour franchir une frontière désormais confiée aux
transporteurs » (Blanchard, 2009). Migreurop (2012) souligne que «
parmi les différentes formes que peut prendre l'externalisation de la
politique d'immigration et d'asile de l'UE, la sous-traitance occupe une place
de choix. Elle consiste à associer des pays non européens,
d'origine ou de transit, à leur politique migratoire soit pour
empêcher des personnes de rejoindre l'Europe, soit pour pouvoir y
renvoyer celles qui auraient réussi à pénétrer sur
le territoire européen ». Pour la Cimade l'externalisation vise
deux objectifs principaux « l'endiguement des populations en amont des
frontières européennes et leur expulsion depuis le territoire
européen pour celle qui ont réussi à l'atteindre »
(Cimade, 2017). L'externalisation est le processus par lequel « les
États de destination tentent d'établir des rapports de
coopérations avec les États d'origine et de transit, par le biais
de partenariat et de financement les incitant à maîtriser le
départ des migrants et à mieux contrôler leurs
frontières. » (Groupe Siréas, 2006). Il s'en suit avec les
différentes définitions que l'externalisation implique des
rapports de partenariat entre l'UE ou ses États membres et des
États tiers dont le territoire est un espace de transit ou de
départ en direction des côtes européennes. Le partenariat
vise donc à sous-traiter la lutte contre les flux en partance ou
supposés en partance vers l'Europe via des projets de
développement, de sécurisation des frontières,
d'éloignement des migrants et des demandeurs d'asile. C'est sous cette
grille que nous allons analyser l'externalisation des politiques migratoires
européennes au Niger.
Ce chapitre a pour objectif d'analyser les étapes de
l'externalisation des politiques migratoires européennes au Niger. Pour
y aboutir un rappel historique de la gestion de la migration au Niger de
l'indépendance à la décennie quatre-vingt-dix est
nécessaire. Il s'agit de saisir l'évolution historique ainsi que
le contexte. Dans cette perspective, l'analyse des différentes
initiatives
67
régionales ou internationales sur les questions de
migration auquel le Niger a participé s'avère primordiale pour
mieux mettre en exergue la gestion de la migration dans les relations entre
l'UE et les États africains en général et le Niger de
manière distinctive.
Le chapitre se donne en outre pour objectif de
présenter la région d'Agadez, terrain d'étude de la
présente thèse. En effet, c'est l'espace de mise en oeuvre des
politiques d'externalisation.
3.1 La gestion de la migration au Niger : entre
approche bilatérale et communautaire 3.1.1 Des accords bilatéraux
comme stratégie de gestion de la mobilité
Au lendemain des indépendances, le Niger a très
vite compris la nécessité de réguler la circulation des
personnes et des biens avec ses voisins de l'espace sahélo-saharien. En
effet, au Sahel, sédentaires et nomades partagent les mêmes
espaces de part et d'autre des frontières. Les réalités
socio-économiques, culturelles et historiques font qu'une tradition de
vivre ensemble et de mobilités antérieures aux États
modernes existent. Le mode de vie et de gestion des ressources permettait aux
populations de se déplacer régulièrement en fonction des
contraintes des espaces de départ et des potentialités des
milieux d'accueil sans faire face à des obstacles politiques comme la
frontière. Il y' avait donc complémentarité entre les
lieux ayant permis une intégration des peuples par le bas avant les
États nations. Pour préserver cet acquis, le Niger s'est
engagé à formaliser la mobilité internationale de ses
ressortissants à travers des conventions bilatérales.
Dès 1964 il signa respectivement des accords
bilatéraux avec le Burkina Faso et le Mali. Les textes prévoient
que les ressortissants des pays mentionnés puissent entrer et
résider sur le territoire de l'autre sans avoir besoin d'un visa ou d'un
permis de résidence et séjour. Seule la possession d'un document
d'identité de son pays de nationalité est requise. Ces accords
traduisent une volonté politique réelle des États
signataires de faciliter et encadrer une mobilité séculaire des
populations de cet espace.
Par-delà, toujours au cours de la décennie 1960
le Niger a également signé des conventions facilitant la
circulation des personnes et des biens avec des pays dont il ne partage pas de
frontière. C'est le cas de la convention signée en 1967 avec le
Maroc. Le texte ratifié par les deux pays prévoit la suppression
de l'exigence de visa pour les ressortissants des États parties. Une
telle convention traduit la volonté du jeune État de trouver des
partenaires bilatéraux au-delà de l'Afrique de l'Ouest.
68
D'autres accords bilatéraux en lien avec la
mobilité humaine seront conclus avec l'Algérie (1981). Cet accord
à son début prévoit la suppression des visas entre les
deux pays mais aussi la réadmission des migrants en situation
irrégulière (art.5). Si cette clause reste toujours en vigueur,
depuis les années 1990 il faut un visa entre les deux pays. D'autres
conventions seront signées par la suite avec la Libye (1971, 1988). Les
années 1990 marquent un tournant dans la gestion bilatérale des
migrations avec la signature de l'accord avec la France en 1994 et l'Italie en
2010.
3.1.2 Une gestion au sein des espaces régionaux de
la migration
Sortir de la balkanisation née de la colonisation
s'est présenté au lendemain des indépendances comme un
défi pour les États ouest africains afin d'amorcer leur
développement. Pour atteindre cet objectif l'intégration
régionale est apparue pour ces pays comme une nécessité.
C'est dans cette dynamique qu'ils créent en 1975 la Communauté
des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Ainsi, réunis le 29
mai 1979 à Dakar les États membres signent un protocole sur la
libre circulation des personnes et des biens.
Les principes généraux de la libre circulation
des personnes et du droit de résidence et d'établissement sont
définis dans l'article 2 paragraphe 1 « les citoyens de la
communauté ont le droit d'entrée de réaliser et de
s'établir sur le territoire des États membres ». Le
paragraphe 3 du même article précise les modalités de mise
en oeuvre du présent protocole. Ainsi, le droit d'entrée, de
résidence et d'établissement sera instauré en trois
étapes au cours de la période transitoire à savoir : droit
d'entrée et abolition de visa, droit de résidence et droit
d'établissement.
Ainsi, après la mise en vigueur de ce protocole en
1980 qui consacre le droit d'entrée et l'abolition des visas, les
États membres ont signé des protocoles additionnels
conformément aux modalités de mise en exécution du
traité. Le 1er juillet 1986 est signé le protocole
additionnel relatif à l'exécution de la deuxième
étape (droit de résidence) du protocole sur la libre circulation
des personnes, le droit de résidence et d'établissement.
Le Niger étant membre de la communauté des
États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), il a ratifié les
différents protocoles de cet espace sur la libre circulation. La
décennie 1980-1990 apparait donc pour le Niger comme une gestion
communautaire des mobilités humaines. L'axe central de cette approche
est l'intégration régionale. C'est donc sous cet angle qu'est
perçu le développement régional.
|