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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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Conclusion partielle :

L'analyse du profil migratoire du Niger révèle que le pays émet des flux internes et internationaux largement concentrés sur les pays de l'Afrique de l'Ouest. Le Niger accueille des immigrants dont la provenance tend à se diversifier. La fonction de couloir de transit en direction de l'Afrique du Nord et éventuellement l'Europe s'est consolidée depuis la chute du régime de Kadhafi. En lien avec la dégradation du contexte sécuritaire aux frontières du Niger l'accueil des réfugiés s'inscrit dans la durée. Dans ce contexte la problématique des déplacements forcés des Nigériens présente de nombreux enjeux. Il en de même de la féminisation des migrations et la libre circulation des personnes et des biens dans un contexte de relation avec l'UE et ou ses États membres.

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Chapitre 3 : Les étapes de l'externalisation des politiques migratoires européennes au Niger

L'externalisation des politiques migratoires européennes est le processus par lequel l'Union européenne et/ou ses États membres délèguent la gestion des flux migratoires venant d'un État tiers et susceptibles d'atteindre ses frontières. Ce processus implique : « 1) la délocalisation du contrôle de la migration et de l'asile, 2) la sous-traitance du contrôle des frontières et le blocage des migrants par d'autres pays, 3) la déresponsabilisation de l'UE et ses États membres de leurs engagements en termes de respect de droits de l'homme et du droit à la protection, 4) la privatisation du contrôle des documents de voyage pour franchir une frontière désormais confiée aux transporteurs » (Blanchard, 2009). Migreurop (2012) souligne que « parmi les différentes formes que peut prendre l'externalisation de la politique d'immigration et d'asile de l'UE, la sous-traitance occupe une place de choix. Elle consiste à associer des pays non européens, d'origine ou de transit, à leur politique migratoire soit pour empêcher des personnes de rejoindre l'Europe, soit pour pouvoir y renvoyer celles qui auraient réussi à pénétrer sur le territoire européen ». Pour la Cimade l'externalisation vise deux objectifs principaux « l'endiguement des populations en amont des frontières européennes et leur expulsion depuis le territoire européen pour celle qui ont réussi à l'atteindre » (Cimade, 2017). L'externalisation est le processus par lequel « les États de destination tentent d'établir des rapports de coopérations avec les États d'origine et de transit, par le biais de partenariat et de financement les incitant à maîtriser le départ des migrants et à mieux contrôler leurs frontières. » (Groupe Siréas, 2006). Il s'en suit avec les différentes définitions que l'externalisation implique des rapports de partenariat entre l'UE ou ses États membres et des États tiers dont le territoire est un espace de transit ou de départ en direction des côtes européennes. Le partenariat vise donc à sous-traiter la lutte contre les flux en partance ou supposés en partance vers l'Europe via des projets de développement, de sécurisation des frontières, d'éloignement des migrants et des demandeurs d'asile. C'est sous cette grille que nous allons analyser l'externalisation des politiques migratoires européennes au Niger.

Ce chapitre a pour objectif d'analyser les étapes de l'externalisation des politiques migratoires européennes au Niger. Pour y aboutir un rappel historique de la gestion de la migration au Niger de l'indépendance à la décennie quatre-vingt-dix est nécessaire. Il s'agit de saisir l'évolution historique ainsi que le contexte. Dans cette perspective, l'analyse des différentes initiatives

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régionales ou internationales sur les questions de migration auquel le Niger a participé s'avère primordiale pour mieux mettre en exergue la gestion de la migration dans les relations entre l'UE et les États africains en général et le Niger de manière distinctive.

Le chapitre se donne en outre pour objectif de présenter la région d'Agadez, terrain d'étude de la présente thèse. En effet, c'est l'espace de mise en oeuvre des politiques d'externalisation.

3.1 La gestion de la migration au Niger : entre approche bilatérale et communautaire 3.1.1 Des accords bilatéraux comme stratégie de gestion de la mobilité

Au lendemain des indépendances, le Niger a très vite compris la nécessité de réguler la circulation des personnes et des biens avec ses voisins de l'espace sahélo-saharien. En effet, au Sahel, sédentaires et nomades partagent les mêmes espaces de part et d'autre des frontières. Les réalités socio-économiques, culturelles et historiques font qu'une tradition de vivre ensemble et de mobilités antérieures aux États modernes existent. Le mode de vie et de gestion des ressources permettait aux populations de se déplacer régulièrement en fonction des contraintes des espaces de départ et des potentialités des milieux d'accueil sans faire face à des obstacles politiques comme la frontière. Il y' avait donc complémentarité entre les lieux ayant permis une intégration des peuples par le bas avant les États nations. Pour préserver cet acquis, le Niger s'est engagé à formaliser la mobilité internationale de ses ressortissants à travers des conventions bilatérales.

Dès 1964 il signa respectivement des accords bilatéraux avec le Burkina Faso et le Mali. Les textes prévoient que les ressortissants des pays mentionnés puissent entrer et résider sur le territoire de l'autre sans avoir besoin d'un visa ou d'un permis de résidence et séjour. Seule la possession d'un document d'identité de son pays de nationalité est requise. Ces accords traduisent une volonté politique réelle des États signataires de faciliter et encadrer une mobilité séculaire des populations de cet espace.

Par-delà, toujours au cours de la décennie 1960 le Niger a également signé des conventions facilitant la circulation des personnes et des biens avec des pays dont il ne partage pas de frontière. C'est le cas de la convention signée en 1967 avec le Maroc. Le texte ratifié par les deux pays prévoit la suppression de l'exigence de visa pour les ressortissants des États parties. Une telle convention traduit la volonté du jeune État de trouver des partenaires bilatéraux au-delà de l'Afrique de l'Ouest.

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D'autres accords bilatéraux en lien avec la mobilité humaine seront conclus avec l'Algérie (1981). Cet accord à son début prévoit la suppression des visas entre les deux pays mais aussi la réadmission des migrants en situation irrégulière (art.5). Si cette clause reste toujours en vigueur, depuis les années 1990 il faut un visa entre les deux pays. D'autres conventions seront signées par la suite avec la Libye (1971, 1988). Les années 1990 marquent un tournant dans la gestion bilatérale des migrations avec la signature de l'accord avec la France en 1994 et l'Italie en 2010.

3.1.2 Une gestion au sein des espaces régionaux de la migration

Sortir de la balkanisation née de la colonisation s'est présenté au lendemain des indépendances comme un défi pour les États ouest africains afin d'amorcer leur développement. Pour atteindre cet objectif l'intégration régionale est apparue pour ces pays comme une nécessité. C'est dans cette dynamique qu'ils créent en 1975 la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Ainsi, réunis le 29 mai 1979 à Dakar les États membres signent un protocole sur la libre circulation des personnes et des biens.

Les principes généraux de la libre circulation des personnes et du droit de résidence et d'établissement sont définis dans l'article 2 paragraphe 1 « les citoyens de la communauté ont le droit d'entrée de réaliser et de s'établir sur le territoire des États membres ». Le paragraphe 3 du même article précise les modalités de mise en oeuvre du présent protocole. Ainsi, le droit d'entrée, de résidence et d'établissement sera instauré en trois étapes au cours de la période transitoire à savoir : droit d'entrée et abolition de visa, droit de résidence et droit d'établissement.

Ainsi, après la mise en vigueur de ce protocole en 1980 qui consacre le droit d'entrée et l'abolition des visas, les États membres ont signé des protocoles additionnels conformément aux modalités de mise en exécution du traité. Le 1er juillet 1986 est signé le protocole additionnel relatif à l'exécution de la deuxième étape (droit de résidence) du protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement.

Le Niger étant membre de la communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), il a ratifié les différents protocoles de cet espace sur la libre circulation. La décennie 1980-1990 apparait donc pour le Niger comme une gestion communautaire des mobilités humaines. L'axe central de cette approche est l'intégration régionale. C'est donc sous cet angle qu'est perçu le développement régional.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus