WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

E-réputation et image de soi : les réseaux sociaux entre réalité et mise en scène - le cas d'Instagram


par Maïwenn CHERIN
UFR SLHS Franche-Comté  - Master 2 Information - Communication  2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

IV. Conclusion

Ce mémoire s'appuie sur une problématique actuelle qui met en avant un phénomène touchant les jeunes individus sur leur identité et leurs usages des médias sociaux : Instagram de par le partage de photographies, est un outil de construction identitaire et social des 18 - 30 ans.

Une première partie, autour de l'évolution des usages de la photographies, du développement d'internet et des appareils de représentation nous a permis de comprendre le contexte dans lequel ont grandi les utilisateurs des réseaux sociaux. Cela nous a amené à nous demander pourquoi ce désir de s'exposer et de se mettre en scène de la part d'individus sur un réseau social autrement professionnel. Afin d'y répondre, nous avons développé deux parties qui correspondent à nos trois hypothèses.

La première hypothèse s'appuyait sur le fait qu'Instagram était un outil de mise en scène et d'exposition de soi pour la reconnaissance et de construction identitaire. Les individus vont se montrer sous une mise en scène afin de découvrir leur identité et d'en construire une sur internet à présenter à leurs pairs, afin de se sentir reconnu et apprécié. Nous avons voulu, dans un premier temps, essayer d'écarter l'idée du besoin de se montrer des jeunes individus pour se construire de celle du narcissisme. Pour cela, nous avons pris l'exemple du selfie. Rappelons que Dominique Cardon178 défendait la thèse selon laquelle les selfies sont des mises en scène de soi, de ses qualités et compétences pour la reconnaissance de ses singularités ; tandis qu'André Gunthert179 parlait de trouble de l'image de soi poussant les individus à exhiber leur corps. L'enquête de terrain nous a prouvé que cette pratique photographique n'est pas réellement de l'ordre du narcissisme, mais bien du besoin d'exposer son image pour se montrer au monde. La présentation est la première phase avant la reconnaissance car il faut être vu pour être reconnu. C'est ainsi qu'intervient le besoin de se mettre en scène : afin de présenter une image améliorée de soi à autrui et espérer en contrepartie des retours positifs. Elise180 par exemple, ne retouche que les photographies qu'elle prend d'elle-même. Nous avons retenu que la majorité des clichés présentaient les valeurs et les passions des individus, de leurs compétences. Cette notion de mise en scène est très importante car elle est l'ultime fil rouge de ce mémoire. Ervin Goffman181 a développé ce paradigme en comparant les interactions sociales à des pièces de théâtre durant lesquelles les individus réalisent des performances. Notre enquête dévoile une réelle volonté de modifier les façades que l'on présente à ses pairs, en se montrant sous des postures particulières, en déguisant son apparence sous des

178 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148.

179 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014.

180 Entretien Elise,

181 GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie quotidienne 1. La présentation de soi. Paris: Les éditions de minuits, 1973, 368 pages

60

apparats. Chacun va exacerber une partie de lui-même dans le jeu des interactions sociales, en se créant une image davantage joyeuse, davantage présentable au monde. Il y a également une mise en avant du décor qui plante l'action dans son contexte et par lequel on va présenter des paysages exceptionnels. Dans cette recherche de l'identité, nous avons également abordé le thème des identités multiples, notamment avec la distinction entre l'identité numérique et réelle. Dominique Cardon182 parle de « design de la visibilité », c'est-à-dire de la manière dont on se rend visible, paradigme que nous confirmons. Les interrogés mettent en avant différentes facettes d'eux-mêmes en fonction du contexte, Agathe parle d'ailleurs de « soi intime « et de « soi public ». Les personnes ont conscience de jouer un rôle sur les réseaux sociaux. D'ailleurs, nous avons analysé une forme d'identité construite sur le web et développée par Antonio Casilli183 : les pseudonymes. Il est en effet vrai que les instagrammeurs modifient leurs informations pour se donner une nouvelle facette d'eux-mêmes : ils tronquent leurs noms, utilisent des pseudonymes en dehors de leurs données personnelles. Enfin, la notion d'espace public et d'espace privé nous affirme également que les individus veulent contrôler leur image pour axer leur identité. Serge Tisseron184 et l'exhibitionnisme de soi montrent que les individus vont s'exposer pour se trouver à travers le regard de leurs pairs. L'intimité et l'extimité permet sur les réseaux sociaux de choisir ce que l'on décide de montrer ou non. Notre analyse de terrain met en avant le fait que l'intégralité des les profils interrogés ne veulent montrer uniquement ce qu'ils veulent que l'on voie d'eux. L'analyse montre que certaines personnes sont plus enclines à s'exposer sur internet, à dévoiler leur physique mais sans jamais aller dans l'intime. Il y a un contrôle évident de son image qui prouve que chaque exhibition et chaque exposition est le fruit d'une mise en scène pour modeler la représentation de soi aux autres. Notre enquête terrain confirme qu'il y a bien dans la façon de s'exposer des individus une recherche identitaire, de par la mise en scène et la pluralité des facettes dont ils ne savent pas laquelle utiliser face à leurs pairs. Ils se créent différentes images, entre la réalité et le virtuel afin de se forger une identité idéale à présenter à autrui.

Notre deuxième hypothèse est : Instagram comme outil de reconnaissance sociale. Nous voulions montrer que les individus s'exposent afin de créer des relations avec les autres, afin de se sentir reconnus par eux. Car sans reconnaissance, les personnes ne peuvent se sentir incluent dans la société. Dominique Cardon (2011) nous parle de la recherche d'interactions avec les groupes que l'on peut affilier à un besoin de reconnaissance de la part de ses amis dans l'entretien des liens. En effet, notre enquête prouve que nombreux interrogés continuent d'échanger avec leurs amis sur internet après s'être quittés. Il y a un besoin d'être présents et prêts à échanger, ce que l'on fait via les

182 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148.

183 CASILLI, Antonio. Être présent en ligne : culture et structure des réseaux sociaux d'Internet. Idées économiques et sociales, vol. 169, no. 3, 2012, pp. 16-29.

184 TISSERON, Serge. Les nouveaux réseaux sociaux sur internet. Psychotropes, vol. 17, no. 2, 2011, pp. 99-118.

61

photographies, usages qu'André Gunthert (2014) appelle « image conversationnelle ». Serge Tisseron (2011) affirme que les individus se redents visibles pour se raconter, affirmer leur existence. En effet, les utilisateurs d'Instagram revendiquent leurs goûts, leurs passions, défendent des valeurs, imposent leur personnalité, tentent d'impressionner leurs pairs. L'analyse terrain nous révèle qu'effectivement, les personnes veulent publier des contenus esthétiques, qui sortent de l'ordinaire, ce qui est une volonté d'interpeller le spectateur. Axel Honneth185 accorde le besoin de reconnaissance à la peur de l'invisibilité, ce qui est confirmé par le fait que les utilisateurs des réseaux sociaux attendent des retours positifs des autres, ce qui leur donne l'impression d'exister et d'être légitime à publier du contenu. Ils font également attention à leur image sur internet afin d'avoir bonne réputation et être reconnus. Serge Tisseron (2011) affirme cette hypothèse en liant la reconnaissance à l'estime sociale et l'estime de soi. Leur volonté d'impressionner autrui, de leur plaire voire « de les émerveiller »186 est le résultat du besoin d'obtention de retours positifs de la part de la communauté pour le sentiment de reconnaissance. Sans ces appréciations, ces « expressions collectives » (Tisseron, 2011), les individus vont jusqu'à se remettre en question et douter d'eux. Pour toujours présenter une image d'eux positive et se mettre en avant, nous remarquons que les personnes vont avoir recours à des techniques de marketing tels que le Personal branding développé par Brodin et Magnier187 ou encore l'egocasting. Les comptes étudiés nous montrent qu'ils représentent comme une sorte d'album de compétences des individus. Nous pouvons parler de la notion d'Ethos de Ruth Amossy188. L'image est en un sens un élément de dialogue pour se donner une certaine contenance auprès de la communauté, ce qui est confirmé par la volonté des interrogés de vouloir plaire à leurs pairs. Pour instaurer cette image d'eux améliorée, ils vont retoucher leurs photographies avec des filtres ou logiciels.

Enfin, notre dernière hypothèse est Instagram comme outil de sentiment d'appartenance. Nous avions voulu démontrer ce que les individus publient sur Instagram participe à montrer leurs goûts et valeurs, afin de se sentir inclue dans une communauté partageant les mêmes qu'eux, ce qui est le sentiment d'appartenance. Pour se sentir intégré, les individus vont partager les mêmes codes sur les réseaux sociaux, ce que Gunthert (2014) appelle « des formes sociales visuelles utilisées pour codifier les échanges ». Nous pouvons dire que les personnes utilisent en effet des codes communs sur Instagram tels que les filtres,

185 BERTEN André. Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance. Traduit de l'allemand par Pierre Rusch. In : Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 99, n°1, 2001. pp. 135-139

186 Entretien Christophe, le

187 BRODIN, Oliviane, et MAGNIER Lise. Le développement d'un index d'exposition de soi dans les médias sociaux : phase exploratoire d'identification des indicateurs constitutifs. Management & Avenir, vol. 58, no. 8, 2012, pp. 144-168

188 AMOSSY, Ruth. L'éthos et ses doubles contemporains. Perspectives disciplinaires. Langage et société, vol. 149, no. 3, 2014, pp. 13-30

62

Gabrielle Devosse189 parle d'un univers dans lequel on s'identifie et se ressemble. En effet, les hashtags, qui permettent de rassembler les individus autour de valeurs et de goûts communs pour créer des communautés autour des loisirs, des marques, etc. Les photographies révèlent des signes récurrents au niveau des postures (mains dans les cheveux, dos aux paysages), les mêmes expressions (joie, bonheur), une omniprésence de l'esthétisme au niveau du décor et des techniques photographiques (filtres, luminosité, flous, etc.) Nous remarquons lors de notre enquête qu'Instagram a même crée son propre langage avec les hashtags (instamoment, instagood) pour que les utilisateurs se sentent intégrés dans une même communauté. Une autre preuve que les individus désirent être reconnus et intégrés, est leur besoin de s'inspirer des autres et de se comparer. Parfois, en voulant absolument ne pas se sentir en isolé des autres, les personnes se retrouvent confrontées à l'image d'eux-mêmes. Agathe Mayer190 a émis le paradigme de la personnalité des autres comme moteur, que l'on s'inspire des autres. Parfois ces inspirations peuvent être positives comme nous l'avons vu, mais souvent, le réseau social est un moyen de pression sociale : la représentation de notre corps face aux normes de beauté de la société, la nécessité d'être présent sur les réseaux sociaux pour ne pas passer à côté d'événements et se sentir isolés et bien d'autres.

Les réponses à nos hypothèses révèlent bien que le réseau social Instagram est un outil de construction identitaire et sociale pour les jeunes individus, malgré que certaines questions restent en suspens. En effet, nous recommandons de poursuivre ce sujet d'étude intéressant mais biaisé, notamment entre les résultats des entretiens et de l'analyse de contenu qui montraient des disparités au niveau de l'analyse. Certains freins ne nous ont pas permis de pouvoir développer le sujet à notre convenance. Mais il serait intéressant d'analyser le sujet afin de confirmées certaines questions auxquelles nous n'avons pas pu répondre. Afin d'obtenir des résultats plus concrets, il serait judicieux de réaliser une enquête plus large au niveau du secteur géographique et plus diversifiée, avec un échantillonnage plus important.

189 DEVOSSE, Gabrielle. Instagram uniformise-t-il nos goûts. Psychologies, 6 novembre 2017

190 MAYER, Agathe. Complexes : Attention aux réseaux sociaux. Top Santé, 08 mars 2018

63

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984