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L'imaginaire médiéval au prisme de la série Kaamelott d'Alexandre Astier


par Carole HENRY
Université de Nice Côte d'Azur - Master  2001
  

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Conclusion

Pour conclure, reprenons nos hypothèses de départ ainsi que nos problématiques afin de montrer en quoi notre réflexion, ainsi que nos résultats d'enquête nous ont permis de répondre à ces interrogations liminaires.

Il s'est avéré que la multiplicité des productions culturelles médiévalisantes dans le paysage audiovisuel de ces dernières années témoignent d'un engouement spectaculaire pour cette époque. Nous avons vu que ce phénomène était étroitement lié au médiévalisme, une réception bien particulière par les contemporains de l'époque médiévale, au point de faire naître un intérêt commun partagé par de nombreuses communautés, dont la communauté de Kaamelott est un exemple révélateur. Ainsi, bien que les versions du mythe original soient multiples, et surtout aient été reprises par diverses disciplines à diverses époques, en particulier du XIXe siècle à nos jours, un processus d'intériorisation a permis au fil du temps de figer une légende immuable dans l'imaginaire collectif, avec des noms de personnages, de lieux et d'évènements relativement fixes, mais toujours transformés et réappropriés par les créateurs au fil des réécritures en tout genre. Ainsi, la transmission du mythe arthurien du XIIe siècle à nos jours témoigne de la capacité du mythe à s'actualiser, ses enjeux universels répondant toujours d'une manière ou d'une autre aux problématiques actuelles : nous avons notamment vu que Kaamelott met en scène des situations et défend des valeurs qui permettent au spectateur une lecture comparée et même croisée entre époque médiévale et époque contemporaine. A titre d'exemple, nous avons analysé le fait que la narratologie de Kaamelott reprend à la fois des symboles visuels, musicaux et langagiers de l'époque médiévale, savamment mêlés au langage contemporain, ce qui interpelle et fait sourire le téléspectateur complice.

Dans une certaine mesure, après avoir comparé Kaamelott à d'autres séries médiévalisantes comme Vikings ou Game of Thrones, nous nous sommes aperçus que le médiévalisme permettait de pousser l'imagination d'autant plus loin que la réalité du Moyen Age est davantage fantasmée que connue dans certaines séries. Cela permettait donc une sorte de catharsis du spectateur, qui passe par la mise en scène de la violence et de la sexualité aux limites de la morale. Cela contribue au caractère attractif de ce type de série, bien qu'il ne s'agisse pas d'un élément indispensable, en témoigne le succès de Kaamelott qui a pourtant fait l'impasse sur cette dimension « trash » au profit d'autres éléments qui plaisent tout autant. Parmi ces éléments, citons le véritable travail de création d'un monde imaginaire de la part du réalisateur, qui passe par une esthétique bien définie, un savant mélange de références à la pop

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culture qui font écho à la culture du téléspectateur, ainsi qu'une nécessaire appropriation du mythe connu, pour donner à cet énième réécriture un caractère inédit. Nous avons également pu constater au cours de notre étude que l'engouement pour Kaamelott repose sur une narration particulière, fondée sur un format accrocheur, d'abord court, de 3 minutes 30, puis qui évolue vers des épisodes de plus en plus longs jusqu'au long métrage sous forme d'une trilogie. Or, nous avons pu constater, contrairement à notre hypothèse de départ, que ce changement de format à davantage eu pour effet de lasser le téléspectateur, les résultats de l'étude de terrain ayant prouvé que le format court et porté par l'humour était celui qui rencontrait le plus de succès.

D'autre part, en termes d'analyse de l'outil « série médiévalisante » comme medium de la transmission des connaissances, nous pouvons en effet conclure que ce type de série permet au spectateur de s'instruire sur les mythes médiévaux, et le pousse même à s'y intéresser de lui-même à fortiori, en témoigne notre étude de terrain qui est même allée jusqu'à montrer qu'une partie des téléspectateurs s'est intéressée aux ouvrages spécialisés des universitaires, en histoire ou en littérature médiévale, qui leur ont donné des clés de compréhension pour regarder de nouveau la série à la lumière de l'histoire médiévale et des textes originaux de la légende arthurienne. Ainsi, nous pouvons en conclure que s'instruire par le divertissement est pertinent, dans la mesure où le téléspectateur sait néanmoins distinguer ce qui relève de l'histoire réelle, de ce qui est empreint de médiévalisme et qui est donc sensiblement modifié et enfin ce qui relève exclusivement du merveilleux. Les séries sont donc un outil pédagogique ludique, efficace et accessible puisqu'elles s'adressent à un public populaire, mais connaissent certaines limites : les séries médiévalisantes mettent en scène, plus ou moins fidèlement, l'époque médiévale, dû à des contraintes d'esthétisme, scénaristique ou de production. Il s'agit donc d'opérer une distinction entre le savoir encyclopédique que le public tire du visionnage et les connaissances populaires des codes de représentation médiévale, qui constituent néanmoins une forme de savoir, à laquelle, par ailleurs, les historiens médiévistes s'intéressent de plus en plus.

Au-delà de l'aspect pédagogique, l'une de nos problématiques questionnait le caractère fédérateur des séries d'un point de vue social. En effet, c'est une communauté large, hétéroclite et pourtant très soudée et complice que notre étude a mise en lumière, d'une part liée par un intérêt commun pour le Moyen Age, d'autre part pour les séries à caractère médiéval, ou plus précisément encore par admiration pour Alexandre Astier, un créateur bien souvent vénéré par

ses fans qui le qualifient de génie215. Pour aller plus loin sur la question des communautés, ici en l'occurrence réunies en groupes très actifs sur les réseaux sociaux, leur analyse nous a permis de mettre en évidence un véritable phénomène de société quant à la sociabilisation à travers le numérique. En revanche, contrairement à notre présupposé de départ, cette socialisation est plutôt tacite, dans la mesure où les contenus partagés touchent tous les abonnés qui apposent des « likes », mais notre étude a montré que très peu entrent réellement en communication via des conversations appelées « messages privés ». La sociabilisation est donc plutôt indirecte et davantage basée sur un sentiment général d'appartenance à une communauté plus que l'établissement de véritables liens qui passent par une communication concrète.

Pour aller plus loin sur le sujet et explorer davantage nos pistes de recherche, nous pourrions développer une étude comparative entre l'activité de la communauté Kaamelott et celle d'une autre série télévisée française très fédératrice mais dans un tout autre cadre, comme Plus Belle La Vie, ayant été un support affectif important dans la vie de certains fans, tout comme l'est Kaamelott. Cela permettrait notamment d'établir dans quelle mesure l'aspect fédérateur de l'imaginaire médiéval et mythique rentre ou non en compte dans l'affection pour une série. De même nous pourrions lancer une étude comparative, pour rester dans le champ d'étude de la réception d'une période historique par l'imaginaire collectif contemporain, entre l'imagerie de Kaamelott des premières saisons et celle de la saison VI, portant sur l'Antiquité. Pourrions-nous parler, au même titre que du médiévalisme, d'une forme « d'Antiquisme », dans les séries péplum comme Rome (2005), Spartacus (2010) ou encore Britannia (2018), et ainsi ouvrir une étude dans un champ disciplinaire encore inédit à l'heure actuelle ?

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215 Pour approfondir, voir les quelques chiffres mentionnés dans la partie « autres annexes ».

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon