· La série a-t-elle été
l'occasion pour vous de découvrir le « cycle arthurien »
(ensemble des écrits et chansons médiévales autour du roi
Arthur, de la Table Ronde et de la quête du Graal) ou y étiez-vous
déjà familier ?
Jean-Robert Lombard : Non ça
a été une découverte pour moi, j'ai rencontré des
gens qui ont écrit des bouquins sur le sujet, ça m'a permis de
découvrir le mythe arthurien d'une autre manière que les films
que j'avais vu auparavant.
Loïc Varraut : Non,
j'étais pas du tout familier du cycle arthurien avant, j'ai
essayé de m'y plonger effectivement, notamment dans le livre originel de
Chrétien de Troyes, de me plonger dans cette mythologie. Mais
très honnêtement, j'ai baissé les bras devant la multitude
des textes et des interprétations. Il y a eu un ouvrage d'historiens,
à la suite de la parution des premières saisons de la
série, qui a été je trouve un livre de vulgarisation
historique assez passionnant, sur le Moyen Age lui-même qui est beaucoup
plus long ce que qu'on se l'imagine. Et qui disait en substance que chaque
époque avait son interprétation de l'époque arthurienne et
chaque interprétation était le reflet de l'époque en
question. C'était une légende qui n'avait de cesse d'être
réinventée.
Alain Chapuis : Je connaissais un
peu comme tout le monde Chrétien de Troyes etc... mais quand Alexandre a
mis ça sur la table j'étais étonné. Il me dit
« ça va s'appeler Kaamelott » et j'ai mis quelques secondes
à me souvenir que c'était le château... Je ne savais pas
très précisément mais je me suis replongé dans
cette histoire, bien que mon rôle s'en éloigne beaucoup et demande
juste à incarner un personnage dans des mises en situations. J'aimais
beaucoup Merlin l'enchanteur, j'avais lu un bouquin là-dessus de
Barjavel et puis quelques films comme Excalibur.
·
137
Quelles ont été les recommandations
d'Alexandre Astier : lire d'après les manuscrits médiévaux
ou apprendre à connaître la légende par le prisme du
scenario ?
Jean-Robert Lombard : Aucune, rien du
tout.
Loïc Varraut : Non absolument
pas. Au contraire même, c'est-à-dire que sa tendance est
plutôt d'aller conserver la fraîcheur de ses interprètes sur
les sujets, les situations, les textes à jouer. Il n'est pas du genre
à demander un travail d'acclimatation ou d'adaptation à ses
acteurs non, pas du tout.
· Jouer ce thème vous a-t-il donné
l'envie d'approfondir le sujet pour votre propre culture ?
Jean-Robert Lombard : Pas
forcément, même si j'aime énormément l'histoire et
même l'histoire « parallèle » on dira, le mythe
arthurien en lui-même n'est pas une passion pour moi.
Loïc Varraut : Pour ce qui est
du « cycle arthurien » stricto senso, c'était trop
compliqué pour moi. C'est ma nature d'aller me documenter un peu,
d'habitude je le fais plus que ça, mais là c'était
très complexe et l'histoire portée par la mythologie
n'était pas assez limpide pour que je m'y intéresse plus que
ça.
Alain Chapuis : Oui
forcément, même si j'avais joué un rôle comme celui
de Lancelot ou un chevalier, sans doute que je me serai encore plongé
là-dedans. En fait, j'ai fait des études d'histoire avant et
j'étais intéressé d'une manière
générale par la légende, les légendes, comme point
de départ pour broder autour. Je trouve ça assez intelligent de
d'avoir tout un canevas où les personnages sont là et existent.
Par exemple une fois on parlait de faire un truc sur Jésus et les
apôtres, c'est plus délicat mais voilà, on les connait, y a
des grandes choses comma ça. Et je sais qu'Alexandre aimait beaucoup les
légendes c'est-à-dire que ce soit Stars Wars, ces grandes
idées qui sont souvent assez bibliques, des grands symboles, tout comme
la mythologie grecque, latine. On a souvent plein de points de comparaison.
138
LES PERSONNAGES ET LEUR CONSTRUCTION
· Alexandre Astier l'affirme, il recrute avant
d'écrire. Les rôles étants pensés et écrits
en fonction du parcours et des traits de personnalité de chaque
comédien, en quoi le vôtre reflète-il votre
personnalité ?
Jean-Robert Lombard : Peut-être
dans le côté un assez « sans rire » et un petit peu
blasé.
Loïc Varraut : Je crois que
c'est ma spontanéité et mon côté grande gueule un
peu sympathique, qui était un trait de la personnalité il y a
15-20 ans, parce que ça commence à dater, mon je connais
Alexandre depuis 20 ans. Donc je pense que c'est ça qui lui a
inspiré le rôle de Venec c'est-à-dire mettre des horreurs
dans la bouche d'un type plutôt à l'aise et sympathique.
Alain Chapuis : Quand on s'est
connus avec Alexandre, on aimait bien les personnages de petites gens, comme le
tavernier, ce sont de bons gars. J'aime assez ces vérités qui
sont dites par des gens simples. Et moi je suis fils de commerçant, donc
il connaissait cette vision de la vie. Moi j'aime beaucoup aller sur des
marchés, notamment ceux où on voit plein de gens, dans les
cafés, dans les magasins. C'est pour ça qu'il m'a proposé
le rôle du tavernier, sachant que c'était aussi un truc où
j'vais l'habitude. A un moment donné j'ai joué dans un sketch
où je faisais un personnage populaire, avec des valeurs, voilà
pour moi il a puisé là-dedans.
· Quel est votre/vos personnage(s)
préféré(s), dans la légende et dans la
série, et pour quelle(s) raison(s) ?
Jean-Robert Lombard : J'aime
beaucoup Merlin, avec lequel je pense, j'aurai dû faire un binôme,
c'est-à-dire Père Blaise le christianisme et Merlin le paganisme,
ça aurait fait quelque chose de franchement balèze.
Malheureusement Astier est passé à côté de ça
je trouve ça dommage. Léodagan aussi, sans parler de Perceval,
qui en plus est un gars super sympa.
Loïc Varraut : C'est un peu
compliqué parce que certains des personnages sont mes ami (rires). Mais
je suis comme tout le monde j'ai un attachement pour le duo Perceval et Karadoc
parce qu'ils sont particulièrement bien écrits, Alexandre y a
pris un plaisir particulier et ça se sent, et puis les deux hommes
derrière les rôles sont particulièrement attachants.
Après sur les personnages eux-mêmes, après Alexandre dans
son écriture en a fait autre chose, mais le
139
personnage de Merlin. Il porte une forme de bienveillance
paternelle à l'égard d'Arthur et la magie est un peu la forme
poétique de l'époque quoi.
· Alexandre Astier confie qu'on ne plaisante pas
avec la comédie : c'est le genre théâtral qu'il faut
appréhender et travailler avec le plus de sérieux. Quant au
traitement des personnages, largement tournés au ridicule, quel est
votre point de vue sur la question ? Pensez-vous que ces héros
légendaires perdent de leur prestige en étant traités
comme des idiots, cela participe-t-il à les rendre attachants aux yeux
du public, ou autre ?
Jean-Robert Lombard : Je crois que
force est de constater que ça les as rendu sympathique auprès du
public. Maintenant, Alexandre a traité cette histoire à sa
manière et ce qu'il a fait des personnages, évidemment dans le
vrai mythe arthurien Perceval n'était pas comme ça, à
l'époque on ne faisait pas des aventures avec des débiles,
ça aurait beaucoup moins bien marché. Je pense que les rouages de
l'humour n'étaient pas les mêmes. Je pense qu'il y a fortes
chances, et ça a été prouvé par le succès de
la série, que la manière dont Astier a appréhendé
ses personnages fonctionnait très bien.
Loïc Varraut : Je me
méfie du fait de dire qu'ils sont traités comme des idiots, parce
qu'inévitablement ils le sont, enfin ils sont un peu en retard sur
certains sujets, mais sur d'autres pas du tout. Ils ont tous un trait de
personnalité ou de caractère qui les sauve. Ils ne sont jamais
entièrement traités comme des idiots par Alexandre. C'est la
vision des spectateurs peut-être mais ce n'est pas le moteur de
l'écriture, ça n'est pas « je vais me moquer des idiots
». Après effectivement ils sont dans des situations qui les
dépassent, pour lesquelles ils n'ont pas les compétences. Donc
ils ont tous des valeurs, ils ont un regard naïf et enfantin sur un monde
dont la complexité les dépasse et en cela ça les rend
attachant de mon point de vue.
Alain Chapuis : Ça
dépend, parce que pour moi Perceval par exemple n'est pas un idiot c'est
un naïf, un candide si je puis dire même si c'est anachronique. On
dit que dans la légende arthurienne lui-même parfois trouve le
graal mais ne s'en rend pas compte. C'est un personnage d'une très
grande candeur. Par exemple dans la série Friends, Joey est aussi d'une
grande candeur, qui le confine à la bêtise. Et y a du Friends dans
Kaamelott, c'est une référence pour Alexandre. Lui il a
même en plus une sorte d'autisme Asperger, il compte très vite.
Alors il y a
140
des personnages carrément stupides effectivement, je
pense qu'Yvain et Gauvain par exemple le sont, ils ont leur logique à
eux. Lancelot n'est pas stupide tout comme dans la légende,
Léodagan non plus. Karadoc un peu mais je ne le connaissais pas vraiment
ce personnage dans la légende. Mais ce qu'il en a fait c'est qu'ils sont
tous attachant du fait de leur particularité. Et on sait qu'avant tout
c'est le roi qui a un super objectif, celui de trouver le graal, et puis un
objectif quotidien qui est de faire tourner la baraque au royaume de Logres.
Malgré la bêtise il y a quand même de la légende, de
la magie, de grandes espérances. Alors évidemment c'est moins
épique que si c'était tous des preux chevaliers aux logique
impeccables. Là c'est aussi la volonté de rire, comme dans les
tontons flingueurs où ils sont assez stupides et c'est ce qui va donner
de la couleur et surtout du rire pour le public.
EN MATIERE D'IMPORTANCE DU PHENOMENE
· Avez-vous été surpris de
l'engouement qu'a suscité sur le long terme la diffusion de
Kaamelott ? Pour quelles raisons selon vous le public a-t-il
accroché ?
Loïc Varraut : A
l'époque franchement, on avait à peine trente ans, je
n'étais pas très réceptif à la
notoriété audiovisuelle, je ne le suis toujours pas d'ailleurs.
J'étais attentif à la qualité de l'écriture et des
histoires, j'avais déjà joué au théâtre avec
Alexandre et les pièces cartonnaient auprès du public, dans des
proportions moindres parce que c'était du théâtre et puis
il n'était pas connu, personne ne l'était, à chaque fois
ça faisait des tabacs. Donc sur sa capacité a emporté les
spectateurs avec lui, sur l'engouement que ça pouvait créer non
ça ne m'a pas surpris. Ce qui m'a surpris c'est une fois que la
série a été terminée, l'importance qu'elle a prise
dans les 10 ans qui ont suivi.
Alain Chapuis : Oui on ne peut pas
s'imaginer que ça marche aussi fort. 10 ans après la diffusion
ça repassait en boucle sur les chaines du groupe M6 avec de très
bons scores d'audience, avec des pages qui se sont
fédérées sur Facebook, des feeds Instagram. Il y a
vraiment une communauté énorme. Pour sortir un film en temps de
covid, avec le pass sanitaire donc limité à 50 par projection et
qu'il fasse d'entrées, c'est absolument incroyable. Je le dis d'autant
plus qu'il faut reconnaitre qu'Alexandre a fait quelque chose qui va
au-delà du rire. Il a tellement de thèmes abordés, le
texte est tellement bien écrit au niveau des dialogues, on balaye
tellement de sujets : on parle de torture, d'homosexualité, de rapport
hommes/femmes, de hiérarchie et le tout avec beaucoup d'humour et de
dérision. Et puis je pense qu'il y a, même
141
s'il passe leur temps à s'engueuler, pas mal d'amour.
J'ai rencontré des gens, et ça m'a été
reconfirmé après par Joëlle [mère d'Alexandre
Astier], qui m'ont témoigné de ça dans la rue. Je vais
même vous raconter un jour je rencontre un couple, et cette dame de 40-45
ans me dit « Kaamelott m'a sauvé la vie ».
C'était au festival d'Avignon, alors on s'assoit boire un coup et elle
me disait « j'étais en pleine dépression, ça ne va
pas du tout, ma vie est terrible ». Elle est tombée sur
Kaamelott par qu'on lui a donné un DVD. Elle a mis un pied
là-dedans et elle dévoré toute la série. Et elle a
trouvé une famille, des rapports humains, un monde, un univers, des
références. On passe notre temps à nous engueuler mais au
moins on parle, on échange, on ne se comprend pas, on gueule. Et
Alexandre me dit moi j'ai ça pratiquement tous les jours. C'est
très très fort, ça va au-delà de la série.
Tout le monde y trouve un type de personnage, un type de situation, certains
n'aiment pas tout mais il y tellement de numéros... En tout cas c'est de
la magie lorsqu'un artiste trouve son public, c'est absolument génial.
En plus en humour ça peut tellement tomber à côté,
alors je trouve ça très émouvant. Donc je trouve qu'il y a
quelque chose de cosmique (rires) enfin je ne sais pas quoi...
Après pour prendre un peu de recul, je connais des
comédiens qui jouent dans Plus Belle la Vie, qui me disent que c'est un
autre public mais il y a une grande dévotion, c'est aussi une
série qui a sauvé la vie a beaucoup de gens. On y trouvait aussi
une famille et ça c'est important. Je pense que Johnny Hallyday, Barbara
aussi, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, ont sauvé la vie à
beaucoup de gens. Certains artistes, spectacles ou films cultes ont cette
vertu-là, ils nous aident, ils sont des secours. Je ne saurais pas plus
l'analyser, mais en tout cas je le constate. Il y a des gens qui sont
complètement « radicalisés » à
Kaamelott, qui connaissent tout par coeur. Ils nous croisent et ils
nous citent des anecdotes, des répliques et nous on a tourné
ça il y a 12 ans donc on ne connait plus forcément tout par
coeur. C'est une passion.
· Dans quelle mesure avez-vous été
sollicité par des fans, par des organisateurs de convention ou autre
pendant :
- Les années de diffusion de la série,
soit de 2005 à 2009 ?
- Les 12 ans suivants, de rediffusion permanente des
épisodes à la télévision et en DVD ?
- Aujourd'hui, et notamment depuis la sortie du film
?
142
Jean-Robert Lombard : Après
seulement, quelques-unes ces dernières années et là pour
l'année qui arrive j'en ai 2-3 qui se préparent. Je suis aussi de
temps en temps sollicité par des fans pour célébrer des
mariages par exemple, ce que je refuse parce que je ne suis pas là pour
faire ça. Le public n'a parfois pas la notion que derrière un
personnage il y a un être humain et rien d'autre. Dans les conventions
c'est quelque chose de formel donc aucun problème, mais autrement
non.
Loïc Varraut : Un petit peu,
puisque que mon personnage est secondaire et que je ne suis moi-même pas
très exposé au niveau médiatique, donc c'est resté
très raisonnable honnêtement.
Alain Chapuis : Moi on ne me
reconnait pas forcément, dans la vie je ne suis pas vraiment comme mon
personnage, je compose quand je l'interprète. Parfois ça peut
être difficile pour certains, je pense à l'actrice qui joue le
personnage de Mévanwi (personnage détestable), dans la rue il y a
beaucoup de gens premier degré, où elle se fait traiter de
mocheté, de boudin, comme dans la série. C'est un peu emmerdant.
Moi on me dit plutôt « aller on fait un cul de chouette » alors
ça, voyez, c'est plutôt rigolo, c'est sympathique. Parfois le
public ne fait pas de différence entre le rôle et le
comédien, la fiction et la réalité.
· Le succès serait-il en partie
lié à la dimension « familiale » de la série,
donnant l'impression au spectateur d'entrer de manière
privilégiée au coeur d'un petit monde où tout le monde se
connaît, comme lorsque l'on va au théâtre ?
Jean-Robert Lombard : Pas du tout,
si vous dites ça à Alexandre Astier il vous dire que non, il n'y
a pas de troupes d'acteurs, pour lui ça n'existe pas. Là il y a
un spectacle théâtral avec quelques acteurs de Kaamelott
mais il n'est pas question de troupe.
Loïc Varraut : Oui absolument.
Alors il y a plein de choses, c'est d'abord un grand auteur donc le
succès est lié à la qualité de celui qui
écrit, qui réalise, qui compose les musiques, qui réalise
le montage et qui joue. Après on pourrait faire mille analyses
différentes qui seraient toutes justes, c'est un enfant du
théâtre, il a écrit beaucoup en famille et avec des groupes
de proches, des amitiés professionnelles fortes et peu nombreuses. Donc
oui on a l'idée de clan et même de famille. Evidemment, la
notoriété aidant il y a quelques stars qui sont venus jouer dans
la série et dans le film. Mais la vérité c'est que nous,
les acteurs historiques de Kaamelott, ne sommes pas très
connus, on a nos activités théâtrales d'abord. Et puis nous
sommes une équipe proche
143
humainement des gens et ça les fans le ressentent et
ça participe au succès de la série en créant une
proximité avec le spectateur.
Alain Chapuis : C'est un peu
ça quand même, parce qu'au départ ce sont des
comédiens de théâtre, à 90%. Je pense qu'il y a un
côté grande famille, avec une façon très
bienveillante de travailler. Alors parfois on peut un peu s'engueuler sur le
plateau, parce qu'il faut tourner et mettre en boîte tant de minutes par
jour, ce sont des rythmes un peu difficiles. Là, c'est avant tout
familial, on sait pourquoi on est là. On fait ça parce que
ça nous fait plaisir de mettre en forme ce qu'a créé
Alexandre. On a envie de faire au mieux par rapport à ce qu'il a
écrit. Et ça se ressent je pense. Personne n'a tendance à
tirer trop la couverture puisqu'on joue ce qui est écrit et on ne va pas
en faire plus parce que ce serait idiot, il ne faut pas essayer de changer le
texte inutilement. Je pense que les gens se rendent compte et puis se disent
qu'il y a pas mal de respect par rapport au créateur. Comme il a
écrit, il filme, il joue le personnage principal, il fait la musique, il
supervise le montage et il est aussi producteur, donc tout le monde se dit que
c'est vachement bien, dans un monde télévisuel ou parfois il y
même 25 personnes qui écrivent, dialoguistes, comme sur
Scènes de ménage, là il y en a qu'un qui fait tout. Au
moins c'est vachement plus cohérent et si l'on n'aime pas c'est qu'on
n'aime pas l'écriture d'Alexandre et si l'on aime, on aime cet univers
cohérent d'un créateur.
· Si le ton plus sérieux et dramatique
des livres V, VI et de KV1 avait été adopté dès le
début de la série, cela aurait-il modifié, selon vous,
l'attrait pour Kaamelott ? Autrement dit, l'évolution du genre
participe-t-elle au succès ?
Jean-Robert Lombard : Oui tout
à fait, il y aurait eu fort à parier que ça n'aurait pas
eu le même impact sur le public, c'est pour ça que c'est
très intelligent de la part d'Astier d'avoir fait les quatre
premières saisons drôles, attachantes et sympathiques et ensuite
à partir de la cinquième partit dans plus du film, de
l'épique. Je pense que ça été reçu de
manière des diverses. Quand on m'en parle je vois que certains ont
aimé ce changement de ton, d'autres pas du tout, mais ensuite ce sont
les goûts et les couleurs.
Loïc Varraut : Oui je pense
que ça n'aurait pas eu même succès. Je pense que ce
succès de Kaamelott vient en grande partie de l'artisanat des
débuts et du modèle court et très comédie des
premiers épisodes. Ensuite, une fois les gens acclimatés à
l'esprit, adoucis par la forme, par la comédie, par la qualité de
l'écriture, Alexandre a réussi à les amener sur un terrain
plus
144
existentialiste, sombre, un peu plus épique. Mais il y
en a beaucoup qui ont décroché, il fait dire la
vérité, il y a une partie du public initial qui a
décroché au changement de ton. Je pense que ça a
été le bon parcours, que s'il l'avait fait dans l'autre sens
ça aurait été plus compliqué. Enfin non il ne
l'aurait même pas choisi, il faut se rappeler que Kaamelott
arrive ça doit prendre la suite de Caméra Café donc 3
minutes, gags au format court, il n'y a pas de costumes, il n'y a pas de
décors et les mecs d'M6 ils veulent le même format.
Alain Chapuis : Alors beaucoup ne
pensent pas comme moi, mais je pense que le meilleur ce sont les quatre
premières saisons. Cette écriture, surtout ce sens du dialogue
là est absolument rare et incroyablement fort. Après, quand on
est sur des choses plus longues comme la cinq et la six, pour moi ça a
moins d'intérêt. Après je dis ça alors que j'ai revu
la cinq, en plus je suis pas mal dedans, chaque scène est sympa mais je
trouve que ça se justifie à mort, c'est bien plus flamboyant sur
le 3 minutes 30 ou les 7 minutes des premières. Après sur les 40
minutes ou 50 minutes, comme c'est ce même type de tournage champ contre
champ et un petit travelling de temps en temps, comme c'est plus
cinématographique, il faut casser le rythme du champ contre champ et du
dialogue. C'est pour ça que je préférais la version courte
il n'y a vraiment pas de déchets sur les premières saisons.
Après il y a de très bons moments dans les deux dernières
mais je les trouve un peu répétitifs. C'est mon ressentit. C'est
tellement drôle les premières, avec un texte qui peut sonner,
ça claque quoi (rires).
POUR LES COMEDIENS DE FRACASSE (pièce écrite
par Loïc Varraut et Jean Christophe Hembert, deux comédiens de
Kaamelott).
· Vous jouez actuellement une pièce
réunissant plusieurs membres du casting de Kaamelott. Ayant
moi-même assisté à sa représentation, j'y ai
retrouvé une certaine « ambiance » Kaamelott,
notamment dans l'humour très décalé et la
bêtise
de certains personnages.
· Pensez-vous que la série ait pu
influencer, ou du moins laisser des traces, dans la manière
d'écrire et de performer d'autres productions artistiques aujourd'hui
?
Loïc Varraut : Un peu oui,
c'est difficile à dire parce que l'écriture de Kaamelott
ça n'est pas une écriture qui fait école. C'est la
production d'un homme. On peut aller chercher, dans
145
l'histoire du cinéma et de l'écriture des
dialogues et des scenarios, des inspirations, des manières de faire.
C'est difficile de s'inspirer d'Alexandre Astier. Je veux dire tout ceux qui
ont essayé, et là ils ont sorti sur M6 une série un peu
similaire [La petite histoire de France] où ils ont pensé que
c'était une formule, ils se sont dit on fait un truc d'époque et
puis on fait parler les gens de manière moderne et c'est un bide absolu,
c'est affligeant, c'est très très mauvais. Et je n'emploie pas
souvent ce terme. Donc en fait, il n'y a qu'Alexandre pour faire ce qu'il fait.
Ça lui ressemble tellement, c'est tellement personnel que je ne pense
pas qu'on puisse s'inspirer de sa manière de faire.
· La série ayant prouvé que la
reprise d'histoires médiévales plaisait au public, cela
donne-t-il envie aux metteurs en scène de rendre accessibles par le
théâtre d'autres périodes historiques, comme ici en
l'occurrence le XVIIe siècle ?