Essai d'évaluation des mécanismes onusiens de protection et de promotion des droits de l'homme.par Ichrak Mekni Faculté de droit et des sciences politique de Tunis - Master de recherche en droit international humanitaire et droits de l'homme 2018 |
PARAGRAPHE II: L'IMPACT DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR LA PROMOTION ET LA GARANTIE DES DROITS DE L'HOMME293 MOUKOKO Habib Hermann. « la politisation des droits de l'homme et le défis de la coopération universelle » op cit. p 128 294 Conseil de l'Europe, Assemblée parlementaire, « Réaffirmer le caractère universel des droits de l'homme », rapport d'information, Commission des questions politiques et de la démocratie, document 12826, 13 février 2012, par. 7, disponible sur http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=13078&lang=FR. 102 À partir des années 80, la plupart des États africains ont eu recours à des politiques dites d'ajustement structurel295. L'objectif essentiel de ces politiques est de résoudre le double déficit des comptes macroéconomiques et micro-financiers, en assurant principalement l'équilibre de la balance de paiements, l'égalité entre l'offre et la demande de monnaie ainsi que la réduction des déficits publics296. En effet, L'application de ces programmes d'ajustement structurel implique la mise en oeuvre des mesures spéciales telles que la dévaluation de la monnaie, le blocage de salaires des fonctionnaires, la réduction des budgets d'investissements dans les secteurs prioritaires de l'emploi, l'éducation, la santé, la culture et la défense nationale. Les conséquences de ces mesures ont été néfastes sur le plan social297. qui s'est manifestée par l'augmentation du taux de chômage, la perte du pouvoir d'achat, la dégradation du secteur de l'éducation et la détérioration du système de santé, consécutives à la baisse des dépenses publiques. Ces conséquences néfastes des PAS sont identifiées par le Secrétaire général des Nations Unies dans son rapport « Agenda pour le développement 298» Vu, la diversité des droits et des cas pratiques, on va se limiter à évoquer quelques droits dans des Etats précis. On va donc étudier l'impact des PAS sur le droit de l'éducation (A), puis sur le droit du travail (B). A - L'IMPACT DES PAS SUR LE DROIT DE L'EDUCATIONL'éducation et la formation sont les conditions nécessaires au développement économique d'un État. Par conséquent, les États devraient adopter les mesures visant à faciliter l'accès à une éducation de qualité, en privilégiant l'enseignement de base et l'enseignement technique, par la lutte contre l'analphabétisme et les inégalités entre sexes, en ce qui concerne l'accès à l'éducation. Cependant, les programmes d'ajustement structurel ont eu des conséquences néfastes sur l'enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur299. Dans huit pays, Comores, Djibouti, Éthiopie, Kenya, Lesotho, Sierra-Leone, Soudan et Togo, l'enseignement préscolaire est assuré 295 En 1993, sur 88 Etats membres des Nations Unies qui avaient conclu des accords d'ajustement structurel avec les institutions financières internationales, on pouvait y compter 41 Etats africains, soit près de la moitié. Voir le Rapport de la Conférence générale de l'UNESCO sur les effets des programmes d'ajustement structurel sur l'éducation et la formation. Conférence générale, 28ème session, Paris, 25/08/1995, p. 2. 296 MOUKOKO Habib Hermann. Op.cit.p 400. 297 Machtar DIOUF soutient à juste titre que « les programmes d'ajustement structurel, partout où ils sont appliqués, et quel que soit le résultat au plan économique, ont toujours des conséquences sociales néfastes sur les populations, surtout les plus déshéritées ». DIOUF (M), « La crise de l'ajustement », Politique africaine, 1992, n°45, p. 73. Voir annexe I 298 Voir le Rapport du Secrétaire général, Développement et coopération économique internationale, Agenda pour le développement, A/48/935, 6 mai 1994, §109, 110 et 229, pp. 21-22. 299 MOUKOKO Habib Hermann. Op.cit p402. 103 intégralement par les organismes privés300. Dans cette partie nous verrons le cas pratique de Burkina-Faso et du Burundi . Au Burkina Faso, l'application du programme d'ajustement structurel a conduit à la privatisation du système éducatif. Ainsi à la rentrée scolaire 1999/2000, dans le secondaire, le pays comptait 212 établissements publics contre 196 établissements privés301 Au niveau de l'enseignement supérieur, les « États généraux de l'éducation » en 1994 ont recensé un établissement supérieur public et trois établissements supérieurs privés sur l'ensemble du réseau de l'enseignement supérieur au Burkina Faso302 de même, les restrictions budgétaires, adoptées à la suite des PAS, ont entraîné la baisse de la qualité de l'enseignement, en permettant le remplacement des enseignants expérimentés par des simples vacataires formés sur le tas. L'enseignement supérieur n'a pas été épargné par les coupes budgétaires opérées par le Gouvernement burkinabé. Ainsi, de 2000 à 2001, malgré une hausse légère, le budget du Ministère de l'enseignement supérieur est passé de 7,78% à 5,74%. Cette baisse a provoqué une absence d'investissements de l'État dans la construction des infrastructures universitaires telles que les bibliothèques, les centres de documentation, les salles de cours modernes etc. Les politiques d'ajustement structurel ont entraîné « la précarisation » des conditions de travail des étudiants. En effet, le nombre de boursiers a considérablement été réduit. Ainsi en 1989, 98% d'étudiants Burkinabé étaient boursiers, alors qu'en 2008, cette proportion est tombée à 7, 2%303. Au Burundi, les programmes d'ajustement structurel ont été initiés de 1986 à 1995. À l'instar du Bénin, du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire, ils ont affecté la réalisation des droits sociaux, notamment le droit à l'éducation1271304. En effet, La baisse des dépenses publiques dans le secteur de l'éducation a été suivie de mesures qualifiées d'antisociales telles que les licenciements collectifs, le gel des recrutements dans la fonction publique et la réduction des salaires des enseignants. D'ailleurs, ces mesures ont causé le dysfonctionnement du système éducatif par la baisse du niveau scolaire des élèves et de la qualité des enseignements. En République Démocratique du Congo, l'application des PAS a accentué les trois principaux problèmes qui entravent le développement du système éducatif.305 300 MILLET Damien, « Le cadeau empoisonné de l'ajustement structurel : l'Afrique brisée », http://www.cadtm.org, via http://www.lemali.fr 301 Voir KABORE (N) et KONE (H), les Effets des Politiques d'Ajustement Structurel au Burkina-Faso, pp. 4-5. 302 Ibidem. P 5 303 1258SANOU (F), CHAMILLOT (M), L'éducation supérieure dans les politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina Faso, PNUD Ouagadougou, FAPSE, Genève, 2009, p. 15. 304 NIYUNGEKO Gerard, « L'impact du programme d'ajustement structurel sur le respect des droits économiques et sociaux au Burundi », RBDI, 1991/1, pp. 10-11. 305 MOUKOKO Habib Hermann. Op.cit. p409 104 On, déduit de cela, que les programmes d'ajustement structurel ont contribué à la crise actuelle des systèmes éducatifs africains, en limitant la construction des infrastructures nécessaires à la réalisation du droit à l'éducation. Cependant, il convient de préciser que les principales infrastructures scolaires et universitaires ont été détruites par les guerres civiles sur le continent. On ne saurait par conséquent faire reposer exclusivement la responsabilité de la dégradation des systèmes éducatifs africains sur les institutions financières internationales qui ont conduit les programmes d'ajustement structurel. Dans ce contexte, l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reste difficilement réalisable. Les mesures de baisse des dépenses publiques consécutives à l'application des programmes d'ajustement structurel ont également porté atteinte au droit au travail. |
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