Essai d'évaluation des mécanismes onusiens de protection et de promotion des droits de l'homme.par Ichrak Mekni Faculté de droit et des sciences politique de Tunis - Master de recherche en droit international humanitaire et droits de l'homme 2018 |
CHAPITRE DEUXIEME : UNE EFFICACITE LIMITEE DU SYSTEME ONUSIEN IMPUTABLE AUX ETATSOutre les limites inhérentes au système onusien et les problèmes qui en découlent ayant des impacts néfastes sur le processus de mise en oeuvre des droits de l'homme, d'autres limites imputables aux Etats qui existent, sont aussi les causes des atteintes et des violations commises en matière des droits de l'homme. En effet, la mise en oeuvre effective des mécanismes onusiens de protection des droits de l'homme sur le terrain est étroitement liée aux Etats en tant que sujets et acteurs de droit international et en tant que membres de l'organisation des Nations Unies. D'ailleurs, en tant qu'Etats souverains, il leurs incombe ainsi, la responsabilité de garantir, de contrôler et de promouvoir les droits humains. La situation des droits de l'homme dans des différents pays, est tributaire de plusieurs conditions, telles que le régime et le système politique de l'Etat, sa situation économique, sa spécificité et héritage culturel et ethnique etc. Des Etats postcoloniaux comme les Etats Africains non démocratiques et souvent autoritaires, souffrent encore des conséquences de la dépendance qui affectent évidement la mise en oeuvre effective des droits humains et les mécanismes onusiens de leur contrôle. De ce fait, la politique de promotion des droits humains, conduite par l'Organisation des Nations Unies, reste confrontée à une situation déplorable de ces droits dans les pays africains263 Ces limites peuvent êtres réparties en trois parties. D'abord, les effets des conflits armés et du terrorisme sur la protection des droits humains (section I), ensuite, l'impact des circonstances internes des Etats et des régimes politiques autoritaires sur la protection effective des droits de l'homme (Section II) et enfin l'efficacité relative des systèmes nationaux et régionaux de promotion et de protection des droits de l'homme (section III). SECTION I : L'IMPACT DES CONFLITS ARMES ET DU TERRORISME SUR LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME263 À ce sujet, MAIKASSOUA Rachidatou affirme que « la question des violations graves et massives est une question centrale qui se pose avec une acuité décuplée au sein du système africain de protection des droits de l'homme. En effet, depuis le début des années 1990, les violations graves et massives ont connu une véritable explosion avec des propensions dramatiques et inquiétantes en Afrique... Le génocide rwandais a fait environ 800.000 victimes, la guerre civile en Sierra Léone près de 200.000 morts avec plus de 1000 amputés ». Voir MAIKASSOUA (R. I), La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Un organe de contrôle au service de la Charte africaine, Paris, Karthala, 2013, p. 240. 90 La situation et les circonstances internes dans un Etats sont des facteurs majeurs ayant des effets directs sur la protection et la promotion des droits humains. Tels que le régime politiques, la situation économiques et la stabilité sociale sont des conditions importantes dans le processus de mise en oeuvre des droits de l'homme. Dans ce cadre, les conflits armés constituent une menace au processus onusien de protection des droits de l'homme (paragraphe I) et le problème de terrorisme et ses impacts sur la protection et la promotion des droits de l'homme (paragraphe II). PARAGRAPHE I : L'IMPACT DES CONFLITS ARMES SUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DES DROITS DE L'HOMMEDans notre étude, on va aborder l'exemple des atteintes aux droits de l'homme due aux conflits armés au Tchad et au Darfour d'une part (A) et l'impact des guerres civiles sur protection droits de l'homme (B). A- L'IMPACT DES CONFLITS ARMES SUR LES DROITS DE L'HOMME AU TCHAD ET AU DARFOURPrès de 200.000 personnes ont été tuées au Soudan, dans les combats opposant l'Armée soudanaise aux différents groupes rebelles en 2003264 en plus de 2 millions de déplacés internes et 1 million de réfugiés vers le Tchad265. En outre, il s'agit d'une pratique courante de la torture, du viol et des mutilations génitales féminines266 . La gravité des atteintes aux droits de l'homme commises au Darfour, a incité la Cour pénale internationale, à travers sa chambre préliminaire, à délivrer un mandat d'arrêt international contre Omar El-Béchir, Président de la République du Soudan, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Toutefois, ce mandat est resté inappliqué parce que l'Union africaine a constamment refusé d'appliquer les jugements et arrêts de la CPI, en se fondant sur le principe du respect de la souveraineté des États et surtout sur le principe de l'immunité présidentielle des Chefs d'État en exercice267. Ce refus traduit en réalité l'émergence d'une conception inégalitaire de la justice pénale internationale en Afrique. Les dirigeants politiques et certains intellectuels africains considèrent que la Cour pénale internationale serait une Cour raciste268 en concentrant sa politique judiciaire sur les 264 Voir l'intervention de Maître Sidiki KABA, Président d'honneur de la FIDH, au Forum de participation des ONG, précédent la 41ème session de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, du 12 au 14 mai 2007, à Accra (Ghana). 266 Ibidem 267 Voir l'article « La Cour pénale internationale et le Darfour », disponible sur le site internet de la FIDH, http://www.fidh.org/la-cour-pénale-internationale-et-le-darfour 268 Voir FONTAINE (D), « Les Africains accusent la Cour pénale internationale de racisme », article disponible en ligne, http://www.rtbf.be/info/monde/detail_les-africains-accusent-la-cour-penale-internationale-de-racisme?id=8005503 91 crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis en Afrique alors que des crimes similaires sont aussi commis dans d'autres régions du monde. En effet, les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire ont continué d'être commises, en dépit de la conclusion des accords de paix entre le Gouvernement et le groupe rebelle, le Mouvement de libération du Soudan. Dans ce contexte, pour réprimer les manifestations populaires organisées, suite aux mesures d'austérité économique prises par le Gouvernement269 les forces de sécurité on fait usage des armes à feu occasionnant le décès de 170 personnes270. En outre, les défenseurs des droits humains et les opposants politiques sont systématiquement arrêtés, puis détenus arbitrairement. Ces pratiques s'inscrivent dans une politique gouvernementale de restriction des libertés fondamentales. D'ailleurs, les juridictions internes sont totalement soumises aux pouvoirs en place. Elles manquent d'impartialité et d'objectivité dans le traitement des affaires relatives aux graves violations des droits de l'homme impliquant les dirigeants en exercice ou leurs partisans. De même, au Tchad, malgré les initiatives d'accalmies depuis 2009, Les forces de sécurité procèdent régulièrement à des arrestations et à des détentions arbitraires271 On note surtout l'usage de la force armée excessive par les forces de l'ordre lors des manifestations. Il faut notamment souligner que le groupe terroriste « Boko Haram » commet de graves violations des droits humains au Tchad, en procédant à des enlèvements, des exécutions arbitraires et à la destruction des biens immobiliers. En République démocratique du Congo, les violations des droits de l'homme, notamment les violences sexuelles envers les femmes et les jeunes filles ont été d'une telle ampleur. |
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