· Comportement général
Les problèmes spécifiques des jeunes très
malvoyants ou aveugles se situent dans la construction de l'espace et finissent
par s'estomper. Il faut pourtant alerter le lecteur qui pourra être
frappé, en rencontrant de jeunes enfants aveugles. Notons aussi que la
situation des élèves malvoyants n'est pas facile : ils sont
à la charnière des deux populations (les aveugles et les voyants)
et ont parfois du mal à trouver leur place. Beaucoup d'entre eux ont des
difficultés à verbaliser leurs difficultés, qui sont bien
réelles ; ils se heurtent aussi à l'impossibilité de
réaliser certaines actions, d'où parfois des réactions de
dépression, d'agressivité, en particulier à l'adolescence
où ils prennent conscience des limitations et s'interrogent sur leur
devenir (professionnel, familial...).
· Comportement de l'élève face aux
apprentissages
Les élèves malvoyants et aveugles doivent sans
cesse se concentrer pour appréhender leur environnement : cela
représente un effort qui peut entraîner :
- une fatigue générale et une fatigue de
concentration ;
- une certaine lenteur, l'élève malvoyant
pouvant percevoir les choses de façon fragmentée donc ayant
besoin de temps pour recomposer, l'élève non-voyant percevant le
monde par le toucher et par l'audition qui eux aussi nécessitent une
synthèse mentale ultérieure. Mais aussi, il y a :
- des manifestations de découragement ;
- une tendance à s'isoler ;
- des attitudes corporelles parasites, l'impossibilité
de stabiliser le regard sur ce qui est perçu d'une façon
imprécise pouvant entraîner agitation et instabilité
motrice.
· Attitude de l'enseignant
Collât et Lewi-Dumont (2007) ont identifiés les
attitudes que doivent avoir les enseignants qui accueillent les
déficients visuels. Ces attitudes sont :
Être attentif :
- veiller à l'accueil de l'élève, en
particulier les premiers jours ;
- tenter d'équilibrer aide nécessaire et
surprotection néfaste, afin d'aider l'élève à
devenir plus autonome ;
- lui permettre d'avoir un rôle au sein du groupe ;
- éviter les questions peu pertinentes du type :
« est-ce que tu vois bien ? » auxquelles un
élève malvoyant répondra immanquablement «oui»,
puisqu'il n'a aucune référence à une vision normale.
Exemples
· Il aura des difficultés, lors
d'activités de recherches autour d'un thème, à trouver
dans la bibliothèque des documents intéressants, mais s'il a
appris à se servir d'Internet, il pourra apporter sa contribution en en
trouvant d'autres et en les apportant et, en tout état de cause, il aura
sa place au sein du groupe en donnant son avis sur la pertinence du contenu des
documents et sur la place qu'ils occuperont dans le texte final. Il pourra
être le secrétaire du groupe en utilisant son ordinateur.
· Il aura développé des
compétences de mémorisation et d'intériorisation et pourra
aider ses camarades lors de résolutions de problèmes et de calcul
mental, par exemple :
- lui manifester de l'intérêt par un signe
particulier (non visuel) par exemple un geste ;
- oraliser au maximum, en particulier les consignes de travail
;
- employer un vocabulaire spatial précis afin de
faciliter ses repérages
(« Là-bas » a peu de sens pour
lui).
Être vigilant :
- savoir que l'apparition d'un mouvement
stéréotypé peut être un signe d'angoisse ou
d'isolement ;
- veiller à l'utilisation optimale du matériel
spécialisé ;
- ne pas oublier les contre-indications en EPS dans certains
cas : risques de chocs sur la tête (ballon), exercices avec tête en
bas (roulades, plongeons, agrès). La présence, dans certaines
disciplines et surtout en début d'année, d'un enseignant de
soutien peut être nécessaire ;
- s'assurer que la tâche proposée est
réalisable, compte tenu de sa déficience ;
- avoir toujours à l'esprit l'objectif précis de
la séquence afin de pouvoir déterminer la quantité de
travail écrit juste nécessaire à l'acquisition de la
compétence visée.
Être exigeant sur :
- l'apprentissage des contenus ;
- la participation aux activités de la classe ;
- le respect des consignes d'ordre, de rangement et de
discipline ;
- le soin minimum apporté au travail scolaire.
Savoir accepter :
- une certaine lenteur ;
- une qualité d'écriture manuscrite
médiocre pour les malvoyants ;
- parfois un léger décalage dans la remise des
devoirs pour les aveugles par suite de délais de transcription ;
- des déplacements dans la classe ;
- une quantité d'écriture réduite ;
- l'utilisation de techniques de travail particulières
;
- la présence dans la classe d'un auxiliaire
d'intégration ou d'un enseignant spécialisé, dont les
conditions d'intervention sont toujours négociées au
préalable avec vous, souvent avec l'élève ;
- l'intervention de personnels rééducatifs,
parfois sur le temps scolaire. Ces personnels, bien entendu, respectent les
horaires prévus afin de ne pas perturber le déroulement de la
classe ;
- les observations de ces personnels qui pourront vous
être utiles dans votre pratique. Malgré ces recommandations qui
sont en rapport direct avec la déficience visuelle, l'enseignant
d'accueil doit considérer l'élève intégré
comme un élément de la classe au même titre que ses pairs
et soumis aux mêmes règles : tâches collectives,
responsabilités, encouragements,
- Compliments... punitions. De même, il est important
que l'enseignant, s'il doit y être attentif, ne soit pas en permanence
préoccupé par les besoins de l'élève
déficient visuel. Une fois les adaptations mises en place, le cours doit
se dérouler normalement.
5.3.2.2.2. Une pédagogie différenciée
propre à soutenir les élèves avec une déficience
visuelle
Bien que les répercussions d'une déficience
visuelle rendent plus difficile la réalité scolaire, la richesse,
la personnalité et les compétences d'un élève ne se
résument heureusement pas aux conséquences du handicap dont il
est porteur. Aussi peut-il mettre en place différentes stratégies
propres à l'aider à mieux faire face aux difficultés qu'il
rencontre ; il est en cela l'acteur principal de sa formation.
Certaines aides sont du ressort du thérapeute, de
l'enseignant spécialisé, des services compétents et des
parents de l'élève. Néanmoins, grâce à des
pratiques pédagogiques appropriées, l'enseignant peut fortement
contribuer à soutenir l'élève malvoyant ou aveugle. Une
bonne compréhension par l'enseignant des difficultés
inhérentes au handicap et la mise en place de mesures
pédagogiques et d'aides adaptés permet de diminuer
significativement les impacts négatifs de la déficience et permet
une meilleure actualisation des compétences de l'élève.
Les aménagements et pratiques pédagogiques
décrits ci-après constituent des réponses aux besoins
spécifiques des personnes atteintes d'une déficience visuelle.
Nombre d'entre eux peuvent également favoriser l'apprentissage des
autres élèves présentant ou non des troubles
spécifiques et font certainement déjà partie des bonnes
pratiques professionnelles quotidiennes. Chacun des élèves
atteints d'une déficience visuelle aura des besoins différents,
aussi seuls seront sélectionnés parmi les aménagements
décrits ci-dessous ceux qui sont adaptés à la situation
individuelle de l'élève, à la
sévérité de sa déficience visuelle et à ses
répercussions sur la vie scolaire, à l'âge de
l'élève, au contexte et au degré scolaire.
· Acceptation et intégration
sociale
o Aider l'élève, c'est avant tout lui porter un
regard positif (valoriser la différence et les talents particuliers).
o Développer l'entraide et la collaboration entre les
élèves (pratiques de parrainage, pairage, tutorat dont la forme
peut varier selon la répartition des responsabilités et du temps
à disposition, etc.).
o Conscientiser les autres élèves : expliquer
les difficultés spécifiques de l'élève
concerné, ses besoins particuliers et les raisons des
aménagements mis en place. Lorsque nécessaire, éclaircir
les situations suscitant de l'incompréhension (par ex. si des camarades
considèrent un aménagement comme un traitement de faveur).
· Organisation et constance de
l'espace-classe
o Attribuer des places fixes à tous les
élèves.
o Veiller à l'ordre dans la classe (par ex. les
documents à consulter et les affaires de l'élève malvoyant
doivent toujours être situés à la même place),
apporter de la rigueur pour le rangement du matériel.
o Ne pas déplacer les objets sans mettre
l'élève ayant une déficience visuelle au courant.
· Déplacements de
l'élève
o Déplacements en salle de classe : éviter les
obstacles (chaises bien rangées, fenêtres et porte ouvertes ou
fermées, mais non entr'ouvertes), ne pas laisser traîner des
objets par terre (sacs d'école, etc.) et ajouter des repères
(contrastes de couleurs), si nécessaire.
o Se déplacer dans un nouvel environnement :
désigner un camarade accompagnant (tournus). Pour aider
l'élève à se déplacer, se mettre
légèrement devant lui et lui offrir son bras (ne pas le pousser
en avant et ni prendre son bras de force).
· Positionnement de
l'élève
Pour trouver la place la plus adéquate, tenir compte du
handicap spécifique de l'élève. L'enseignant
spécialisé en déficience visuelle ou une
spécialiste basse vision peut, si nécessaire, aider au
positionnement de l'élève (voir aussi « Poste de travail
» dans le prochain chapitre). Tenir compte des paramètres suivants
peut contribuer à trouver l'emplacement le plus adéquat :
o Éclairage : la place de travail d'un
élève malvoyant doit être bien éclairée, mais
ne doit pas être face à une fenêtre (éblouissement).
Si l'élève souffre de photophobie, éviter de travailler
sur des supports blancs ainsi qu'un ensoleillement direct sur les supports
utilisés. Préférer la lumière artificielle, qui est
constante. S'il souffre de cécité nocturne, l'environnement doit
être suffisamment éclairé.
o Emplacement par rapport au tableau mural :
si l'élève peut lire « en noir », le placer près
du tableau. S'il a une meilleure vision de l'oeil gauche, le placer du
côté droit de la salle de classe et vice versa. Le cas
échéant, autoriser l'élève à se
déplacer ou à placer sa chaise tout près du tableau s'il
ne voit pas bien depuis sa place.
o Bruit : l'élève ayant une
déficience visuelle compensant par l'auditif, choisir un endroit
protégé des bruits parasites. Créer une ambiance calme.
L'élève doit pouvoir entendre aisément l'enseignant. Le
placer par exemple au premier rang, au centre de la salle face au tableau et
ainsi proche de l'enseignant pour une meilleure imprégnation de la
partie orale.
o Place par rapport à ses camarades :
l'élève ayant une déficience visuelle a tendance à
« décrocher » et à se replier sur lui-même.
Veiller à qu'il ne soit pas isolé (également lors de la
récréation). Placer l'élève sur le même plan
que ses camarades au niveau des bureaux.
· Verbalisation et prise de
repères
o Utiliser des termes de lieux précis pour
désigner un emplacement, afin que l'élève puisse le situer
dans son environnement. Éviter « ici », « ça
» et « là » et dire plutôt « à ta
gauche/droite », « devant/derrière toi », « sur la
table », « deux pas en avant »...
o Oraliser au maximum : relire les consignes à haute
voix, oraliser ce qu'on écrit au tableau, etc. Faire appel à des
lecteurs-ressources, c'est-à-dire des camarades qui se relayeront pour
relire si nécessaire les consignes ou indications écrites aux
élèves déficients visuels. Nommer les élèves
interrogés par leur prénom. Manifester sa présence.
Épeler les mots nouveaux.
o Décrire ce qui se passe : les lieux, les gens, les
choses, les actions. Décrire oralement les dessins, schémas,
graphiques.
o Utiliser des repères pour l'écrit : autoriser
l'élève à mettre des repères pour mieux se
retrouver dans un texte, en soulignant, surlignant (par ex. barrer les
questions au fur et à mesure de leur résolution) ou en utilisant
des repères tactiles (gommettes 3D, étiquettes braille) ou
visuels (gommettes, puces).
· Information écrite
Avec l'aide de l'enseignant spécialisé en
déficience visuelle, prodiguer l'information écrite sous la forme
la mieux adaptée en tenant compte du handicap particulier de
l'élève. Par exemple, l'élève pourra choisir ce qui
lui convient le mieux si l'enseignant lui présente plusieurs types de
polices et de tailles. Tenir compte des paramètres
énumérés ci-dessous aidera à mettre à
disposition une information écrite claire et structurée, dont
bénéficieront également les autres élèves de
la classe. Selon le handicap particulier de l'élève, il sera
parfois nécessaire d'adapter spécifiquement les documents de
travail. Ce point est détaillé dans le prochain chapitre (sous
« adaptation des documents de travail »).
o Structure de l'information :
préparer des documents structurés, nets,
débarrassés des informations inutiles afin de faciliter la prise
d'informations. La mise en page doit être claire et simplifiée.
o Propreté des supports :
éviter la feuille recto verso (la lumière fait apparaître
le texte au verso). Le tableau doit être le plus propre possible.
o Contrastes et couleurs :
préférer l'encre noire sur papier blanc, le feutre noir sur
tableau blanc. Sur tableau noir, la craie jaune est souvent mieux vue que la
blanche. Éviter les autres couleurs. Très souvent, un
élève malvoyant doit pouvoir disposer de photocopies, sur papier
blanc pour accentuer les contrastes, ou sur papier recyclé s'il souffre
d'éblouissement. Photocopier en noir et blanc. Lorsque
l'élève a un problème de vision des couleurs,
vérifier qu'il arrive à lire les caractères écrits
en couleur.
o Lisibilité des caractères :
choisir des polices simples (par ex. verdana, arial). Eviter les
caractères trop compliqués. L'écriture manuscrite doit
être soignée, les lettres bien formées.
o Affichage des écrits dans la classe (tableaux
compris) : si l'élève a une mauvaise vision de loin
l'affichage doit se faire à la hauteur de ses yeux. Limiter
l'utilisation de tableaux latéraux. Il est aussi possible de donner
à l'élève malvoyant une feuille de ce qui va être
écrit au tableau afin de lui éviter les allers retours entre le
tableau et la feuille. Le contenu des affichages en classe peut aussi
être consigné dans un cahier appartenant à
l'élève. En cas d'usage d'un tableau électronique,
permettre à l'élève de consulter le document sur
l'écran de l'ordinateur. Si l'élève souffre
d'éblouissement, éviter les tableaux blancs et l'exposition
directe des documents au soleil.
· Solliciter les autres sens que la vue (toucher,
sens kinesthésique, audition) dans les apprentissages
o Laisser l'élève toucher les objets, mettre
à sa disposition et à sa portée de main des objets
variés et veiller à ce que les supports servant aux
investigations de l'élève malvoyant se trouvent à sa
portée.
o Si nécessaire, accomplir avec lui les gestes qu'une
activité requiert (tenir sa main et accompagner son geste).
o Attirer son attention par des signes particuliers
non-visuels, par ex. en posant une main sur son épaule.
o Lors des activités d'écoute, inciter
l'élève à une participation active. Si possible,
l'autoriser à répondre oralement plutôt que par
écrit.
· Attitude à adopter
o Fournir l'aide nécessaire tout en respectant les
capacités d'autonomie de l'élève. Ne pas l'infantiliser
(ne pas répondre à sa place, ne pas lui imposer son aide ou ne
pas « faire à sa place », etc.). Le mieux est de lui proposer
de l'aide ou d'attendre qu'il la demande sans l'imposer.
o Concernant les règles de vie en classe, placer
l'élève sur un pied d'égalité avec ses pairs : il
doit être considéré comme un membre de la classe et soumis
aux mêmes règles que ses camarades de classe (exigences de
discipline et de savoir-vivre, tâches collectives,
responsabilités, compliments, punitions, etc.). Stimuler son autonomie
et sa participation : l'élève peut prendre part à presque
toutes les activités (y compris à l'éducation physique
sauf contre-indication, aux ateliers, au cours de cuisine, aux cours de
sciences naturelles, etc.). Il faut cependant prendre en compte les risques
encourus lors d'une activité donnée.
· Attention particulière
o Posture de l'élève : veiller à ce qu'il
soit bien assis, dos droit (risques de contractures, maux de dos, etc.). Lui
demander de regarder son interlocuteur même s'il ne le distingue pas.
o Être attentif à son bien-être : en fin de
journée, l'élève peut être très
fatigué. L'apparition de mouvements stéréotypés
peut être un signe d'angoisse ou d'isolement.
o Être attentif à ce qu'il comprenne bien les
mots qu'il utilise : s'assurer que les termes employés sont bien
reliés à des représentations du réel connu par
l'élève.
o L'informer dans certaines situations ou décrire le
contexte pour qu'il puisse adapter son attitude de manière
adéquate.
Ces différentes activités d'apprentissage mis en
place par l'enseignant et le conseiller d'orientation permettraient aux
déficients visuels de mieux apprendre et de résoudre les
difficultés d'apprentissage. Il ressort de ce qui précède
que ces différentes stratégies d'enseignants doivent être
mises en place pour aider l'élève déficient visuel
à être épanouie et autonome.
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