III- DELIMITATION DU SUJET
Notre étude est délimitée dans le temps et
dans l'espace.
Sur le plan temporel, nous avons choisi la période de
2010 à 2014. D'un côté, le choix de l'année 2010 est
guidé par le fait que cette année est charnière en terme
pénétration des BA au Cameroun. C'est également
l'année de maturation des nombreuses réformes du secteur bancaire
(en Afrique et au Cameroun) entreprises à la fin des années 90.
D'un autre côté, le choix de l'année 2014 se justifie par
rapport aux derniers rapports d'activités des banques disponibles et
11 SCB Cameroun a par exemple été Banque
Chef de file des opérations d'Emprunt obligataire de l'Etat du Cameroun
en 2013 et 2014
7
au dernier classement annuel des banques africaines
réalisé par le magazine Jeune Afrique au moment où nous
menons notre étude.
Sur le plan spatial, notre étude se délimite sur
le secteur bancaire camerounais, bien que des exemples soient empruntés
à partir d'autres cadres spatiaux en l'occurrence, la zone CEMAC,
l'Afrique et l'Europe.
IV- REVUE DE LA LITTERATURE
L'activité internationale des banques a largement
été abordée dans la littérature financière
et est communément définie par le terme de « diversification
géographique ». Les premiers travaux se sont focalisés sur
les mobiles de l'internationalisation bancaire, par la suite plusieurs auteurs
ont étudié les modes d'implantation des banques à
l'étranger ainsi que l'impact de la diversification sur la performance
des banques. Bien que la littérature soit très
développée à ce sujet, aucun consensus n'a
réellement été trouvé sur les bienfaits de la
diversification. La théorie explique que la diversification alloue,
d'une part de la crédibilité aux banques en tant
qu'intermédiaires financiers, et d'autre part, de la garantie aux
déposants pour la sécurité de leurs fonds [Diamond,
(1984)]. La plupart des travaux se concentrent sur deux types de
diversification ; l'une sur plusieurs activités bancaires, et l'autre
sur plusieurs zones géographiques.
Les raisons de l'internationalisation
bancaire
La littérature financière s'est penchée
sur les mobiles de l'expansion transfrontalière des banques dès
la fin des années 1970. Les résultats de la première vague
d'études sont très différents de ceux que l'on observe
aujourd'hui. Ceci peut être lié au fait que l'internationalisation
des banques est aujourd'hui très différente et beaucoup plus
autonome [Pastré, Blommestein, Jeffers, Pontbriand (2005)].
Les raisons principales expliquant la diversification
géographique des banques sont regroupées en deux
catégories dans la littérature : il existe des
déterminants internes et des déterminants externes à la
banque, comme le soulignent Nekhili et Karyotis (2008). L'ensemble de ces
facteurs décrivent les principales caractéristiques de
l'expansion bancaire.
8
- Les déterminants internes
Il existe quatre principaux facteurs décisifs
liés à l'installation étrangère : la
réalisation de profit, la clientèle, l'accès au capital et
les motivations managériales.
La réalisation de profit : La
première raison évoquée dans la littérature
financière pour expliquer l'expansion internationale des banques est la
recherche de performance et d'efficacité. En effet, en
s'internationalisant les banques recherchent une diminution des coûts,
grâce à l'élargissement de leurs bases de
dépôts ou grâce à l'exploitation de nouvelles
ressources [Deng et Elysiani (2008)] ; [Bout et Schmeits, (2000)]
suggèrent que la diversification permet aux banques de réduire la
volatilité des résultats. Ainsi, l'expansion géographique
abaisse les risques et accroît la valeur de l'entreprise. Aussi, pour
Berger et al. (2000) la diversification géographique des banques conduit
à une meilleure performance en élargissant le pouvoir de
marché et en améliorant l'efficacité des institutions
financières. De son côté, Caves (1981) affirme que les
institutions en se diversifiant, augmentent non seulement leur pouvoir de
marché12, mais exploitent aussi des ressources qui ne sont
généralement pas disponibles. Ensuite Cerasi et Daltung (2000)
stipulent qu'il existe un niveau optimal de diversification dans la mesure
où les banques opèrent généralement un arbitrage
entre l'augmentation des coûts et les bénéfices
résultant de la diversification.
Les banques s'expatrient également afin de suivre leurs
clients internationaux et d'augmenter leur portefeuille de clientèle.
Suivre la clientèle et trouver de nouveaux
clients : L'expansion internationale s'explique par le
désir des banques de suivre leur clientèle à
l'étranger. Le marché bancaire est caractérisé par
une relation de long terme entre une banque et ses clients [Dietsch, (1992)].
C'est pourquoi les banques accompagnent leurs clients à
l'étranger. Pour Grubel (1977) les banques qui suivent leurs clients
à l'étranger peuvent exploiter la connaissance acquise sur le
marché local et en acquérir une autre. Ces banques cultivent
aussi les informations recueillis sur les marchés étrangers afin
d'y implanter des filiales. La stratégie constituant à suivre la
clientèle, représente un moyen de tester un nouveau marché
[Casson (1990)]. Certaines études développées dans les
années 80, telles que celle proposée par Goldberg et Saunders
(1981) ont prouvé que les investissements directs étrangers
opérés étaient liés à la présence de
banques dans les pays ciblés.
12 Le pouvoir de marché peut être
défini comme la possibilité de pouvoir fixer les prix de
manière unilatérale sur le marché (Nekhili et Karyotis,
2008)
9
La décision de développer au-delà de ses
frontières est également due au souhait des banques de trouver de
nouveaux clients. En effet, en suivant les clients existants, elles essaient de
construire un portefeuille composé d'une clientèle
étrangère. Pour Molyneux (2003), les banques choisissent dans ce
cas, l'établissement à l'étranger. Cette forme
d'implantation à l'étranger est pour lui la moins coûteuse,
afin d'augmenter son portefeuille de clients. En effet, la proposition de
services et de produits liés à l'activité internationale
génère des coûts élevés si la banque doit
opérer depuis son pays d'origine. Une implantation dans le pays cible
réduit les barrières à l'entrée et permet de
diminuer les coûts.
D'autres facteurs internes tels que l'accès au capital,
influencent sur les décisions des banques de s'installer à
l'étranger.
L'accès au capital et la liquidité
: En dépit de la réglementation bancaire,
l'accès au capital est une problématique propre aux
établissements bancaires. Le coût du capital d'une banque
diffère de celui d'une entreprise industrielle. En effet, le coût
des fonds propres des banques endosse une position primordiale en dépit
du fait que les banques ont un effet levier plus important que les entreprises
industrielles [Zimmer et Cauley, (1991)]. Le coût d'un produit financier
représente pour une banque la moyenne pondérée des
coûts spécifiques des diverses sources de financement, le facteur
de pondération de chaque source de financement étant la valeur de
marché de celle-ci. Ainsi si une banque établit un prix pour un
produit financier, en dessous de son coût du capital, celle-ci expose ses
actionnaires à une perte.
Pour Acharya et al., (2006) il existe plusieurs
raisons pour lesquelles les banques décident d'étendre leurs
activités au niveau international. L'une d'entre elles est que celles-ci
exercent dans un environnement règlementaire nécessitant des
exigences e capital étroitement liées au risque de l'actif, aux
filiales et à la restriction en termes de crédit. Ainsi, la
diversification géographique peut être vue comme un moyen de
diminuer les coûts de régulation liés à l'exigence
en capital et de diminuer les risques liés aux prêts. Les revenus
nets d'intérêts sont pour beaucoup de banques une source de profit
intéressante.
Par conséquent, comme nous l'avons souligné plus
haut, l'international leur permet d'avoir des profits plus intéressants
si les taux d'intérêt sont plus élevés dans les pays
étrangers. La différence des taux d'intérêt peut
dans ce cas être soit un facteur d'attraction soit un facteur de rejet :
un facteur d'attraction si les taux d'intérêt sont plus
élevés dans le pays étranger, un facteur de rejet dans le
cas inverse [Slager, (2004)]. Lorsqu'une banque obtient un coût sur
capital moins élevé que ses concurrentes, cela se
répercute généralement sur sa part de marché.
10
Les motivations managériales
: Amihud et Lev (1981) mentionnent que les décisions
prises dans une entreprise sont généralement associées aux
motivations du gestionnaire et non à la seule décision des
actionnaires. Berger et Ofek (1996), ainsi que Demsetz et Strahan (1997) font
valoir que l'établissement à l'étranger est directement
lié au désir du gestionnaire de protéger son emploi, son
pouvoir et de diversifier son propre risque. Aussi, les décisions du
gestionnaire en termes de diversification de marchés sont fonction de sa
propre rémunération ou des avantages indirects qu'il peut
recevoir après la diversification.
De ce fait, la recherche de l'efficience et de la performance,
le désir de suivre son client et d'en trouver d'autres et la
volonté du gestionnaire de diversifier son propre risque sont autant de
facteurs qui poussent à l'internationalisation bancaire. Cependant il
existe également des déterminants externes à la banque.
- Les déterminants externes
Les facteurs externes sont, quant à eux,
représentés par les innovations financières, la
réglementation, le risque pays et par la similitude des cultures.
Les innovations financières et le
progrès technologique : le progrès technologique
ainsi que les changements économiques et financiers encouragent souvent
l'expansion transfrontalière. Miller et Parkhe (2002) ont montré
que les banques américaines étaient plus
intéressées par les pays où les pratiques bancaires
étaient bien développées. Les innovations
financières sont une garantie pour les banques de réaliser des
économies d'échelle et de créer de la valeur. Ainsi, la
création de nouveaux outils tels que les centres d'appels ou les
services bancaires en ligne, développe fréquemment de nouvelles
opportunités et génère de la performance. Outre l'ensemble
des innovations financières, la réglementation financière
et bancaire adoptée par un pays peut aussi avoir des conséquences
sur les stratégies internationales bancaires.
La réglementation : La
réglementation a également un impact sur le choix de
diversification géographique des banques. La
dérèglementation du secteur bancaire français dans les
années 80 a entraîné l'augmentation des partenariats
bancaires. En conséquence les banques ont opéré une
diversification dans plusieurs activités différentes ainsi que
dans des régions variées [Lacoue Labarthe (2001)]. Aux Etas-Unis,
le Gramm-Leach-Billey Act en 1999, a permis aux banques de diversifier leurs
activités et a impulsé un mouvement de fusions et acquisitions
entre banques de détail et banques d'investissement.
11
De plus, la réglementation renforce l'exigence en
matière de liquidité. En Europe, les réformes
réglementaires Bâle III pourraient avoir un impact réel sur
les fusions-acquisitions internationales réalisées dans le
secteur bancaire. Bâle II, selon Nekhili et Karyotis (2008), avait
déjà eu des conséquences sur les opérations
internationales en particulier sur la gestion des risques opérationnels
et de crédit ainsi que sur la répartition des capitaux propres.
De ce fait, la réglementation du pays d'origine et celle du pays cible
sont des facteurs déterminants pour l'expansion internationale tout
comme le risque pays.
Le risque pays : Le risque pays
représente aussi un facteur discriminant pour l'établissement
à l'étranger. Cerruti et al. (2007) estiment que le risque pays
est le résultat de déterminants politiques et économiques
tels que la que la stabilité des taux de change ou e niveau de dette
publique. Pour ces auteurs, le risque pays est composé des risques
économiques et politiques. Coeurderoy et Quelin (1997) expliquent
également que la stratégie internationale des banques est
fonction des risques politiques, économiques et sociaux. Les
différences de langue et de culture représentent aussi un risque
pays. Les banques doivent également faire face à un risque
inattendu tel que des contagions dues à une défaillance du
système financier et politique [Greuning et Bratanovic (2004)]
Les déterminants culturels et historiques
: L'histoire et la culture peuvent être des facteurs
discriminants, notamment si le pays domestiques partage la même culture
et la même langue que le pays cible. Lorsqu'une institution
financière s'implante dans un pays qui possède la même
langue, il apparaît plus facile pour celle-ci de proposer des produits
adaptés à la clientèle locale selon Slager (2004).
D'ailleurs, la plupart des stratégies de mondialisation des banques
européennes ont pour point d'appui l'héritage colonial. En effet,
les banques espagnoles et anglaises ont opté dans un premier temps pour
une installation dans les anciennes colonies.
Les logiques de l'internationalisation bancaire sont donc
à la fois rythmées par des facteurs propres à la banque,
mais également par des déterminants extérieurs. Ces
caractéristiques nous démontrent que les banques recherchent
avant toutes choses de meilleures conditions d'exploitation.
Performance des banques à
l'international
Certaines études empiriques se penchent sur les effets
d'une expansion géographique [Cubo-Ottone et Murgia, (2000)]. D'autres
expliquent les conséquences sur la performance et le risque de la
diversification par le biais de lignes d'activités bancaires
différentes telles que
12
l'assurance [Wall et Eisenbeis, (1984)], ou encore le
crédit à la consommation [Sinkey et Nash, (1993)]. Et enfin,
certains auteurs se préoccupent des deux dimensions, à savoir la
diversification sur les zones géographiques différentes et la
diversification à travers plusieurs métiers [Stiroh et Rumble,
(2006)].
Berger et al. (2000) ont essayé d'évaluer les
effets des acquisitions transfrontalières sur la performance des banques
européennes (France, Espagne, Allemagne, et Italie) et des banques
américaines dans les années 1990. Ils concluent que les banques
transfrontalières réalisent moins de profit que les banques
nationales.
En revanche, Forcarelli, Panetta et Salleo (2000) constatent
que les fusions transfrontalières sont accompagnées d'une
augmentation des profits. Cependant, l'expansion internationale induit des
difficultés directement liées à l'établissement
à l'étranger. Les banques doivent faire face aux risques
politiques et économiques. Elles doivent également
contrôler les difficultés liées aux différences
culturelles et linguistiques.
D'autres frais peuvent aussi survenir en raison de la hausse
du taux de change ou encore de l'augmentation des frais de personnel. Atumbas
et Marques (2008) ont également examiné les effets des fusions et
acquisitions transfrontalières sur la performance des banques
européennes et ont trouvé des conséquences
négatives sur la performance. Hayden, Porath et Westernhagen (2006) ont
démontré que la diversification réduisait le Return on
Equity (ROE) des banques détenant beaucoup de filiales
réalisaient moins de bénéfice.
Bergen, Hansan et Zhou (2010) se sont intéressés
à la diversification des banques chinoises (en termes de métiers
et de zones géographiques) et remarquent que les deux dimensions de
diversification apportent une baisse des profits et une hausse des
coûts.
Ainsi, bien que la littérature ait largement
débattu sur les mobiles de l'internationalisation des banques, de
même que sur l'impact de cette internationalisation sur leurs
performances, il n'en demeure pas moins que ces travaux se sont plus
focalisés sur les banques occidentales et asiatiques. Le cas des banques
africaines est très peu évoqué. Aussi, nous allons
présenter dans la section suivante la problématique de notre
recherche.
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