2 : Le problème du financement bancaire des
PME
L'histoire des rapports entre banques et PME ressemble fort
à celle des vieux couples qui se font des reproches incessants, mais
doivent pourtant vivre ensemble. Cette situation est sans doute encore plus
vraie au Cameroun où le système financier reste jusqu'ici
dominé par les banques, ce qui laisse aux PME peu de manoeuvre dans la
recherche de financements alternatifs aux concours bancaires. Il est connu
partout que PME constituent le moteur de la croissance économique du
Cameroun, cependant nombreuses d'entre elles n'ont pas accès aux
ressources nécessaires à leur développement. Plusieurs
raisons peuvent expliquer ce phénomène que ce soit du
côté des entreprises ou du côté des banques.
2.1 : Un manque de structuration des
entreprises
Du côté des entreprises trois aspects constituent
une préoccupation prédominante pour les banques : La faiblesse
généralisée des fonds propres des PME apparaît comme
le premier d'entre eux. Cette faiblesse s'explique à la fois par les
réticences des promoteurs à rechercher d'autres actionnaires, la
rareté des trésoreries disponibles, les sous-évaluations
fréquentes des coûts de fonctionnement et d'investissement dans
les budgets, ainsi que la sous-estimation du capital nécessaire pour
réaliser le chiffre d'affaire envisagé. En conséquence, le
poids des emprunts dans les plans de financement apparaît souvent trop
important, ce qui d'une part
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conduit les banques à durcir une position
déjà naturellement réservée ou à multiplier
les demandes de garanties, et d'autre part, freine les entreprises dans
l'atteinte de l'équilibre financier, les faisant ainsi redoubler de
fragilité.
Le deuxième obstacle important rencontré par les
banques est l'insuffisance d'organisation des PME, notamment en ce qui concerne
les ressources humaines, la comptabilité, la gestion administrative et
les fonctions de contrôle. Le chef d'entreprise, y compris pour des PME
de grande taille, est souvent le seul décideur de la
société. La formalisation modeste, voire parfois balbutiante,
favorise les erreurs, les fraudes et nuit à la régularité
des processus, ce qui peut particulièrement pénaliser les
entreprises du secteur manufacturier, notamment celles destinées
à l'exportation. L'action est trop rarement
précédée d'une réflexion qui permettrait de
garantir la stabilité des processus de production et de
commercialisation.
Le contrôle, tant au niveau interne qu'au niveau des
auditeurs, est relégué au second plan. Cela empêche la
détection rapide des faiblesses de la société, facilite
les éventuelles velléités de non transparence de certains
promoteurs et amenuise la sérénité des banquiers face aux
PME. Enfin, le manque de vision du futur de l'entreprise constitue le
troisième principal obstacle. Trop de sociétés naissantes
sont issues d'une initiative plutôt impulsive de l'entrepreneur, sans
analyse approfondie du marché et de la concurrence.
Ceci entraîne fréquemment des désillusions
sur le chiffre d'affaires, et, en conséquence, sur les capacités
de remboursement des concours bancaires. Trop d'entreprises nouvelles
surdimensionnent leurs investissements au démarrage, au lieu de
concevoir leur projet par étapes, compromettant ainsi presque à
coup sûr leur rentabilité. Trop de PME en développement
analysent de façon très approximative leur potentiel et leur
rythme de croissance et handicapent donc leur futur, même si elles
avaient été exemplaires dans une première phase de leur
existence.
2.2 : L'insuffisance des moyens dédiés aux
PME au sein des banques
Du côté des banques, il faut reconnaître
également au moins trois insuffisances notables. La première est
la faiblesse du suivi des concours mis en place. La fragilité normale
des PME en termes d'organisation et de projection dans le futur devrait
contraindre les banquiers à surveiller de près le fonctionnement
quotidien de l'entreprise, la pertinence de ses
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investissements et les difficultés qu'elle rencontre.
Les PME étant naturellement peu enclines à donner une vraie place
de conseiller à leurs banquiers, ceux-ci devraient prendre
systématiquement l'initiative. Or, ce rôle demeure mal
assumé. La récente intensification des exigences de suivi des
principales clientèles traditionnelles (grandes entreprises et
particuliers) imposées par les réglementations, le manque de
temps face aux nombreux dossiers de PME souvent tous différents les unes
des autres ainsi que la faible rentabilité de telles actions
d'encadrement par rapport à d'autres activités sont autant de
facteurs qui peuvent expliquer l'insuffisance de suivi de la part des banques.
Cela peut créer un cercle vicieux dans la mesure où cette
insuffisance de suivi est précisément à l'origine de la
dégradation de nombreux dossiers, ce qui renforce alors l'aversion des
banques aux PME.
La deuxième insuffisance des banques, partiellement
responsable de la précédente, est la pénurie au sein des
équipes bancaires de cadres de référence
spécifiques ayant une expérience approfondie de la gestion des
dossiers de financement des PME. La diversité des PME, que ce soit en
termes de taille, de secteurs, de caractéristiques ou d'appuis requis,
est bien sûr à l'origine de cette situation. Elle explique les
difficultés rencontrées pour mettre au point des solutions. Les
efforts d'amélioration restent cependant insuffisants.
Les banques camerounaises continuent dans la plupart des cas
de souffrir d'une pénurie de départements
spécialisés sur les PME, d'un manque de procédures bien
adaptées à la modestie des informations financières et des
quelques indicateurs de suivi disponibles, d'une faible capacité
d'innovation en ce qui concerne les garanties acceptables et de l'inexistence
de formations spécifiques au financement des PME pour les analystes de
crédit et les chargés de clientèle. Ces facteurs sont
autant d'handicaps pour que les banques accroissent leur intérêt
pour les PME.
Enfin, la troisième insuffisance des banques est
liée à l'environnement institutionnel dont les déficiences
pénalisent l'action de ces dernières. En effet, malgré les
réels progrès apportés par l'Organisation pour
l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), certaines faiblesses
persistantes du cadre juridique (par rapport à la réalisation des
garanties par exemple) et les carences graves et
généralisées des appareils judiciaires rendent très
difficile la récupération des crédits défaillants.
Ces difficultés, amenuisent encore l'attrait des concours aux PME et
poussent en même temps les banques à durcir leurs conditions. De
même, la multiplicité, la complexité et le caractère
parfois peu orthodoxe des pressions de
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l'administration, police économique, fisc,
sécurité sociale fragilisent encore davantage les PME
prêtes à intégrer le secteur formel sous la pression des
banques.
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