2 : Les crises bancaires des années 80-90
La première crise bancaire qui va secouer l'ensemble du
système économique et financier s'est manifestée au milieu
des années 80 et à travers au moins cinq facteurs : les
défauts de paiement, les créances douteuses, la suspension des
découverts, les pertes financières des agents économiques
du fait de l'illiquidité des banques, et les faillites (fermetures
d'agences ou de certaines banques).
A la fin des années 80, la situation du secteur
bancaire camerounais était donc très critique. Par exemple, en
1988, la plupart des banques affichaient un résultat négatif et
une situation de fonds propres tout aussi négative (voir tableau 3). La
SCB et la CAMBANK ont été les premières à faire
faillite en 1988 (tableau 3). Elles ont été suivies
respectivement par la BMBC et la BCC en 1991, la BICIC en 1995. Mais l'un des
faits majeurs a été le retrait rapide des succursales des banques
américaines dès 1985 (CBC, BBC, BAC). De nombreuses autres
banques ont aussi connu des difficultés. Il s'agit entre autres de la
BCD, de la Banque de Paris et des Pays bas Cameroun (Parisbas-Cam), de la First
Investment Bank (FIB), du Crédit Agricole du Cameroun (CAC), pour ne
citer que quelques cas. Pour la seule année 1989, quatre
établissements bancaires (SCB, BIAO, BCD, et CAMBANK) parmi les plus
importants du pays ont déposé leur bilan. La perte pour
l'ensemble du secteur se chiffrait à près de 700 milliards de
FCFA en bilan cumulé, soit un peu plus de 40% du total des bilans
bancaires qui était estimé
69
à l'époque à 1520 milliards de
FCFA63. Par la suite, la perte atteindra le chiffre record de 52,884
milliards en 1990 et 50 milliards au cours de la première moitié
de 1995. Cette situation traduit à elle seule la profondeur du mal, dans
un pays qui comptait à l'époque 15 banques.
Tableau 3 : état de quelques banques commerciales
en 1988 (en milliards de FCFA)
Banque
|
Résultat 1987/1988
|
Situation nette des fonds propres au 30 Juin
1988
|
Groupe des banques déficitaires
|
SCB
|
-11
|
-130,3
|
BCD
|
-4
|
-37,9
|
CAMBANK
|
-4
|
-56,3
|
Paribas Cameroun
|
-4,2
|
-39,0
|
Total
|
-23,2
|
-264
|
Groupe des banques préoccupantes
|
BIAOC
|
-1,7
|
-10,2
|
SGBC
|
-1,8
|
-13,2
|
CBC
|
-0,4
|
-3,5
|
IBAC
|
-0,4
|
-0,9
|
Méridien Bank
|
-0,4
|
+0,7
|
Total
|
-4,7
|
-27,1
|
Groupe de banques saines
|
BICIC
|
1,8
|
-6,9
|
BCCC
|
2,7
|
-
|
Total
|
4,7
|
-6,9
|
Source : Rapport de la société
d'ingénierie bancaire internationale
Tableau 4 : Situation des banques au cours des
années 80 et 90
Banque
|
Situation en fin des années 80
|
Situation en fin des années 90
|
SCB
|
En faillite en 1988 et liquidée en
1989
|
Est devenue la SCB-Crédit Lyonnais
|
BICIC
|
En restructuration
|
Est devenue la BICEC en 1977 avec la banque Populaire
|
SGBC
|
En restructuration
|
En restructuration
|
BIAOC
|
En faillite et reprise en 1991 Encore en faillite en 1995
|
Reprise par la Meridian Bank Cameroon en 1991
|
CAMBANK
|
En faillite en 1988 et liquidée
|
-
|
Chase Bank
|
Fermée en 1985
|
|
Boston Bank
|
Fermée en 1985
|
|
Paribas Cameroun
|
En faillite en 1989
|
|
BCCC
|
Fermée en 1991
|
Reprise par la Standard Chartered Bank en 1991
|
Bank of America
|
Fermée en 1985
|
Est devenue l'IBAC avec des intérêts
camerounais
|
BCD
|
En faillite et liquidée en 1989
|
|
Source : Rapports annuels du Conseil National du
Crédit du Cameroun
63 Voir : Rentabilité consolidé du
secteur bancaire dans les différents rapports National du Crédit
et les documents de la BEAC (Direction de la Recherche et de la
Prévision)
70
L'examen des données relatives au secteur bancaire
laisse croire que la crise bancaire de la fin des années 80 était
une crise financière au sens des monétaristes car celle-ci
était caractérisée par la contraction de l'offre de
monnaie. Après avoir subi une augmentation régulière de
1970 à 1985, la masse monétaire a connu une baisse de 1986
à 1987 et la situation monétaire a commencé à
fluctuer à partir de 1988 jusqu'en 1992. La contraction monétaire
de 1987 s'est traduite par une nette diminution des billets en circulation et
de la monnaie divisionnaire. Avec l'avènement de la crise bancaire, les
crédits alloués au secteur privé ont commencé
à baisser au début des années 80. Cette baisse va
même s'accentuer courant 1990 (voir graphique 3).
En fait, déjà en 1984, on a observé une
substitution entre billets et dépôts. Cette substitution a
donné lieu à une hausse sensible du ratio
billets/dépôts à vue entre 1984 et 1990. La crise de
confiance des clients met en relief le début du retrait progressif de
leurs avoirs des banques et l'accentuation de la baisse observée des
dépôts (tableau 5). La réduction des dépôts
s'est faite sans distinction, aussi bien dans les banques solvables que dans
les banques insolvables. Face à l'ampleur du marasme, l'Etat a
essayé de camoufler la baisse des dépôts privés des
banques en augmentant substantiellement ses propres dépôts. La
situation dégradante et progressive caractérisée par une
sortie massive des capitaux a annulé l'effet de camouflage des
difficultés financières du pays.
Tableau 5 : Evolution des dépôts (en
milliards de FCFA) dans les banques de 1984 et 1990
Banque
|
1984/85
|
1985/86
|
1986/87
|
1987/88
|
1988/89
|
1989/90
|
BIAOC
|
15,54
|
-19,89
|
-5,93
|
-4,83
|
-26,15
|
-20,11
|
BCCC
|
15,18
|
-10,45
|
36,62
|
24,18
|
-19,24
|
5,09
|
BICIC
|
-2,88
|
35,95
|
-11,05
|
30,71
|
6,52
|
-40,97
|
CAMBANK
|
7,57
|
-2,69
|
1,69
|
-
|
-
|
-
|
IBAC
|
-9,99
|
70,74
|
-20,54
|
-12,93
|
53,24
|
-26,77
|
MBC
|
30,13
|
-44,11
|
0,26
|
4,03
|
-1,97
|
-9,57
|
SCB
|
-26,20
|
-9,25
|
-3,77
|
-10,86
|
1,46
|
22,06
|
SGBC
|
30,09
|
14,13
|
37,94
|
-12,54
|
-5,34
|
-7,14
|
Source : études statistiques de la
BEAC
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