CHAPITRE II : LIENS ENTRE INTERNATIONALISATION ET
PERFORMANCE BANCAIRE
L'internationalisation des banques a-t-elle un impact positif
sur les performances de celles-ci ? De nombreux travaux de la
littérature bancaire et financière se sont
intéressés à cette question. Cependant, malgré ces
nombreuses recherches, aucun consensus n'a été trouvé.
En effet, la littérature détermine la
diversification de marché comme une allocation des ressources sur
plusieurs marchés différents dans le but d'une part, de
réduire le risque que pourrait causer une concentration des ressources
sur un seul marché, et d'autre part, d'exploiter la flexibilité
de marchés étrangers (Albaum et al. 1989).
Certains modèles théoriques suggèrent que
l'internationalisation peur augmenter le profit des banques. Ainsi, la
théorie de l'agence affirme que la diversification peut réduire
le risque personnel du dirigeant (Amihud et Lev, 1981). D'autres
théories managériales indiquent quant à elles, qu'une
firme diversifiée a recours à des investissements internes moins
chers (Lang, Poulsen et Stulz, 1995). Cependant, certaines théories font
état du fait que les banques peuvent souffrir de problèmes de
coûts de transaction (Williamson, 1989), ou encore doivent faire face
à des conflits de régulation ou de supervisions directement
liés à leur choix de diversifier ou non (Berger et al., 2000).
Si la littérature financière et bancaire propose
plusieurs études à propos de la diversification sur les
bénéfices des banques, le lien entre internationalisation et
performance n'est pas encore très clair. Les écrits à ce
sujet abordent cette question de trois manières différentes :
D'abord certains travaux analysent uniquement les effets de
l'internationalisation43, ensuite d'autres s'articulent autour des
conséquences sur la performance et le risque d'une diversification
à travers plusieurs autres lignes d'activités bancaire comme
l'assurance44, et d'autres enfin, s'intéressent aux deux
degrés de diversification (à savoir géographique et
technologique)45.
43 A l'image des travaux de Cubbo-Otone et Murgia
(2000), Forcarelli et al (2000)
44 Kwast (1989), Wall et Eisenbeis (1984)
45 Berger et al. (2010), Acharya et al. (2002)
43
Afin de mieux comprendre le lien entre l'internationalisation
bancaire et la performance, nous allons tour à tour analyser le lien
entre internationalisation et performance financière d'une part (Section
I), et internationalisation et performance non financière d'autre part
(Section II).
SECTION I : INTERNATIONALISATION ET PERFORMANCE
FINANCIERE
La littérature bancaire et financière affirme
que l'une des raisons premières incitant les banques à
s'installer au-delà de leurs frontières reste le désir de
création de valeur et de pouvoir de marché. En se diversifiant,
une banque peut non seulement augmenter son pouvoir de marché, mais
également exploiter des ressources, qui jusqu'ici ne lui étaient
pas disponibles (Caves, 1981). Selon ce point de vue, la banque peut donc
pratiquer une politique de prix qui lui donnera une position dominante sur le
marché et qui limitera l'entrée potentielle de nouveaux arrivants
(Saloner, 1997). Dans cette section nous analyserons le lien entre
l'internationalisation et la performance financière d'une banque
à travers le pouvoir de marché d'une part, et la recherche de
l'efficience d'autre part.
A : L'ELARGISSEMENT DU POUVOIR DE MARCHE
Le pouvoir de marché peut être défini
comme la possibilité de pouvoir fixer les prix de manière
unilatérale sur le marché [Nekhili et Karyotis, (2008)]. Pour
Scherer (1980) et Grant (1988), le pouvoir de marché procure à
une firme la possibilité d'être sur toute la ligne de production.
Il peut en résulter pour la banque d'être en situation de monopole
et d'avoir une totale emprise sur la fixation des prix.
En s'internationalisant, la banque acquiert un pouvoir de
marché à travers de son réseau sur plusieurs pays
[Contractor et al, (2003)], et l'exploitation de ressources nouvelles.
1 : Le pouvoir de marché à travers
l'extension internationale du réseau
En se diversifiant géographiquement sur le plan
international, la banque se retrouve en position de fournisseur et peut ainsi
agir sur la fluctuation des prix comme elle le souhaite. Berger et Hannan
(1998) ont démontré dans leur étude qu'il existait une
corrélation positive
44
entre l'indice de concentration des banques et les
prix46. Ainsi, pour Stulz (1990) les firmes concentrées sur
un même marché sont moins flexibles que celles pratiquant une
diversification, dans la mesure où elles ont deux types de financements
à leur disposition : un financement interne et un financement
externe.
Dans cette optique, la banque peut bénéficier,
suite à une diversification de plusieurs effets, tels qu'un effet de
réputation, un effet de taille et un effet de diversification des
sources et de financement [Nekhili et Karyotis, (2008)]. Pour Berger et al,
(2000), l'effet d'une consolidation transfrontalière sur le pouvoir de
marché diffère selon que l'on se positionne sur le marché
financier sur une niche de détail, ou sur une niche de gros.
Pour ces auteurs, une fusion transfrontalière ne va
donc pas affecter directement le pouvoir de marché qu'exerce la banque
sur ce type de marché local. Cependant, ce pouvoir de marché
exercé sur les clients locaux peut augmenter en affectant d'une part, la
consolidation des institutions financières à l'intérieur
même des pays et d'autre part, en changeant les règles du jeu de
concurrence qui prévalent entre ces institutions financières. Ce
changement de règles peut également rendre les banques
présentes sur le marché domestique plus contestables.
En effet, les consolidations transfrontalières
conduisent généralement à une augmentation des
rapprochements bancaires à l'intérieur même des pays, ce
qui entraînerait une augmentation de la concentration de marché.
Cette hypothèse va dans le sens de certaines études
réalisées sur le lien entre le mouvement de consolidation et la
concentration de marché47. Ces études
démontrent une corrélation positive entre les opérations
de consolidation et le niveau de concentration bancaire dans le marché
local. Ainsi, elles prouvent que la résultante d'une opération de
fusion-acquisition est une augmentation du pouvoir de marché pour la
banque en question.
La diversification internationale peut également
entraîner une hausse du pouvoir de marché des banques sans pour
autant agir sur la concentration du marché domestique. En effet, les
institutions ont tendance à pratiquer une harmonisation des prix, ce qui
permet d'exercer un pouvoir de marché sur la
clientèle48. Cette uniformisation des prix est habituellement
le résultat d'un désir de faciliter les opérations
administratives. L'étude de Prager et Hannan (2004) a
démontré ainsi, qu'il existait dans la décennie 1990, un
lien étroit entre les mesures de la
46 Ces auteurs ont principalement travaillé sur
le marché américain
47 Voir Berger et al (1997), Spienza (1998) et Prager
et Hannan (1999)
48 Voir Radecki (1998)
45
concentration du marché domestique et la tendance de
certaines banques Holding multinationales à imposer des taux plus
élevés à sa clientèle de détail que d'autres
banques.
Cependant, l'installation au-delà des frontières
connaît également des effets néfastes sur le pouvoir de
marché des banques au niveau domestique. Cette situation survient
communément si les institutions existantes sur le marché
n'adoptent pas une politique de prix visant à dissuader les entrants
potentiels. Cette situation peut également survenir si les institutions
étrangères plus efficientes pénètrent le
marché et proposent des prix beaucoup plus attractifs que les
concurrents du marché domestique.
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