Patrimoine culturel Bandjoun. Destruction et stratégies de protection (1904-2005).par Jacques Simo Djilo Université de Dschang Cameroun - Master 2 2018 |
II. LES RAISONS DU CHOIX DU SUJETIntitulé : «Le patrimoine culturel Bandjoun: destruction et stratégies de protection (XVIe siècle à 2005)», notre sujet de recherche a été choisi pour des raisons aussi bien personnelles, scientifiques que socioculturelles. 1. Les raisons personnellesNous sommes membre de la société culturelle dénommée «Lali»3(*) du quartier Mbouo dans le village Bandjoun depuis 2005. En tant qu'acteur de ladite dénomination culturelle, nous avons observé que la courbe évolutive des effectifs de l'association est décroissante. Face à ce constat de la baisse tragique des effectifs des membres au fil du temps et considérant que cette société constitue une partie fondamentale de notre patrimoine culturel immatériel, nous avons trouvé judicieux de questionner les racines d'une telle évolution médiocre ainsi que les stratégies de sauvegarde de ce legs ancestral. Par ailleurs, en 2015, nous avons été témoin d'un évènement qui a marqué profondément notre curiosité et notre enthousiasme à la question de la protection et de la destruction du patrimoine culturel Bandjoun. Il s'agit de l'incendie survenu à la chefferie Bandjoun le dimanche 11 janvier 2015. En effet, ce jour, une fois la nouvelle annoncée, la cour de la chefferie devint noire de monde en un temps record. Avec des seaux, des bidons et autres récipients, nous avons entamé la riposte contre ces flammes impitoyables. Nous serons plus tard rejoints par des sapeurs-pompiers partis de leur base de Bafoussam. Cette synergie d'énergie a finalement permis de maîtriser les flammes autour de 18 heures. Mais alors quand nous nous interrogions sur la question centrale du pourquoi d'un incendie à la chefferie, certains patriarches présents nous ont fait la confidence selon laquelle l'incendie qu'on venait de vivre n'était qu'une autre pièce additive au puzzle. C'est la raison pour laquelle est née en nous l'idée de découvrir les origines profondes de ces incendies qui ont été un véritable coup de cravache pour le patrimoine culturel Bandjoun. 2. Les raisons scientifiquesLe choix de ce thème provient de nos lectures permanentes sur l'histoire africaine en général et le patrimoine culturel en particulier. Ces lectures nous ont révélé que de nombreux auteurs revenaient sur l'impératif d'une protection du patrimoine culturel. Shaje Tabiluila déclare à ce propos : « Il est dès lors clair que les institutions qui gèrent le patrimoine et les établissements de formation ont une lourde responsabilité dans la préservation et la conservation de l'héritage culturel africain et dans le développement de la prise de conscience de l'importance du patrimoine auprès de tous les citoyens » 4(*). Plus loin, il est indéniable de reconnaitre que c'est la valorisation et la préservation de ce patrimoine qui permettront aux africains de riposter aux défis imposés par la mondialisation. Car comme le précise Shaje Tshiluila, la conservation de l'héritage culturel africain est « le seul moyen de favoriser la cohésion de toute l'Afrique face aux défis de l'époque actuelle en participant activement au développement et au progrès des nations »5(*). Par ailleurs, nous avons constaté que la problématique de la destruction et de la protection du patrimoine culturel est de manière permanente au centre des préoccupations des institutions mondiales en général et africaines en particulier. Les acteurs, les partenaires et d'autres parties prenantes sont de plus en plus mobilisés pour dénoncer les actions de pillage et renforcer les initiatives de protection du patrimoine culturel. A l'échelle planétaire, L'UNESCO, à travers ses multiples actions, démontre à suffisance la nécessité de protéger le patrimoine culturel. A ce titre, s on peut évoquer l'organisation des conférences régionales et sous régionales6(*) ainsi que l'élaboration des conventions sur la conservation et la protection du patrimoine culturel Mondial et ratifiées par les Etats. 7(*)Au plan local, nous avons remarqué que le Cameroun a affiché sa volonté de préserver le patrimoine culturel depuis 1982, date à laquelle il ratifia la convention du patrimoine mondial de l'UNESCO pour la protection des biens culturels et naturels. Par la suite, il ratifia en avril 2008 la convention de 2003 de l'UNESCO sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Par ailleurs, plusieurs séries de textes de lois ont été adoptées par le parlement Camerounais dans le sens de la conservation du patrimoine culturel. C'est le cas de la loi N° 2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine culturel. C'est fort de ces préoccupations que nous avons pris la ferme responsabilité de nous lancer dans une étude du patrimoine africain en général et camerounais en particulier avec pour prototype d'étude la chefferie Bandjoun. * 3Le « lali »est un mot originaire de la Mifi. Dès son origine au XVIIème siècle, il renvoie à une danse guerrière Bamiléké qui était exécutée par les hommes sensés protégés le village contre les envahisseurs. Progressivement, la connotation et la symbolique se sont systématisés. Désormais le lali connote à Bandjoun précisément une société culturelle créée dans chaque quartier du village sous autorisation du roi. C'est ainsi qu'on peut avoir le lali du quartier Mbouo, lali du quartier Mbieng, lali du Quartier Famleng... Les fonctions principales du lali sont de créer et consolider une cohésion sociale entre les fils Bandjoun d'un même quartier, renforcer les liens de solidarité et de valorisation culturelle, penser et planifier le développement local. * 4Tshiluila, S., « Présentation générale », in Gaultier-Kurhan C. (éd) Le patrimoine culturel africain, Paris, Maisonneuve et Larose, 2001, p.14. * 5 Ibid. * 6 Deux réunions régionales ont été organisées simultanément par l'UNESCO dans la République de Maurice et au Sénégal du 18 au 19 juillet 2017 et ont suscité davantage d'actions ; Le 20 juillet 2017, à Balaclava, République de Maurice, les ministres responsables de la culture à Djibouti, en Éthiopie, à Maurice, en Somalie et au Soudan du Sud ont publié une déclaration conjointe sur le renforcement des synergies pour la protection du patrimoine culturel en Afrique de l'Est et les États insulaires de l'océan Indien. Elle reconnaît la nécessité d'inclure la culture dans les plans nationaux de développement, d'améliorer la législation et les politiques de protection et de promotion du patrimoine culturel et de ratifier les instruments internationaux normatifs dans le domaine de la protection du patrimoine culturel, entre autres * 7On peut évoquer la Convention de 1954 de l'UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et ses deux protocoles (1954 et 1999), la Convention de l'UNESCO de 1970 sur les moyens d'interdire et de prévenir l'importation illicite, L'exportation et le transfert de propriété des biens culturels et la Convention d'UNIDROIT de 1995 sur les objets culturels volés ou illicitement exportés, ainsi que le réseau de partenaires et de ressources, qui constituent une base solide pour la sauvegarde du patrimoine culturel. |
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