Patrimoine culturel Bandjoun. Destruction et stratégies de protection (1904-2005).par Jacques Simo Djilo Université de Dschang Cameroun - Master 2 2018 |
3.1.3 Le facteur religieuxIl est aujourd'hui établi que l'implantation de l'évangile est un facteur important dans la disparition du patrimoine culturel immatériel du peuple africain en général et Bandjoun en particulier. En effet, dans un entretien à nous accordé par Teku Marcel, il donna ses impressions sur l'impact de l'évangile à Bandjoun en ces termes : « nouosi lé bopte ko'o lah » ( L'évangile de Dieu a détruit la tradition »163(*). Il signifie ainsi le rôle joué par la religion dans le processus d'aliénation et d'acculturation du peuple Bandjoun. Après la prise du Cameroun par les allemands en 1884, ils entreprirent la conquête de l'hinterland. Ainsi, ils fouleront le sol de la chefferie Bandjoun en 1905 selon Jean Paul Notué164(*). Au départ, la rencontre des deux valeurs culturelles semblait être une symbiose et pourtant c'était le début d'une guerre de cultures qui pointait à l'horizon. C'est pourquoi Louis perrois et Notué affirment dans leur ouvrage: « Dans un premier temps, ceux-ci respectèrent les institutions traditionnelles de Bandjoun et même renfoncèrent le pouvoir du fo comme ce fut le cas à Foumban avec Njoya . La population ne se rendit pas compte qu'elle tombait sous la domination d'une puissance étrangère».165(*)Le roi Fotso II étant favorable à l'éducation et à la présence allemande autorisa l'oeuvre missionnaire sur son territoire. Cet attachement se matérialisa par l'envoie de son fils Kamga à la mission catholique de Dschang et un autre Bopda à Bali166(*). Rapidement, la chefferie Bandjoun à travers le pacifisme manifeste de Fotso II, était devenue une terre fertile et appropriée à l'implantation du christianisme Occidental. A ce sujet Notué affirme : « Bandjoun devint le théâtre d'une lutte et d'une concurrence entre les missionnaires protestants et catholiques pour l'évangélisation du royaume »167(*). Ce fût d'abord l'oeuvre de la mission de Bâle qui s'implanta à Djomhouo et dont le plus célèbre missionnaire était Spellenberg. La mission de Bâle sera remplacée après la première guerre mondiale par la mission de Paris. L'oeuvre de ces missionnaires a été déterminante dans le processus de régression du patrimoine culturel Bandjoun notamment dans sa dimension immatérielle. En effet les points saillants de l'édifice patrimonial immatériel étaient perçus par les missionnaires comme diaboliques et par conséquent devraient être abandonnés par les nouveaux convertis. Ainsi, la polygamie, le culte des ancêtres, les statuts, les calebasses conservatrices de reliques, les funérailles et plusieurs autres rites étaient fermement condamnés conséquence voués à l'abandon. A ce niveau on peut donc donner raison à Joel Bonnemaison qui déclare au sujet de l'évangélisation : « Ils parachevèrent sans doute la destruction de l'ordre traditionnel, à leurs yeux, l'ordre païen, mais en contrepartie, ils s'efforcèrent de créer un ordre chrétien de substitution »168(*). Néanmoins il convient de préciser que ces missionnaires se sont engagés activement dans la mise en place des infrastructures routières, hospitalières et scolaires. * 163 Entretien avec Teku Marcel le 21-03-2019 à Yom. * 164Ibid p.52. * 165 Perrois, L et Notué J-P., Rois et Sculpteurs de l'Ouest Cameroun : la panthère et la mygale, Paris, Karthala, 1997, p.67. * 166 Entretien avec Albertin Koupgang le 14- 03- 2019 à la chefferie Bandjoun. * 167Notue J.P., « Le royaume Bandjoun (Leng Djo ou Gung Djo) : Histoire, contexte de la création artistique, arts et traditions dynamiques » ..., p.52. * 168 Bonnemaison., « les lieux d'identité culturelle dans les iles du sud et du centre de Vanuatu (Malaisie) » in Cahiers O.R.S.T.O.M, sciences humaines, vol XXI, n0 1, 1985, p.166. |
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