Patrimoine culturel Bandjoun. Destruction et stratégies de protection (1904-2005).par Jacques Simo Djilo Université de Dschang Cameroun - Master 2 2018 |
2.2.4 Les rites et l'éducationCeux-ci constituent également le soubassement du patrimoine culturel immatériel Bandjoun. La construction et la consolidation progressive de la chefferie Bandjoun depuis sa fondation s'est accompagnée d'une moralisation sociale conduisant à l'adoption de plusieurs rites et des valeurs du point de vue social et éthique. Grâce à notre enquête de terrain nous avons relevé les rites les plus significatifs suivants : Ø Le rite de naissance Chez le peuple Bandjoun tout comme les autres peuples Bamiléké, la naissance est le point de départ d'une vie existentielle. A chaque naissance à la chefferie Bandjoun était organisé un rituel spécifique. Selon Zephirin Simo, ce rituel consistait à couper le cordon ombilical du nouveau-né et l'enterrer entre des rejetons de bananiers de la chefferie. Par ailleurs l'enfant était ensuite purgé par une herbe de ralliement au village appelé todjom.148(*) Ce rituel devenait plus complexe lorsqu'il s'agissait des jumeaux (hack). Pour parler des jumeaux dans le contexte Bamiléké en général, Luc de Heuch affirme dans son article « les rites se compliquent encore plus lorsqu'il s'agit des jumeaux dans cette zone culturelle car ils sont des êtres mystérieux et sacrés »149(*) C'est pourquoi on les appelait communément po'o si ou po'o nye. (Enfants de Dieu ou enfants du nye) et leurs parents teku' et meku' respectivement pour le géniteur et la génitrice. On comprend pourquoi la naissance d'un enfant et particulièrement la naissance des jumeaux devenait une occasion festive communautaire signe d'accueil et d'intégration du Nouveau-né dans la société. Ø Rite de mariage ( tchouop lou) Plusieurs études sociologiques, anthropologiques et ethnologiques menées dans les hautes terres de l'Ouest ont produit une littérature assez fournie sur le rite de mariage en pays Bamiléké en général et Bandjoun en particulier. Selon Tabeko Lionel et Teta Innocent le rite de mariage avait pratiquement une double connotation à savoir une connotation religieuse et une autre sociale. Ce rituel qui se faisait en présence des deux familles se déroulait selon un ordre liturgique assez complexe mais ordonné dont le point culminant était l'échange des voeux et la bénédiction150(*). Ø Le rite d'initiation du fo Ce rituel était accompli par le successeur du défunt fo.Selon Albertin Koupgang, ce rituel débute avec l'arrestation du nouveau fo lors d'une cérémonie traditionnelle de lamentations du défunt fo.Le rite d'initiation se déroule pendant neuf semaines dans un lieu sacré appelé la'kam. Le contenu du rite est tenu secret mais quelques informations que nous avons obtenu de quelques notables sont les suivantes : pendant cette période d'initiation, il s'attèle à la manipulation du pi, l'intégration des charges du royaume, la connaissance de certains secrets traditionnels151(*)... Ø L'éducation Il est important de ne pas confondre l'instruction à l'éducation. Le premier concept étant étroitement lié aux connaissances livresques tandis que le second renvoie à l'acquisition des savoirs, savoir-faire et surtout savoirs-être. Plusieurs monarques Bandjoun se sont battus activement pour l'édification d'une chefferie porteuse de valeurs morales et éthique. Par le truchement d'une cohésion sociale, Bandjoun était l'une des capitales moralistes et éthiques dans les Grass-fiels.152(*) A titre d'exemple, nous pouvons citer Le roi KAPTO. C'est lui qui renforça le rôle social des nkam-si, (prêtres, moralistes, prophètes de la région), le sens du sacrifice et de la moralisation. Il présidait aux rites et faisait chanter les cantiques de bénédiction pour les bons et les cantiques de malédiction pour les méchants. Sanctionnait sévèrement la fornication, l'adultère, le suicide, l'homicide, le vol, les crimes politiques, la trahison... les complices de la fornication étaient, lorsque la fille avait conçu, chassés du village et vendus loin comme esclaves. Les voleurs étaient traînés à travers le marché par la police et conduits en prison. Les suicidés n'avaient pas droit à la sépulture familiale. Les autres crimes étaient condamnés à la peine de mort. KAPTO n'y allait donc pas de main morte et son pays (village) lui reste reconnaissant pour l'avoir sauvé du naufrage de la corruption et de la dépravation des moeurs153(*). On peut aussi prendre l'exemple du roi FOTSO I, qui, tout en affirmant l'unité d'action de Dieu et de sa foi en Dieu, implémentait la devise : Fotsopugun Fotso pegun (Le roi et le peuple, la main dans la main construisent, gouvernent le royaume). Il fut aussi l'un des ambassadeurs de la paix154(*).On peut également souligner d'autres rites non négligeables qui étaient pratiqués dans la chefferie Bandjoun notamment le rite de veuvage (fock), le rite de purification (sock tchié), rite de suppression de la malédiction (té ndoh)... * 148 Entretien avec Zéphirin Simo le 24- 04- 2019 à Mbouo. * 149 Heuch, De, L., Le sorcier, le père Tempels et les jumeaux mal venus », in la notion de personne Afrique noire, Centre national de la recherche scientifique, 1973, P. 231. * 150 Tabeko, L et Teta, I., Autour du feu : les étapes de la socialisation dans la société Bamiléké, Yaoundé, A frolivresque, 1980, p.45. * 151 Entretien avec Wabo Tekam le 25-04-2019 à Soung. * 152Entretien avec Wabo Tekam le 25-04-2019 à soung. * 153Entretien réalisé avec Teku Marcel au quartier Yom le 21-03-2019. Et avec Albertin Koupgang 19- 03- 2019 à la Chefferie Bandjoun. * 154Entretien réalisé avec Teku Marcel au quartier Yom le 21-03-2019. Et avec Albertin Koupgang 19- 03- 2019 à la Chefferie Bandjoun. |
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