Patrimoine culturel Bandjoun. Destruction et stratégies de protection (1904-2005).par Jacques Simo Djilo Université de Dschang Cameroun - Master 2 2018 |
CONCLUSIONAu terme de ce présent chapitre, il ressort clairement que le milieu physique du royaume Bandjoun constitue un socle solide pour l'éclosion du patrimoine culturel de cette entité politico traditionnelle. Du relief à l'hydrographie en passant par la végétation et la faune, ces éléments du milieu physique ont donné la possibilité aux populations de la chefferie Bandjoun de domestiquer la nature afin de bâtir un patrimoine culturel matériel et immatériel extrêmement riche. Par ailleurs, l'analyse du contexte sociohistorique de Bandjoun nous a permis de déceler le constat selon lequel cette chefferie est l'une des plus anciennes du plateau Bamiléké en particulier et Grass-Field en général ; Le processus d'implantation et de consolidation de la chefferie est pratiquement similaire à celui des autres monarchies traditionnelles Bamiléké notamment les migrations et les conquêtes. Depuis ses origines quinze monarques se sont succédés au sommet de la haute hiérarchie de cette unité traditionnelle. Ils ont oeuvré chacun en ce qui le concerne pour la production d'une culture matérielle et d'une culture immatérielle. Ainsi, la continuité d'analyse nous exige à questionner ce patrimoine culturel. CHAPITRE II : BANDJOUN ET SON PATRIMOINE CULTUREL AVANT LE CONTACT AVEC LES PUISSANCES OCCIDENTALESINTRODUCTIONDe nos jours, plusieurs éminents historiens africains en général et camerounais en particuliers estiment que l'histoire de l'Afrique dans son découpage chronologique ne doit plus forcément s'attacher à la périodicité coloniale89(*). Ils sont de plus en plus hostiles à l'usage des expressions telles que, la période précoloniale africaine, la période coloniale ou encore postcoloniale. C'est dans cette tentative d'africanisation de notre histoire que l'intitulé de ce second chapitre est formulé ci-dessus. Titre qui évoque l'apparence patrimoniale de la chefferie Bandjoun avant la colonisation. De ce fait nous n'avons aucunement la prétention d'étudier la chefferie Bandjoun dans son mode organisationnel avant le contact avec l'administration coloniale. En outre nous n'avons pas l'ambition de faire un inventaire du patrimoine culturel Bandjoun au sens strict du terme de peur de nous retrouver exclusivement dans le champ de prédilection scientifique de la muséologie. L'objectif poursuivi dans ce chapitre est de mettre en exergue, à partir d'une posture historique, le patrimoine culturel Bandjoun avant tout contact avec l'extérieur. Pour être plus précis, il sera question de présenter le patrimoine culturel originel de la chefferie Bandjoun. Pour y arriver, notre démarche sera bipartite : une première partie qui abordera le patrimoine culturel matériel et la deuxième pour sa part sera consacrée au patrimoine culturel immatériel. 2.1 LE PATRIMOINE CULTUREL MATERIEL BANDJOUN AVANT LE CONTACT AVEC LES PUISSANCES OCCIDENTALESL'histoire d'un peuple s'écrit à base des sources plurielles. L'une des principales sources sont les cultures matérielles. Ces dernières portent en elles l'histoire et la communique. Le patrimoine culturel matériel puisqu'il s'agit de lui incarne clairement le rôle participatif de la culture matérielle dans l'écriture de l'histoire d'un peuple. On comprend pourquoi E. Mveng affirme : « l'Histoire négro-africaine est donc écrite en oeuvre d'art [...] Il n'est donc plus vrai de dire que l'histoire négro-africaine manque de documents écrits ; Ce qui est vrai est que trop souvent, nous sommes analphabètes devant son écriture »90(*). Alors une question fondamentale peut être dégagée à ce niveau : de quoi est constitué le patrimoine matériel originel de la chefferie Bandjoun ? Il importera pour nous en tant qu'historien, de présenter chaque objet en insistant sur le contexte historique d'apparition de son utilisation et sa valeur symbolique qu'il incarnait dans la société Bandjoun. Nous étudierons tour à tour le patrimoine architectural, sculptural et mobilier, les instruments de musique, les objets de la vie quotidienne et les produits de la forge. 2.1.1 Le patrimoine architectural, sculptural et mobilier2 .1.1.1 L'architectureA Bandjoun, les bâtisseurs entre le XVIII et XIXème siècle notamment sous le règne de Kamga I avaient construit avec une ingéniosité et une habileté remarquables des édifices architecturaux imposants. La construction, la décoration, la forme et la nature variaient selon leur utilisation et le rang social de chaque occupant91(*). Photo 7: Chengbundye ou Nemo (grande maison royale) Source : Cliché Simo Djilo 14- 03- 2019 à la chefferie Bandjoun. Chengbunde ou Nemo est cette grande case traditionnelle qui est logée au coeur de la chefferie Bandjoun. Ses dimensions gigantesques, sa décoration, la nature des matériaux utilisés imposent un arrêt impératif à tout visiteur. On peut dénombrer plus d'une trentaine de poteaux sculptés, environs six portes... Selon Moutze Paul, elle est : « la case de tous les fils et filles Bandjoun »92(*). Celle-ci-dessus est la représentation actuelle rénovée. Le palais royal ou chengbundye date de la première moitié du XVIIème siècle. Cette case est le symbole de la puissance et du prestige de Bandjoun. Elle est en fait un palais- temple sacré car c'est dans cette grande case que les veuves exécutent une partie du séjour du veuvage. Elle est la propriété de tout le peuple Bandjoun et c'est la raison pour laquelle les travaux d'entretien, de construction ou de sauvegarde incombent à tous les fils Bandjoun93(*). Il convient de préciser qu'à côté de cette grande case royale, il existait aussi chez les notables des constructions pareilles mais aux caractéristiques différentes. Comme l'atteste la photo suivante : Photo 8: Case d'un notable Bandjoun (Cheng) Source : les archives de la chefferie Bandjoun consultées le 14-03-2019. La maison du notable (cheng) est du même style que la grande maison royale, mais avec toutefois des dimensions et des décors plus modestes. Cette photographie ci-dessus a été réalisée en 1982 appartenant au notable Wabo Tekam. Selon Jean Paul Notué, Depuis la première moitié du XXe siècle, on note une évolution de l'architecture autochtone. Ainsi, les maisons traditionnelles ont progressivement cédé la place à des maisons modernes (parfois en béton) ou à des édifices alliant éléments modernes et éléments traditionnels. 94(*) * 89 Recommandation faite par le professeur Daniel Abwa lors du congrès national des Historiens du Cameroun tenu à l'Université de Dschang en Décembre 2018. * 90 Mveng, E., L'art et l'artisanat africain, Youndé, CLE, 1980, p. 36. * 91 Entretien avec Albertin Koupgang le14- 03- 2019 à la chefferie Bandjoun. * 92 Entretien avec Moudze Paul dit Sa'Wato, le 14-02-2019 à Mbouo. * 93 Entretien avec Albertin Koupgang (le guide du musée) le 14-03-2019 à la chefferie Bandjoun. * 94Notué, J-P., « Le royaume de Bandjoun ( Leng Djo ou Gung a Djo) : Histoire, contexte de la création artistique, art et tradition dynamique »..., P. 67. |
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