1.4. La monnaie et la politique monétaire dans les
pays en développement
La première personne qui a eu à
réfléchir sur la relation entre le secteur réel et
monétaire fut David Ricardo qui était classique, il le symbolise
à partir de l'équation suivante : M=P.T et les
néo-classiques plus précisément Irvin FISHER le
symbolisera de la manière suivante : MV + M'V' = PT.
On l'appelle théorie quantitative de la monnaie juste
parce que l'augmentation de la quantité de la masse monétaire
entraine l'augmentation du niveau général des prix. Pour Keynes,
cette théorie n'est valable que pour les pays en développement et
non pour les pays développés, juste parce que l'économie
de ces pays évolue comme si elles étaient en situation de
plein-emploi des facteurs de production à cause des différents
goulots d'étranglements qui les caractérisent entre autre le
manque de moyen de communication, l'inconvertibilité de la monnaie
(surtout en RDC) et l'insuffisance des infrastructures de transport, ainsi
toute augmentation de la masse monétaire dans ces pays entrainera
inévitablement une hausse du niveau général des prix.
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
Sur le plan de la politique monétaire, la
théorie générale de Keynes a exercé une influence
prépondérante, elle a constitué pendant longtemps un cadre
de référence théorique. Dans les pays en voie de
développement, le sous-emploi était assimilé au
sous-développement de ressources.
D'où, l'idée qu'en récession il fallait
provoquer l'expansion monétaire, baisser le taux d'intérêt
et relancer l'investissement et l'emploi. En expansion, il fallait une
politique monétaire restrictive en réduisant l'offre de monnaie
pour provoquer la hausse de taux d'intérêt afin de ralentir
l'investissement, la production et l'emploi. Cependant le sous-emploi n'est pas
assimilable au sous-développement. Dans le pays
développés, la capacité de production des biens et
services est importante et proche en général de son potentiel de
plein emploi. Il en résulte que le sous-emploi est dû à une
demande globale de biens et services insuffisante. La relance monétaire
ou budgétaire peut amener l'économie à son niveau de
plein-emploi avec la stabilité des prix tant que l'offre globale de
biens et services est parfaitement élastique.
Graphique 3 : La relance
monétaire ou budgétaire
Serge KASEREKA KANYAMA Page 17
Source : cours des problèmes monétaires des
pays en développement, deuxième licence économie
monétaire, octobre 2012, UPC, inédits, KABAMBA NTETA.
Le graphique 1A et B illustrent cette situation dans le cas
d'offre globale parfaitement élastique (A), relativement
élastique et parfaitement inélastique (B).
Sur le graphique 1A, l'intersection des courbes de demande
globale et d'offre globale détermine le niveau de production et de prix
d'équilibre. Yo par exemple correspond au niveau d'équilibre de
plein emploi, l'accroissement de la demande globale de ADo à AD2 accroit
uniquement la production, le niveau de prix restant constant à Po.
Lorsque le plein emploi est atteint en Y2, toute demande globale
excédentaire augmente uniquement les prix, la production restant fixe en
Y2, l'offre globale devient parfaitement inélastique.
Le graphique 1B reproduit la même situation mais avec
une zone intermédiaire. Dans cette zone, tout accroissement de la
demande entraine à la fois l'augmentation de la production et des prix.
Il en est ainsi parce que lorsque l'économie se rapproche du plein
emploi, certaines ressources deviennent rares (m-o, MP, ...) leurs prix
augmentent entrainant, la hausse de coût, d'où aussi la hausse des
prix.
Serge KASEREKA KANYAMA Page 18
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
Dans le cas d'une demande excédentaire, il y a
suremploi et inflation. Une restriction monétaire ou budgétaire
remet l'économie au niveau de Plein emploi avec stabilité des
prix.
Bref, dans les pays en développement, la récession
résulte d'une insuffisance de la demande globale et l'inflation d'un
excès de la demande globale. Le sous-développement est
caractérisé par :
1. Une insuffisance de la capacité de production de bien
et service dans les
différents secteurs de l'économie tels que le
secteur agricole, industriel, de transport et communication...
2. Divers goulots d'étranglement ou divers obstacles
par exemple le manque de cadres, manque de capacité de gestion dans les
administrations publiques et privées, mauvaise utilisation des cadres et
de la main d'oeuvre, insuffisance de devises,...
3. Existence du secteur moderne et du secteur traditionnel
utilisant des technologies de production différentes et ayant entre eux
des échanges des biens et services et des facteurs de production
très faibles.
Tous ces facteurs rendent la production relativement
inélastique, dans ces conditions tout accroissement de la demande
globale rencontre une production rigide, d'où la hausse des prix.
Graphique n°4 Offre globale relativement
inélastique (caractéristique des PSD)
Source : KABAMBA NTETA, cours des problèmes
monétaires des pays en développement, deuxième licence
économie monétaire, UPC, octobre 2012, inédits
Notons aussi que la politique monétaire
keynésienne rencontre des limites suivantes du point de vue des
keynésiens eux-mêmes : elle est indirecte et incertaine.
Indirecte parce qu'elle repose sur
les variations du taux d'intérêt pour affecter l'économie
réelle.
Incertaine parce que
l'élasticité intérêt, de la demande d'investissement
peut être très faible.
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
Si la demande est élastique au taux
d'intérêt, une baisse du taux d'intérêt suite
à une augmentation entraine une demande de monnaie additionnelle.
L'équilibre du marché monétaire s'établit
immédiatement et le taux d'intérêt ne baisse plus. D'autres
parts, si la demande d'investissement est inélastique au taux
intérêt, un petit volume d'investissement sera
réalisé suite à la baisse du taux d'intérêt.
Cela ne permettra pas de sortir l'économie de la récession.
Graphique n°5 : Trappe à liquidité
ou piège à liquidité
Serge KASEREKA KANYAMA Page 19
Source : KABAMBA NTETA, cours des problèmes
monétaires des pays en développement, deuxième licence
économie monétaire, UPC, octobre 2012, inédit.
Le graphique présente les courbes de demande de monnaie
élastique par rapport au taux d'intérêt, et le graphique b
présente la trappe à liquidité.
Lorsque la demande de monnaie est élastique par rapport
au taux d'intérêt, toute offre supplémentaire de monnaie
entraine une baisse du taux d'intérêt et provoque une demande
additionnelle de monnaie, ainsi, l'équilibre s'établit
directement sur le marché monétaire et le taux
d'intérêt ne baisse plus. En conséquence l'investissement
et l'emploi n'augmenteront pas beaucoup si le pays se trouve en
récession. D'où la politique monétaire ne sera pas capable
de ramener au niveau de plein-emploi, à la limite l'économie peut
se trouver au niveau de la trappe à liquidité.
La demande de monnaie devient infiniment élastique, la
courbe de monnaie dévient horizontale c'est à dire toute la
quantité de monnaie offerte est absorbée par les encaisses de
spéculation des agents conservent la monnaie oisive.
La trappe à liquidité est un
phénomène opposé en analyse keynésienne dont le but
est d'expliquer les caractéristiques observées quand la banque
centrale devient incapable de stimuler l'économie part la voie
monétaire.
La demande de monnaie pour motif de spéculation est
très grande lorsque le taux d'intérêt est très bas,
car les agents économiques font l'arbitrage dans la répartition
de leur portefeuille entre la détention d'obligation (actifs
risqué) dont varie inversement au taux d'intérêt et la
détention de monnaie qui est un actif non risqué.
Lorsque le taux d'intérêt est faible, les agents
prévoient (spéculent) qu'il va nécessairement augmenter et
veulent donc détenir de la monnaie, le cours des obligations est donc
amené à diminuer, il existe alors un taux critique pour lequel la
demande de monnaie est parfaitement (infiniment) élastique.
Serge KASEREKA KANYAMA Page 20
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
Les agents pensent alors tous que le taux va augmenter et leur
préférence pour la liquidité est alors absolue, une
politique monétaire de baisse du taux d'intérêt est alors
totalement inefficace dans le cadre d'une relance économique.
Le graphique b ici-bas, présente la même
situation c que celle de la trappe à liquidité ; nous montrons
que lorsque l'économie se trouve au niveau de la trappe à
liquidité, il existe un seul taux d'intérêt ou un taux
d'intérêt clinique qui équilibre le marché
monétaire et toute offre supplémentaire de monnaie est sans effet
sur le taux d'intérêt l'offre de monnaie et le taux
d'intérêt restent fixes, l'économie se trouve dans une
trappe à liquidité.
Graphique n°6 : la relation existant entre
l'intérêt et l'investissement sur l'offre de
monnaie
Source : KABAMBA NTETA, cours des problèmes
monétaires des pays en développement, deuxième licence
économie monétaire, UPC, octobre 2012, inédits
Dans le graphique 4a, la demande d'investissement est
élastique par rapport au taux d'intérêt. Lorsque l'offre de
monnaie augmente, il s'en suit une légère baisse du taux
d'intérêt et cela entraine une forte augmentation de
l'investissement. La demande d'investissement est élastique au taux
d'intérêt.
Le graphique 4b, la demande est inélastique au taux
d'intérêt. En résumé, la politique de relance
monétaire keynésienne n'est pas d'un grand secours dans les pays
en développement compte tenu des rigidités structurelles qui
caractérisent ces économies. En outre, la politique
monétaire a des limites que nous venons de souligner et celles-ci sont
valables pour toutes les économies. C'est ainsi que dans le programme
que les pays en développement concluent avec les organismes
internationaux (FMI, BM) on prévoit en général la
limitation de financement monétaire du déficit public.
Un autre courant de référence est la
théorie quantitative de la monnaie, c'est une théorie de long
terme qui suppose le Plein emploi. Cette théorie attribue l'inflation et
le déficit de la balance de paiement à un excès
d'émission monétaire c'est-à-dire au
déséquilibre sur le marché de la monnaie. On peut arriver
à cet aspect de problème selon l'approche monétaire de la
balance de paiement.
Serge KASEREKA KANYAMA Page 21
« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
Dans cette balance, on part de l'hypothèse suivante :
la demande de monnaie est une fonction stable de revenu, c'est-à-dire
les agents économiques détiennent une certaine portion de leur
revenu sous forme d'encaisses liquide.
M = kPY cette équation est appelée
équation de Cambridge. C'est à partir de cette équation
qu'est apparue pour la première fois la demande de monnaie. Cette
dernière est proportionnelle aux ressources. (Y= revenu national
réel, P = le niveau des prix, k = la proportion) la partie réelle
(droite) représente la demande d'encaisse monétaire. L'accent est
mis sur la volonté de détention de la monnaie en vue d'une
transaction.
Contrairement à Fisher la relation de Cambridge se
place davantage dans une optique individualiste en s'interrogeant sur les
raisons qui incitent les agents à détenir les encaisses. Il est
possible de justifier la détention d'encaisse par l'absence de
synchronisation entre les recettes et les dépenses et l'incertitude
concernant certaines dépenses futures imprévues et certaines
recettes futures dont la valeur n'est pas garantie.
Lorsque les agents perçoivent une modification de leur
encaisse réelle, celle-ci pouvant provenir d'une hausse de monnaie et
d'une baisse des prix, ils cherchent à en trouver le niveau requis (k)
en modifiant leur demande des biens. Le taux d'intérêt
n'intervient pas dans cette équation de Cambridge et la demande
d'encaisse réelle est proportionnelle au revenu réel.
Cette fonction est mieux explicitée dans la
théorie quantitative moderne par M. Friedman11, celui-ci
propose une nouvelle théorie de la demande de monnaie qui constitue
selon lui une nouvelle formulation de la théorie quantitative de la
monnaie.
La demande de monnaie relève de la demande d'actifs
(c'est la même démarche que celle de Keynes) elle dépend de
la richesse des individus et de rendement anticipé des autres actifs
comparés à celui de la monnaie.
Friedman cherche une relation entre la valeur
désirée des encaisses réelles (pouvoir d'achat) que les
agents économiques détiennent sous forme monétaire. Cette
demande de monnaie pour une période donnée dépend selon
lui du revenu permanent Yp, du rendement anticipé de la monnaie. rm, du
rendement anticipé des autres titres rb et du taux d'inflation
anticipé P.
11 Frederic MISHKIN & al., Monnaie, banque et
marchés financiers, 9eédition Nouveaux Horizons,
Paris, 2010, p.12
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