1.3. La demande de monnaie
Les agents économiques choisissent de convertir leur
épargne en actifs financiers (B) et/ou en actifs productifs
(I). La détention de la monnaie (M) est une autre
façon de conserver son pouvoir d'achat. La monnaie faisant donc partie
des biens patrimoniaux, la quantité détenue par un agent ne peut
que résulter d'un choix optimal. Simplifions l'analyse en supposant que
ce choix s'opère sur deux actifs : ? la
monnaie, qui peut être utilisée pour les
transactions, mais ne rapporte aucun intérêt ;
? les titres, qui ne peuvent être
utilisés pour les transactions mais rapportent un taux
d'intérêt positif i.
Détenir toute sa richesse sous forme de monnaie est
certainement très pratique pour les transactions. On éviterait
ainsi le coût de convertir les titres en monnaie avant toute transaction
réelle. Mais cela signifie aussi ne recevoir aucun revenu sous forme
d'intérêt.
Par contre, détenir toute sa richesse sous forme de
titres implique que l'on reçoit des intérêts sur toute sa
richesse, mais aussi qu'il faut encourir le risque, liés à la
conversion des titres en monnaie pour effectuer des transactions. Il est donc
certain qu'il faut détenir à la fois des titres et de la monnaie.
Mais dans quelles proportions ?
Le choix entre monnaie et titres dépend de deux
variables :
? Le niveau de transactions.
Supposons que l'on gagne un salaire de 50.000 FC par mois. Admettons que
l'on dépense 5000 FC par mois. On peut vouloir garder en moyenne deux
mois de dépenses dans sa poche, soit 10.000 FC en monnaie, et le reste
(50.000 - 10.000 = 40.000) en titres. Si au lieu de cela, on dépense
6000 FC par mois, on pourra garder 12000 FC et placer ainsi seulement 38000 FC
en titres.
? Le taux d'intérêt des
titres. La seule raison de détenir une partie de
son revenu en titres est qu'ils rapportent un intérêt. S'ils ne
rapportaient pas d'intérêt, on détiendrait tout son revenu
sous forme de monnaie. Plus le taux
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« Les Déterminants de l'Offre de Monnaie dans
l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
d'intérêt est élevé, plus on
accepte de supporter les coûts associés aux opérations de
vente et d'achat des titres.
Si le taux d'intérêt est très
élevé, on peut décider de réduire ses avoirs en
monnaie à une moyenne de seulement l'équivalent de deux semaines
de dépenses, soit 2500 FC (en supposant toujours que l'on dépense
mensuellement 5000 FC). Cela signifie que l'on va garder en moyenne 47500 FC en
titres, et donc recevoir plus d'intérêts.
Nous venons de montrer que la demande de monnaie -
c'est-à-dire la quantité de monnaie que les gens souhaitent
détenir - dépend de deux variables, le niveau de transactions et
le taux d'intérêt. Le niveau de transactions de l'économie
est difficile à mesurer, mais il est loisir de penser qu'il est à
peu près proportionnel au revenu nominal.
Nous pouvons écrire la relation entre la demande de
monnaie Md, le revenu nominal PQ et le taux
d'intérêt i comme :
Md= PQ.L(i)
(+, -)
Cette équation montre que la demande de monnaie
augmente proportionnellement au revenu nominal. Si les prix P doublent
par exemple sans modification du revenu réel Q, il sera
nécessaire d'avoir deux fois plus de monnaie pour acheter le même
panier de biens.
La demande de monnaie dépend par ailleurs
négativement du taux d'intérêt.
Graphique n°1 : Demande de monnaie
Source : KABUYA KALALA, cours de Macroéconomie
première licence FASEG, UPC, 2013-2014, inédits.
La relation entre la demande de monnaie, le revenu nominal et
le taux d'intérêt est représentée graphiquement par
la figure 1. La relation entre la demande de monnaie et le taux
d'intérêt, pour un niveau donné de revenu nominal, est
représentée par la courbe Md. Cette courbe
est décroissante : plus bas est le taux
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l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
d'intérêt i, et plus élevé
est le montant de monnaie M que les gens souhaitent détenir.
Pour un taux d'intérêt donné, une augmentation du revenu
nominal accroît la demande de monnaie. En d'autres termes, une
augmentation du revenu nominal déplace la courbe de demande de monnaie
vers la droite, de Md à Md'.
La Mémoire Inflationniste «
Sélective » Du Public
Congolais10 : la logique des signes
monétaires procède de celle de l'arithmétique : 100 F sont
toujours le double de 50 F, même si le premier montant peut ne pas
permettre, dans un contexte inflationniste, d'acquérir aujourd'hui ce
qui, hier, valait 50 F. Une autre manière de voir les choses est de dire
qu'à cause de l'inflation, il faut aujourd'hui deux billets de 50 F pour
accomplir la même transaction alors qu'hier un billet de 50 F aurait
suffi. Dans ce dernier cas, il y a cependant un « gaspillage » : au
lieu d'émettre deux billets de 50 F, on peut économiser sur les
coûts d'impression en ne fabriquant qu'un seul billet valant 100 F.
Ce raisonnement technique est en partie celui dont s'est
inspiré l'institut d'émission qui, en 1992, malgré
l'abondance de liquidités dans l'économie, entreprit une
politique d'expansion monétaire fondée sur la mise en circulation
de billets à grandes dénominations. Au départ, cette
pratique s'est justifiée, selon la Banque centrale, par « la
nécessité de résoudre rapidement la pénurie de
billets qui empêchait les banques de dépôts de
répondre aux demandes de retraits exprimées par la
clientèle, et d'octroyer la partie du crédit levé en
espèce ».
Mais la mise en circulation de grosses coupures était
devenue une pratique si fréquente que l'argumentaire qui s'est
imposé à la Banque centrale a été celui «
d'adapter constamment les signes monétaires à l'évolution
des prix afin de faciliter les transactions, de rationaliser les coûts
d'impression des billets, de faire face aux arriérés des salaires
du secteur public ».
Graphique n°2 :
Evolution de la valeur faciale du Zaïre-monnaie, de 1968 à
1993
Source : KABUYA KALALA, cours de macroéconomie
première licence FASEG, UNIKIN, juin 2005, inédits.
10 F. KABUYA KALALA et MATATA PONYO, op.
cit., pp. 61-62 et 79.
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l'Economie Congolaise de 1980 à 2013»
Il est vrai que la persistance de l'hyperinflation
amoindrissait chaque jour davantage le pouvoir d'achat des billets de banque.
Il devenait donc nécessaire de procéder à une augmentation
conséquente de la circulation fiduciaire en vue de faire correspondre le
volume nominal des moyens de paiement au volume des transactions. En outre,
celles-ci gagneraient en commodité avec l'usage de billets à
valeurs faciales élevées. Pourtant cette politique
d'élévation de la valeur faciale des billets fut vite
décriée par la population au motif que « les grosses
coupures étaient inflationnistes ».
Bien que la Banque centrale s'en défendît, les
agents économiques avaient, eux, une autre lecture des faits. Au fil des
années, ils avaient appris à se prémunir contre la
dégradation de leur pouvoir d'achat en essayant d'anticiper au mieux le
taux d'inflation. Or il est bien connu que les anticipations se nourrissent de
souvenirs, c'est-à-dire qu'elles sont fondées sur
l'expérience vécue. Ainsi, le taux d'inflation anticipé
par les agents économiques était fonction de ce qu'avait
été l'inflation dans un passé récent. Dans ce
domaine, ils avaient aussi vite appris à associer les vibrations des
prix aux augmentations de la masse monétaire.
Pendant une grande partie de la décennie 90, la Banque
centrale a précisément poursuivi une politique d'expansion
monétaire effrénée, qui s'est opérée
essentiellement par la mise en circulation successive des billets à
grande dénomination. Dès lors, aux yeux du public,
l'élévation répétée de la valeur faciale des
billets- outre qu'elle suggérait une forte expansion de la masse
monétaire ; - annonçait à coup sûr l'aggravation de
l'inflation.
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