L4égalité des créanciers dans les procédures collectives en droit OHADA.( Télécharger le fichier original )par Darly Russel KOUAMO Abomey-calavi (Bénin) - DEA 2012 |
B- La neutralisation des procédures collectives par les sûretés-propriété.Il est certain que les sûretés-propriété signalent des garanties d'une redoutable efficacité. Elles sont notamment des instruments de contournement des procédures collectives d'apurement du passif des débiteurs. Raison pourquoi, la pratique les désigne sous l'expression savoureusement imagée de « sûretés d'évitement ». De la lecture combinée des articles 101, 78 à 88 AUPC, il ressort que le propriétaire peut exercer son action en revendication au cas où le débiteur est en redressement judiciaire ou en liquidation des biens, à condition d'avoir préalablement déclaré sa créance et de l'exercer dans les formes et délais bien déterminés118(*). Il faut en outre relever que même le conjoint du débiteur peut intervenir dans la procédure pour revendiquer son droit de propriété sur un bien conformément aux dispositions de l'article 99. Si on conjugue le particularisme des actions en revendication des créanciers avec les tempéraments à l'arrêt du cours des intérêts et à la suspension des poursuites individuelles, on se rend compte qu'ils constituent un volet essentiel de la manifestation de l'application assouplie du principe d'égalité entre les créanciers. Mieux, l'on constate que les réformes de l'AUPC envisagées vont jusqu'à conférer un absolutisme total aux droits des propriétaires. Il est à cet effet prévu la création d'un nouvel article 102-1 « Le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien fait l'objet d'une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite adressée au syndic qui peut acquiescer à cette demande. A défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge commissaire peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu'il soit statué sur les droits de ce dernier. Même en l'absence de demande préalable en restitution, le juge-commissaire peut également être saisi à cette même fin par le syndic. » Ainsi, l'on constatera qu'il est même prévu d'ériger une nouvelle procédure destinée à assurer la célérité de ces actions en revendication119(*). L'on a pu écrire à ce sujet que les sûretés-propriété ont tendance à polluer le caractère collectif des procédures de traitement des difficultés des entreprises au profit individuel de certains créanciers bien protégés120(*). Dans cet ordre de réflexion, Monsieur le professeur SOINNE trouve dans l'introduction de sûretés-propriété un véritable « talon d'Achille » du redressement de l'entreprise121(*). Pour Mme PEROCHON, « la réserve de propriété constitue en l'état du droit positif une garantie hors normes, qui développe, face au débiteur soumis à une procédure collective, l'efficacité dont sont dépourvues les sûretés classiques, sans en avoir des inconvénients. 122(*)» En somme, l'on pourrait retenir que, les clauses légitimes de préférence mettent en branle l'application stricte de l'égalité de créanciers dans les procédures collectives en droit OHADA. L'on a pu constater qu'en raison du statut privilégié ou du caractère vital de certaines créances, des dérogations à l'interdiction des paiements et à l'obligation de déclarer les créances, étaient envisageables. Tout compte fait, la place du crédit dans les procédures collectives est prépondérante. L'endettement de l'entreprise est inévitable et parfois nécessaire. L'analyse des sûretés offre une nouvelle occasion de poser la question du crédit lorsque l'entreprise du débiteur n'est pas encore dans une situation de défaillance. C'est pourquoi les créanciers titulaires de certaines sûretés se voient également appliquer un assouplissement des règles égalitaires. L'on constatera néanmoins que le législateur OHADA essaye toujours de faire un savant dosage d'équilibre entre la prise en compte des droits individuels et le respect de l'intérêt collectif que commande l'ouverture d'une procédure collective. En effet, le débiteur défaillant l'est aussi bien à l'encontre des créanciers simples que des créanciers munis de sûretés123(*). C'est fort de cet état des choses que des assouplissements sont également commandés par les motifs d'intérêts supérieurs. * 118 Le créancier revendiquant doit apporter la preuve de la propriété du bien, c'est-à-dire de l'existence du contrat sur lequel est fondée la détention. Le bien doit exister en nature et être individualisé, ce qui suppose que le créancier puisse l'identifier parfaitement ; l'action en revendication doit en outre être exercée dans un délai de trois mois à compter de la publication dans un journal d'annonce légale, de l'ouverture de la procédure (art. 87, al. 3 AUPC). * 119V. Art. 102 à 106, avant projet d'amendement à l'AUPC. * 120 M. FARGE, O. GOUT, « l'impact du nouveau droit des entreprises en difficulté sur le droit des sûretés » in Sûretés, L. AYNES, Ph. DELEBECQUE, P. CROCQ (sous dir.); V. Revue Lamy Droit Civil n° 58, Mars 2009, n°3. * 121V. B. SOINNE, « Survie ou disparition du droit de la faillite : L'application jurisprudentielle de la loi du 12 mai 1980 relative à la clause de réserve de propriété », JCP. éd. C. I, 1982, II, 13903., cité par O. KAHIL, op.cit. p.99. * 122PEROCHON, « Le vendeur de meubles, propriétaire », colloque C.R.E.D.I.F. Toulouse, la situation des créanciers d'une entreprise en difficulté , Montchrestien, 1998, p.92 et s., cité par C. LEGUEVAQUES, op. cit, p. 1226. * 123S. NANDJIP MONEYANG, op.cit, N° 73. |
|