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Pouvoir politique et parenté dans le système Mossi.

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par Ndigue Faye
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master II 2011
  

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2- De la dévolution suivant la nature du pouvoir et le statut du chef

Ce model de transmission du pouvoir se fonde plus spécialement sur le principe de la dignité comme principe présidant au choix des Naba et atténuant la règle de la primogéniture. Ici tout repose sur le mérite du Naam et le savoir c'est-à-dire la capacité à satisfaire les attentes de la fonction et de la nature du pouvoir qu'on brigue. Comme nous le savons bien, les conquérants édificateurs de l'Etat Mossi se sont arrivés au pouvoir par la force des armes, la conquête militaire et par alliance puisque c'est dans le consensus que les autochtones et les guerriers ont fondé le pouvoir.

Ainsi les quatre chefs des quatre principaux royaumes, considérés souvent comme des Dimdamba (un roi à l'image de Dieu) car ne faisant allégeance qu'à Dieu, sont élus par le Collège électoral établi dans la capitale avec ses quatre grands dignitaires. Les chefs intermédiaires ou petits chefs, communément appelés Dimbi sont, par contre pour la plupart nommés par le l'empereur suivant les règles établies à cet effet. Ces derniers nomment, suivant les mêmes principes, les chefs de province qui, à leur tour, ceux des villages et ainsi de suite. Ce procédé suit la cohérence ou la logique de l'ordre d'importance des autorités dans l'architecture politique et étatique de l'administration Mossi.

La nomination d'un chef suppose pour tout chef sans exception l'incarnation de valeurs humaines inhérentes au corps social. La courtoisie, la patience, l'auto-domination et l'auto-commandement, le savoir surprendre, la maitrise de soi, l'écoute et le respect des anciens et de la tradition... sont autant de qualités que doit recouvrir un prétendant pour mériter le pouvoir. Elles permettent tout de même de procurer au chef un respect et une considération de l'opinion publique. Parlant des qualités d'un roi chez les Mossi et de la procédure adoptée dans la transmission du pouvoir, Cheikh Anta Diop dira : « Le conseil qui se réunissait pour investir le roi (Moro Naba) examinait, en réalité, le degré de légitimité des différents prétendants : il ne s'agissait pas d'une élection, ce terme est abusif car on était obligé, après un examen savant et complet de chaque cas, de designer, non pas d'après ses préférences, mais en vertu de la tradition, celui qui réunissait l'ensemble des qualités requises ».135

135 Diop, C.A. L'Afrique Noire Précoloniale, op.cit. p.65

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Néanmoins il faudra ajouter que dans l'imaginaire politique des peuples moose, même si, le pouvoir se fonde sur la naissance, il pouvait se perdre ou se transmettre en dehors des circonstances normales. Aux dires de Savonnet-Guyot « le Naam s'acquiert par naissance et se perd par accident, parce que le pouvoir a échappé au groupe de descendance auquel on appartient ou parce que le territoire qu'on commandait a été absorbé par un royaume voisin plus puissant ».136 Ceci constitue une possibilité concernant une autre manière, un peu différente des modes habituels, de transmission ou de perte du pouvoir car pouvant intervenir dans des situations imprévues.

Un autre fait relatif à l'histoire de la succession des rois Mossi au trône atteste aussi de cette faillibilité de ce principe de la dignité et des règles en générale de la transmission du pouvoir. Ainsi il est arrivé qu'un peul, auparavant conseiller politique de la cour, un non descendant de la classe noble ait accédé à la souveraineté en passant par des subterfuges et stratégies ; ce qu'atteste ici Balima. « A la mort de Nâba Oubi, dit-il, le conseiller peul, grâce à mille et une manoeuvres, toutes hautement dolosives, put faire écarter à l'unanimité tous les candidats, [...], puis à la satisfaction générale, il fut élu, à l'unanimité, Moog-Nâba, sous le nom de Nâba Moatiba.»137 Cette limite du principe de la dignité justifie le fait que le pouvoir, en tant qu'objet de convoitise, peut échapper parfois au contrôle, aux règles et normes établies en vue de sa canalisation.

Aussi faudrait-il noter dans cette même lancée que, malgré toutes les mesures existantes, non seulement pour la stabilité sociale mais aussi et surtout pour la réglementation du processus « électoral » -supposant ici l'avant, pendant et l'après-, des perturbations à l'ordre public pouvaient se manifester notamment durant la période de transition, plus précisément avant que le nouveau élu ne soit totalement intronisé. Ainsi le pays sombre dans l'anarchie, le temps de rétablir l'ordre lequel coïncide avec l'installation du Roi ; ce que fait savoir d'ailleurs Delafosse : « pendant tout le temps que durait l'interrègne, le pays était plongé dans la plus complète anarchie : chacun avait le droit de tuer, de piller et de voler à sa guise; [...]. A partir du moment de la proclamation du nouvel empereur, les troubles de l'interrègne prenaient fin »138.

136 Savonnet-Guyot, op.cit. p.96-97

137 Balima, op.cit. p.87

138 Delafosse, M. op.cit. p.133-134

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En effet, il me semble qu'on ne saurait parler de ces mesures principales et de ses limites sans évoquer, toutefois, la pertinente question de la destitution. Est-il possible de révoquer un roi dans le système de gouvernance moose ? Comment s'y prendre et quelles mesures sont-elles envisagées devant une telle entreprise ? Dans quelles conditions et suivant quels cas une telle procédure est-elle légale et légitime ?

Fondamentalement la conception que les Mossi se font de leurs chefs, la place qu'ils occupent dans la hiérarchie sociale, la soumission et le respect qu'ils leur vouent est inconcevable avec l'idée de destitution ou de résiliation du contrat qui leur lie à leurs souverains. Dans la mentalité moose, la fonction du roi est sacrée parce qu'il émane de Dieu. Même mauvais ou chassé du pouvoir par une force étrangère plus puissante ou une révolte populaire, tant qu'il est en vie, le chef reste et demeure chef. « Nés pour le pouvoir, ils [les rois mooses] n'y renoncent, dira un proverbe mooga, que sept jours après leur mort. » Il est donc clair qu'en théorie cette question ne se pose pas car à en croire Balima : « lors de son intronisation, on l'a douché avec la Naam koom ou l'eau de la royauté qui est un liquide sacré, une mixture dont tous les éléments ne sont pas connus du commun, conservée depuis des siècles, et dont le contact est censé transformer l'être »139.

Cependant cette révocabilité quasi impossible en principe peut s'avérer possible dans les faits et en rapport avec certaines circonstances. Au moment où il est constaté et prouvé que le chef ne parvient plus à remplir normalement sa fonction à cause de défauts physiques ou mentales, il est procédé au meurtre rituel et à la nomination d'un prince potentiel. L'autre cas pose la question du caractère moral de la personnalité du chef. S'il est avéré qu'il commet des actes indignes et des forfaitures, soit en asservissant les hommes libres ou nobles, en s'adonnant à des pratiques malsaines comme entretenir des relations sexuelles extra conjugales, soit en ne respectant pas la tradition, la coutume exige qu'il soit démis de ses fonctions. Là, le Collège se réunit discrètement et surement pour designer un nouveau chef et préparer des stratégies permettant de le bouter hors du royaume.

139 Balima, op.cit. p.88

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L'ensemble de ces mesures stratégiques, me semble-t-il, ne sont justifiables et compréhensibles que dans le contexte et le milieu dans lesquels ils se sont rendus opératoires. L'exclusion des femmes et le système de primogéniture, appréhendés dans nos sociétés actuelles, surtout avec les principes d'égalité de droit, de parité, certains aspects de la question de la destitution..., risquent d'être inopérants et caduques. Par contre le principe de dignité, et certains points sur les principes de dévolution du pouvoir, avec toutes les valeurs humaines, éthiques et morales qui tournent autour, méritent réflexion pour être au coeur des règles qui président à la sélection des candidatures de nos chefs d'Etat et tenter de résoudre, à bien des égards, les conflits postélectoraux qui minent le champ politique de nos Etats modernes et surtout en Afrique.

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