B- Le renforcement de l'action préventive
La prévention des crises et des conflits par l'OIF tire
son fondement des divers textes de référence à savoir la
Déclaration de Bamako, la Charte de l'OIF ainsi que de la
Déclaration de Saint-Boniface. C'est un terrain qui est en
réalité largement occupé par la multiplicité
d'acteurs tant à l'international qu'au plan régional et parmi
ceux-ci figure l'OIF.
Afin de contribuer à l'enracinement de la
démocratie, l'OIF devrait s'atteler à faire en sorte que les
conflits ne surgissent plus au sein de l'espace francophone en mettant
nettement opérationnel le système de veille et d'alerte
précoce.
La pratique quotidienne de l'alerte précoce n'est pas
toujours aisée. De plus, l'action préventive de l'OIF est
confrontée à un certain nombre de difficultés surtout
s'agissant de la prévention opérationnelle. Il existe dans ce
domaine un écart entre les ambitions affichées et les actions
entreprises aux fins de règlement des crises. Des difficultés
surgissent à toutes les étapes du processus. Elles sont relatives
à l'imprécision des paramètres de l'alerte, à la
difficulté d'identifier précisément les
éléments déclencheurs d'une crise ou encore au défi
d'obtenir une information fiable et de produire une analyse de
qualité.
Le système actuel semble ne pas être efficace
comme le témoigne la situation au Mali. En effet, l'OIF n'a pu jouer ce
rôle de prévention sinon la guerre au Mali n'aurait pas eu lieu
puisque qu'il y a eu des signes précurseurs notamment dus aux
velléités séparatrices de la rébellion
touarègue et à la circulation des armes vers le sud suite
à la crise libyenne.
lxxvi
Pour pallier ces difficultés, il s'avère
nécessaire de renforcer le système actuel d'alerte précoce
par la systématisation de la collecte de l'information et du processus
d'analyse. Revoir les modes et les moments d'intervention permettra
d'éviter que certaines situations de crises surviennent. C'est pourquoi
le Conseil permanent de l'OIF réuni au Québec en octobre 2008, a
réaffirmé à l'occasion de sa 72ème
session « toute l'importance qu'il attache à une réflexion
approfondie sur la problématique de l'alerte précoce
».106
Depuis mai 2010, il y a eu un panel qui a été
mis en place par M. Abdou Diouf. Ce panel avait pour mission de faire des
recommandations en vue de l'amélioration de l'action de
prévention francophone notamment le passage de l'alerte précoce
à la réaction rapide. Aux termes donc de ses travaux, il a
été suggéré de créer une boîte
à outils107.
Pour être efficace, l'action préventive
francophone doit se faire en temps réel et empreinte d'une
effectivité véritable. Aussi, faudra-t-il un renforcement de
capacités du personnel en charge de l'analyse des situations. De
même, il convient de revoir à la hausse ce nombre qui
jusqu'à présent se limite à seulement cinq (5)
responsables. Ils ne peuvent à eux seuls s'employer à suivre tous
les Etats membres répartis sur tous les continents. Il faut noter qu'ils
sont aussi chargés de l'observation des pratiques de la
démocratie. A cette fin, ils doivent produire des documents ou des notes
et faire des propositions à l'attention du Secrétaire
Général qui risquent de prendre du retard.
L'accent doit être mis sur la formation des divers
acteurs intervenant dans ce domaine notamment les
délégués. L'OIF doit également désormais
agir en complémentarité de l'action de ses partenaires
régionaux et internationaux. En outre, elle devrait s'attacher à
ce que le processus de collecte d'informations soit rendu plus
systématique. Elle devrait se concentrer sur ses Etats membres et
éviter par exemple d'intervenir hors de ses zones d'influence. L'OIF
doit aussi éviter de faire un choix quant à son intervention
auprès de certains de ses membres. Ceci dit, l'attention doit être
portée sur tous les Etats et surtout ceux dans lesquels la
communauté internationale n'est pas présente.
106 Francophonie : agir pour prévenir, rapport du panel
d'experts de haut niveau sur la problématique du passage de l'alerte
précoce à la réaction rapide, Délégation
à la paix, à la démocratie et aux droits de l'homme, OIF,
Paris, 3 septembre 2010, op.cit. p. 15 et s.
107 Ce sont des outils systématiques d'analyse et de
planification servant à répertorier tous les outils qui
pourront
appuyer le passage de l'alerte précoce à la
réaction rapide et guider ainsi son action et ses interventions en
matière de prévention des crises et des conflits...Elle doit
notamment contenir une typologie des mesures d'intervention disponibles; un
répertoire des médiateurs, experts et des autres ressources
francophones disponibles ; un répertoire des bonnes pratiques; une
grille de vérification et d'évaluation; et une carte des acteurs
et intervenants afin d'aider à déterminer qui pourrait avoir de
l'influence dans un cas donné.
lxxvii
Une autre attention devrait être portée sur la
coopération entre l'OIF et les autres organisations tant
régionales qu'internationales pratiquant l'alerte précoce. L'OIF
devra se doter à l'exemple de l'ONU, de capacités d'alerte
précoce et de prévention des crises en mettant à
contribution ses nombreuses agences et organisations. Par ailleurs, il serait
aussi utile de créer une Unité au sein de la DDHDP dont la
prévention constituerait une de ses missions centrales. Elle devrait
collaborer avec les autres acteurs notamment sous-régionaux comme la
CEDEAO à travers son réseau ECOWARN très actif dans le
domaine de l'alerte précoce et la Communauté Economique des Etats
d'Afrique Centrale (CEEAC) qui vient de se doter de telles capacités.
L'efficacité des actions de l'OIF dépend il est
vrai de l'amélioration de la démarche francophone mais celle-ci
ne constitue pas une condition suffisante. Il faut également renforcer
le rôle des institutions partenaires et les attributions du
Secrétaire Général. Tout ceci grâce à la
révision du système institutionnel.
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