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Le rôle du storytelling dans la réconciliation nationale.

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par Sophie-Victoire Trouiller
Institut Catholique de Paris - Master 2 géopolitique et sécurité internationale 2014
  

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Deuxième partie : La transmission du récit officiel : un conflit entre l'histoire et la mémoire

En première partie, nous avons étudié comment le récit d'un conflit ou d'une tyrannie pouvait être fabriqué par l'Etat ou ses ressortissants. Il convient à présent de comprendre comment il se transmet aux générations futures et à l'étranger.

La transmission du récit peut s'accomplir au sein de groupes sociaux qui en limiteront la portée, être dirigée par des historiens qui dépassionneront les souvenirs des individus en les vérifiant et en les analysant, ou encore par l'Etat qui décidera d'offrir un monument commémoratif ou de consacrer une cérémonie commémorative à des personnes ou à un événement du passé. Nous verrons donc les moyens par lesquels le récit peut être véhiculé, à savoir l'éducation et les commémorations.

1 : Par l'éducation : entre le storytelling et sa fabrication

En cas de cultures très différentes au sein d'un même peuple, l'éducation fait partie des instruments d'union nationale les plus efficaces. Elle permet de lier les cultures à une base de références et d'idées communes tout endissipant certaines idées reçues. Ce sont les hommes politiques, parfois les organisations cléricales, qui conduisent l'éducation en définissant des programmes d'enseignement dans les écoles ; ceux-ci étant nécessairement orientés à dessein pour servir la politique du pays - ou de l'entité religieuse. C'est pour cette raison qu'elle peut tout aussi bien être un facteur de paix qu'un facteur de guerre. Mais nous nous bornerons à étudier l'éducation censée réconcilier les individus. Ainsi, pour Jeanne Bordeau, « le storytelling est avant tout un canal d'information, de pédagogie et de proximité pour rendre accessible des notions parfois complexes, lointaines, voire étrangères à des publics variés ». Or c'est aussi la base de l'éducation, dans laquelle le storytelling joue un rôle particulier, car parfois, en plus de l'apprendre, les élèves le fabriquent, gardant leur esprit critique. Pourtant, dans certains cas, l'apprentissage de la réconciliation donne lieu à un storytelling dogmatique, condamné à l'échec.

Une première méthode d'éducation consiste en effet à inculquer un storytelling dogmatique dans l'esprit des élèves. C'est le cas au Rwanda, où l'école n'est accessible à tous que depuis peu de temps. En effet, avant la colonisation, elle était réservée aux élites tutsis.A cette époque, les manuels d'histoire et d'éducation civique prônaient une politique discriminatoire qui justifiait le maintien dans l'analphabétisme une partie de la population - facteur qui nourrira la haine ethnique. La population avait alors perdu tout esprit critique, à tel point que lors du génocide, beaucoup de criminels avoueront ne jamais s'être demandés pourquoi il fallait tuer les Tutsis62(*). En 1995, une conférence nationale prévoyant un nouveau programme d'éducation pour le Rwanda, recommande « que dans les meilleurs délais, les bureaux pédagogiques, l'Institut de Recherche Scientifique et Technologique et l'Université nationale du Rwanda collaborent à la publication d'un manuel d'histoire du Rwanda qui permette de réhabiliter certaines vérités historiques qui ont été sacrifiées au profit des manipulations idéologiques »63(*).

Le gouvernement se focalisant sur les objectifs d'unité et de réconciliation, l'histoire du Rwandan'est pratiquement pas enseignée, son étude ayant été une source de tensions ethniques avant le génocide. Le récit fédérateur se concentre sur l'unité commune de la population rwandaise avant la colonisation, niant les différences ethniques au profit de l'unité des Banyarwanda (ensemble des habitants du pays, sans distinctions), de leur langue et de leurs croyances ancestrales. Les seuls éléments historiques enseignés au Rwanda sont donc des épisodes démontrant et encourageant cette unité. Le gouvernement distingue trois périodes d'étude : le Rwanda précolonial, le Rwanda colonisé et le Rwanda postcolonial. Avant la colonisation, affirment les manuels, les Rwandais faisaient fi de leurs différences ethniques et partageaient un sentiment commun de patriotisme. A présent, les divisions ethniques produites par l'arrivée des colonisateurs belges sont déclarées abolies et les Rwandais sont invités ày renoncer à jamais.

Hormis les cas de storytelling dogmatique, il existe d'autres exemples de pays en conflit où l'éducation donne la possibilité aux élèves d'avoir un esprit critique et même de participer à la fabrication du récit. Dans ce cas, il est important d'évaluer le rôle de l'Etat sur la rédaction des manuels scolaires. Nous étudierons ensuite les cas de manuels communs à plusieurs groupes, voire à plusieurs pays.

Le politologue Yohanan Manor observe que les manuels scolaires peuvent avoir vocation à « dicter, orienter ou superviser un enseignement », ces trois verbes traduisant un degré d'influence différent selon les pays.De fait, en Israël, on observe les deuxpratiques : le ministère de l'Education israélien sélectionne les manuels rédigés par des éditeurs privés, mais son homologue palestinien dicte lui-même l'enseignement qui doit apparaître dans les manuels, qu'ils émanent de lui ou de l'United Nation Relief and Work Agency.

Les mêmes tendances sont observées en Asie : au Japon, les manuels sont édités par des entreprises privées, puis autorisés par le ministère de l'Education. Leur utilisation est imposée, mais les enseignants peuvent en faire une base de travail ou s'en servir comme complément de leurs propres sources. En Chine et en Corée, le ministère de l'Education se charge de rédiger les livres, dont l'utilisation est obligatoire.

Pour obéir à l'article 9 de sa Constitution qui déclare le Japon nation pacifiste, le gouvernement raye des manuels d'histoire toute allusion au rôle de l'armée japonaise dans les guerres du XXe siècle. Ainsi, le manuel Kuni no Ayumi (« Les Progrès de la nation »), écrit par Ienaga Saburo, et qui insiste sur ce point, fait l'objet de nombreuses critiques, y compris chez les historiens progressistes. Pourtant, le professeur Mitani Hiroshi considère que les manuels japonais sont les moins touchés par la propagande idéologique, dans toute l'Asie64(*).

Concernant les manuels israéliens, Yohanan Manor distingue trois générations de récits historiques65(*). De 1945 à 1967, le récit national enseigné était simpliste etconsidérait les Arabes comme des « sauvages », des « provocateurs », des « terroristes »...Le vocabulaire des livres scolaires était donc loin d'être neutre : les rédacteurs, sionistes, évoquaient les premiers Juifs arrivés en Israël en parlant de « pionniers », alors que les Palestiniens les considéraient comme des « terroristes ». De même, les Juifs appelaient le conflit de 1948 la « guerre d'Indépendance », alors que pour les Palestiniens, c'était la « Catastrophe » (Naqba).

La deuxième génération de manuels (1967-1985) présente une histoire du conflit moins tendancieuse, et donne plus d'informations sur les Arabes, divisés en plusieurs peuples. Ils adoptent même l'appellation « Palestiniens », niée jusqu'alors.

Depuis la fin des années 1980, l'éducation est cependant considérée comme un outil pouvant faciliter la coexistence entre Israéliens et Palestiniens grâce à une meilleure compréhension du récit exprimé par la partie adverse. Dans ce but, les manuels israéliens racontent souvent l'histoire du sauvetage d'un Juif par un Arabe. Certains évoquent également les réfugiés en juxtaposant les situations des Juifs durant la seconde guerre mondiale, des Palestiniens depuis 1948 et des Rwandais depuis le génocide.

En Irlande, pour répondre au même objectif, le christianisme est utilisé comme socle commun, sachant qu'il a toujours été très présent dans l'éducation. Ainsi, en 1921, lors de la division du pays, les écoles, bien que financées par les Etats (Royaume-Uni et République d'Irlande), étaient contrôlées par les églises, tout mélange entre les confessions étant par conséquent exclu. Déjà à l'époque, la préoccupation majeure du ministre de l'Education, Lord Londonderry, concernait l'influence de la religion sur l'enseignement, et en 1923, une loi interdisant les cours de religion fut promulguée. Elle se révéla très vite inefficace, chaque Eglise contestant la compatibilité de l'éducation laïque avec les besoins prétendus de la société irlandaise. De fait, la première école « intégrée» (« fostering school ») n'a ouvert ses portes que bien plus tard, en 1981. Financée par les parents, elle rassemblait à parts relativement égales des élèves, des enseignants et des membres du personnel catholiques et des différentes confessions protestantes, et avait pour objectif d'inaugurer un système où l'école serait un lieu de convergence entre les deux communautés. En 1989, alors qu'on comptait dix écoles mixtes, le gouvernement aadopté des lois transférant le financement de ces écoles à l'Etat, pour améliorer leur fonctionnement et encourager les parents à y inscrire leurs enfants. Aujourd'hui, on dénombre 96 écoles mixtes,et la majorité des parents est favorable à ce mode d'enseignement, l'éducation commune des élèves des deux confessions n'étant pas le seul motif de ce changement. En effet, les élèves ne sont ni répartis en fonction de leurs capacités intellectuelles ou manuelles, ni séparés entre garçons et filles comme c'était le cas dans les écoles religieuses. De plus, bien qu'étant dans des écoles mixtes, ils bénéficient tout de même d'une éducation religieuse, apprenant l'histoire du christianisme et les fondements de la morale chrétienne. Mais ils sont également encouragés à faire preuve d'ouverture sur les croyances des autres grâce à des interprétations de la Bible qui vont dans ce sens. On voit ainsi le Northern Ireland Curriculumsuggérer le recours à la parabole de la Cananéennedont Jésus guérit la fille malgré les remontrances de ses disciples (Evangile selon Matthieu, 15.21-28), pour démontrer que, quelle que soit sa culture, l'être humain peut faire preuve de sagesse et d'intelligence66(*).

Ce manuel a été élaboré pour permettre aux instituteurs d'enseigner à leurs élèves, de manière concrète, comment vivre dans une société multiculturelle. Il est divisé en trois sections définissant les notions de préjugé, de sectarisme et de réconciliation, avec des textes ou des activités illustratifs. Ainsi,parmi les textes de la section sur le préjugé, figure un dialogue inspiré de la parabole biblique précitée. Parmi les activités de cette même section, on invite l'enseignant à regrouper les élèves selon une distinction arbitraire. Ils sont ensuite invités à deviner la nature de cette distinction, le jeu étant censé leur apprendre qu'ils auraient pu appartenir à de nombreux groupes différents. Une manière d'étudier les notions de minorité et d'exclusion.

D'autres manuels scolaires ont été écrits en commun par des entités en conflit. Il s'agit pour la plupart de manuels rédigés par des historiens venant de deux pays qui ont combattu l'un contre l'autre, mais ce genre de manuel pourrait avoir un bel avenir à l'échelle nationale, comme c'est déjà le cas en Israël et en Palestine.

Le premier livre de ce type est rédigé en 2001 par des historiens japonais et coréens, qui exposent les relations entre leurs deux pays durant le XXe siècle. Mais malgré la bonne volonté des auteurs, il a fait l'objet de nombreux désaccords sur les périodes de tensions entre les deux peuples, comme l'annexion de la Corée par le Japon. D'autres essais ont abordé cette période, décrivant les relations entre le Japon et la Chine ou celles entre la Chine et la Corée. Toutefois, les historiens prenaient le parti de ne pas former de groupes mixtes lors de la rédaction des chapitres,ni de discuter les divergences d'opinions. L'histoire commune était donc un corpus de récits indépendants, les auteurs se contentant de nuancer les éléments controversés dans des notes de bas de page. Chung Jei Jeong, un historien coréen ayant participé à ces groupes, observe d'ailleurs qu'« il faut beaucoup de courage, d'efforts, de patience et de sincérité pour publier, via un projet commun,un livre d'histoire partagée entre des pays qui à un moment donné se sont opposés ». De fait, l'enjeu politique de ce genre de manuels est capital, chaque gouvernement cherchant au contraire à préserver un récit national qui fasse la fierté de la population. En effet, l'écriture d'une histoire régionale semble plus complexe en Asie qu'en Europe à cause d'une philosophie très nationaliste. Comment alors préserver la réconciliation nationale tout en veillant à internationaliser l'enseignement de l'Histoire ?

Le 23 janvier 2003, lors de la célébration du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, un sommet franco-allemand est organisé. Le Parlement des Jeunes, composé de lycéens des deux pays et réuni pour l'occasion, est chargé de trouver des idées pour améliorer les relations entre les deux nations, celles-ci étant soumises à l'approbation des deux gouvernements. L'une des initiatives les plus populaires, tout de suite adoptée par les institutions étatiques, était de réunir un comité d'historiens des deux pays pour écrire un manuel franco-allemand d'histoire. Edité en 2006, le manuel comprend trois volumes : le premier est consacré à l'histoire contemporaine depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le deuxième s'intéresse à la période s'étendant du congrès de Vienne à 1945, le troisième est réservé à la période qui s'étend de l'Antiquité au Romantisme.Notons au passage que l'ordre des volumes n'est pas chronologique, les rédacteurs semblant avoir décidé de travailler en priorité les périodes les plus difficiles à relater de manière objective.

Ce manuel est sensiblement différent de ses précurseurs d'Asie-Pacifique, puisqu'il ne porte pas uniquement sur les relations entre la France et l'Allemagne. Destiné aux lycéens, il porte sur tout leur programme, de la seconde à la terminale. Le manuel franco-allemand est donc une expérience inédite, jamais deux pays n'ayant réussi à produire un manuel commun sans trop de divergences d'opinions. Il permet d'ailleurs un rapprochement du passé entre les deux peuples, ces derniers étant jusqu'alors marqués par de fortes traditions nationales. Mais il n'est pas réservé aux Français et aux Allemands et peut servir de base aux programmes d'histoire de tous les pays européens. Aujourd'hui, il est d'ailleurs utilisé dansde nombreux lycées, en particulier dans les sections européennes et internationales.

En Israël, en 2002, le projet Writing Our Shared History engageait 12professeurs d'histoire israéliens et palestiniens dans l'écriture d'un manuel destiné à leurs lycéens. Ayant remarqué que les discriminations et les besoins de ré-humanisation de l' « ennemi » étaient les mêmes dans la génération de leursélèves que dans celle de leurs parents, ils destinaient leur projet à éviter que ces relations conflictuelles ne contaminent les générations futures. En effet, dans un système éducatif encore très centralisé, les jeunes lisaient encore beaucoup de livres à tendance sioniste ou pro-palestinienne,selon leur origine. Assistés d'interprètes, les professeurs ont choisi des événements importants de l'histoire de leur pays, comme la déclaration Balfour, la guerre de 1948 et la Première Intifada et se sont réunis en groupes mixtes pour en écrire le récit. Si la plupart des professeurs juifs avaient déjà participé à de tels groupes de parole, ce n'était pas le cas des professeurs arabes. Pourtant, les récits de chaque groupe étaient accueillis très positivement par les autres, qui se bornaient à poser des questions sur la traduction d'une phrase ou à contester la longueur d'une anecdote.

En 2003, un premier essai de livre était prêt, mais lorsqu'ils en ont proposé la lecture à leurs élèves, les réactions furent mitigées. Si certains ont emporté le livre pour le lire chez eux, la plupart n'étaient pas prêts à écouter le récit du conflit vu par leurs adversaires. D'autres estimaient que l'histoire que leurs professeurs leur racontaient ne correspondait pas à ce qu'ils vivaient,ni à ce que leurs parents leur avaient enseigné. Les professeurs ayant recueilli ces réactions ont donc décidé de rendre les récits plus interdépendants, en faisant une sorte de tableau avec une colonne attribuée au récit israélien et l'autre au récit palestinien. Cela permettait aux élèves de se sentir libres d'adhérer ou non au récit de la partie adverse ;le but étant simplement qu'ils s'en fassent une idée précise et en acceptent l'existence. L'opération eut plus de succès, si bien que le travail s'est enrichi de récits additionnels comme celui de la guerre des Six Jours.

Outre les manuels scolaires, les Droits de l'Homme sont très largement évoqués dans le cadre de l'éducation dans un Etat en transition. En Irlande, le programme « Education for Reconciliation » a pour but d'enseigner aux élèves l'histoire du pays et son vaste héritage culturel, ainsi que les Droits de l'Homme dans la vie en société. Le gouvernement fonde ce programme sur les trois principes de l'interculturalité :l'égalité des individus devant la loi, la neutralité de l'Etat et la reconnaissance de l'appartenance commune à l'Humanité, et l'aspiration à la réconciliation67(*).

L'association Amnesty International a mené de nombreuses opérations d'éducation aux Droits de l'Homme dans le monde entier et a publié récemment un guide pour fonder des « Human Rights Friendly Schools». D'après ce document, une école « compatible avec les Droits de l'Homme » est « une communauté scolaire où les droits humains sont appris, enseignés, appliqués, respectés, protégés et promus. C'est un endroit où tout le monde est intégré et encouragé à participer, quels que soient sa situation ou son rôle, et où l'on célèbre la diversité culturelle ».Le projet ne consiste pas simplement à enseigner les Droits de l'Homme aux jeunes, mais aussi à intégrer ces droits dans toutes les activités scolaires et extrascolaires. Ainsi les élèves peuvent-ils organiser des campagnes, jouer des pièces de théâtres ou organiser des événements commémoratifs. Leur école est également physiquement dédiée à ces droits, les bâtiments qui la composent ayant souvent des noms en rapport avec eux.

L'ONG remarque que ce projet suscite chez les élèves davantage d'esprit critique et une meilleure prise de conscience des enjeux qui touchent la société dans laquelle ils vivent. Au-delà de l'école, les élèves peuvent également travailler avec la population de leur quartier à la promotion des Droits de l'Homme. Les parents d'élèves prennent également part à ce projet et peuvent organiser des activités extrascolaires comme l'entretien de leur cadre de vie68(*). Les Human Rights Friendly Schoolssont réparties dans de nombreux pays, y comprisen Afrique du Sud, au Pérou et au Chili.

Notons que l'éducation aux Droits de l'Homme est très liée à l'apprentissage du multiculturalisme, dans lequel l'art « traditionnel » occupe une place primordiale, comme dans le cas du Cameroun. Ainsi, la réunification du Cameroun français et du Cameroun britannique mène à un processus de réconciliation, freiné par le tribalisme de la société camerounaise. Il s'agit donc pour les dirigeants du pays de réconcilier non seulement les anglophones et les francophones, mais également les tribus qui la composent. Dans ce but, le leader Paul Biya promeut une sorte d'empathie artistique pour « passer d'une culture inconsciemment vécue à une culture librement pensée »69(*).

« Dans cette démarche, affirme-t-il, la politique culturelle à proposer tendra à inculquer progressivement aux Camerounais, au détriment de leur attachement actuel aux seules cultures ethniques, une même échelle de valeurs, de normes et d'usages sociaux ; cette action suppose à la fois la nationalisation des originalités culturelles positives de nos ethnies dans leurs expressions les plus variées (musique, danse, cuisine, moeurs économiques) et une créativité intense ou inter-ethnique (histoire, littérature, théâtre, etc.) »70(*).

Certains chercheurs comme Rafi-Nets Zengut et Martina Fisher observent qu'avec le temps, les récits officiels des conflits sont plus faciles à transformer, les générations suivantes étant souvent plus ouvertes au changement que les témoins directs. La transmission d'un conflit aux générations futures est toutefois difficile, les valeurs morales d'une société changeant avec les générations. Le travail du narrateur est donc d'inculquer l'histoire du conflit sans les expliquer par les valeurs morales d'aujourd'hui.

* 62Journal Of International Affaires, Marian Hodgkin, «Reconciliation In Rwnda: Education, History And The State», 2006.

* 63 Thèse de Jean-Damascène Gasanabo, «Mémoire et histoire scolaire, le cas du Rwanda de 1962 à 1994 », 2004, page 6.

* 64Mitani Hiroshi,«Le système des manuels scolaires d'histoire au Japon », 2011.

* 65 Yohanan Manor, « Arabes et Palestiniens dans les manuels scolaires Israéliens », 2004, paragraphes 13 à 15.

* 66 Northern Ireland Curiculum, «Reconciliation, Working with the difference»

* 67Secretary of State, «Policy and Strategic Framework for Good Relations in Northern Ireland, a shared future foreword», 2005, page 8.

* 68 Sami Adwan, « Prime's Sharing the History Project: Palestinian and Israeli teachers and pupils learning each other's narrative», Bethlehem University, 2003.

* 69 Paul Biya, « Pour le libéralisme communautaire », éditions Pierre-Marcel Favre, 1986, page 114.

* 70Ibidem, page 36.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard