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Le rôle du storytelling dans la réconciliation nationale.

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par Sophie-Victoire Trouiller
Institut Catholique de Paris - Master 2 géopolitique et sécurité internationale 2014
  

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2 : La coexistence : un storytelling institutionnel

Etymologiquement, le mot « coexistence » signifie « exister avec ». Dans le contexte de la gestion de crise, la coexistence peut se définir comme la première étape de la stabilisation de l'Etat en transition, durant laquelle les parties en conflit ne se sont pas nécessairement réconciliées, mais ne désirent plus poursuivre les violences. Le plus souvent, cette volonté de coexistence est animée par la lassitude de la guerre ou par la prise de conscience de son inutilité. Première étapede la réconciliation, elle est instaurée grâce aux réformes institutionnelles prévues par des accords de paix ou de nouvelles constitutions, mais aussi par les discours et la censure des hommes politiques et par des institutions censées faciliter le processus de paix. La coexistence étant une étape transitoire, le storytelling qui lui donne vie est censé changer avec le temps. Le but du récit national qui voit les premiers pas du processus de paix est donc moins l'écriture de l'histoire du conflit que l'invention d'une « fin heureuse » grâce à laquelle la nouvelle vie rêvée peut enfin voir le jour.

Valérie Rosoux observe que trois conditions sont essentielles à une bonne réconciliation : la volonté de réconciliation, la légitimité des dirigeants chargés d'en mettre en oeuvre le processus et la solidité des nouvelles institutions, ces trois conditions devant être remplies simultanément17(*). C'est donc dès ses débuts que le storytelling à vocation réconciliatrice doit pouvoir « vendre » la réconciliation à d'anciens adversaires.

Si les questions psychologiques liées à la réconciliation nationale ne paraissent pas essentielles, compte tenu des difficultés matérielles et de la sécurité juridique qu'il conviendrait d'abord de mettre en place, toute société touchée par des violences liées à des tensions politiques ou ethniques doit tôt ou tard y répondre. En effet, la réconciliation est nécessaire, mais peut être un obstacle à des priorités plus importantes : les hommes politiques sont souvent tentés de faire une croix sur le passé pour se focaliser sur un modèle de coopération à venir. Mais cette méthode est contre-productive, une société divisée ne pouvant construire un avenir commun qu'après avoir accepté les désaccords et la violence du passé.

En Espagne, après la guerre civile de 1936-1939 et la dictature corporatiste instaurée par Franco jusqu'à sa mort en 1975, les hommes politiques sont confrontés à de multiples questions qu'il est difficile de résoudre par une seule solution (nature du régime et de ses institutions, indépendantisme basque et catalan, rapports entre l'Eglise et l'Etat, monarchie ou démocratie...) ; si bien que dans les années 1990, la stabilité forcée de la monarchie ne masque plus aux Espagnols de l'ampleur de tous les non-dits de la guerre civile et plus encore, des persécutions et exactions commises jusqu'à la fin d'un régime policier soutenu par l'Eglise. Des collectifs de militants s'insurgent contre le silence imposé aux victimes,posant le problème d'une vérité qui vient déjà trop tard (remise en cause de la légende de l'Alcazar de Tolède, demande de fermeture de la Valle de los Caidos, nécropole du régime...).

Pourinstaller la volonté de réconciliation, il est indispensable d'en faire le coeur du discours politique national, de façon à susciter chez les individus la volonté d'oeuvrer en sa faveur, tout en instaurant des relations de confiance entre eux et le système politique de leur pays. Pour ce faire, les représentants politiques des parties en guerre parviennent à un accord par le biais de négociations, où les problèmes à la base du conflit sont posés et créent de nouvelles institutions qui ont vocation à être démocratiques18(*), sur la base d'un compromis moyennant un « raisonnable désaccord » entre les parties19(*). Mais ils doivent s'assurer du bon fonctionnement du nouveau régime, tout en tenant compte des attentes psychologiques des individus, aucun système démocratique ne pouvant subsister sans une confiance minimale entre les ressortissants de l'Etat qui l'a adopté. Ainsi, Rafi Nets-Zengut remarque que les sociétés en conflits éprouvent toutes des besoins relativement semblables, qu'il rassemble sous le vocable d'« ethos du conflit » : l'importance de la sécurité, le patriotisme et le désir d'unité sociale20(*). Si les mesures de sécurité peuvent être prises grâce aux réformes juridiques concrètes des accords de paix, le patriotisme et l'unité sociale sont des besoins d'ordre psychologique qu'il est difficile de satisfaire pour tous. Il convient donc de déterminer comment peut s'établir la coexistence au niveau nationalen étudiant les solutions adoptées par les accords de paix ou les constitutions,mais aussi par les efforts des hommes politiques et des institutions judiciaires pour amorcer la réconciliation et écrire l'histoire d'un avenir meilleur.

Bien que les constitutions ne soient pas toujours adoptées au lendemain d'un conflit, et remplissent un objectif plus large que celui des accords de paix, on peut observer que les deux types de lois ont parfois des visées similaires dans le domaine du récit national. Les constitutions ont pour but de régir la vie politique des nations pour lesquelles elles sont rédigées. Souvent élaborées par des juristes, elles peuvent parfois, comme les accords de paix, résulter d'une confrontation entre des partis politiques. Les accords de paix, quant à eux, sont censés favoriser un cessez-le-feu et instaurer des relations de confiance entre les parties adverses, d'une part, et entre les individus et l'Etat, d'autre part. Fruits des négociations entre les représentants des parties, ils constituent un cadre légal que les individus sont censés respecter, et sont souvent élaborés avec l'aide d'organisations internationales. Dès leur élaboration, un processus d'ouverture et de confrontation entre les parties se met donc en place, et devra se poursuivre tout au long de la transition pour éviter une reprise du conflit. Bien que constituant la base de la coexistence, cette confrontation provoque donc l'empathie entre les représentants politiques des ennemis, cette empathie constituant le socle grâce auquel l'écriture d'un avenir partagé peut aboutir. A l'instar de certaines constitutions, il existe des accords de paix qui proposent également une lecture du passé national. Voyons donc quelques mesures fondatrices de l'avenir raconté par les hommes politiques.

Insistant sur la coopération entre les anciens ennemis, le préambule d'un accord de paix est souvent une liste de promesses que l'Etat fait à ses ressortissants en réaffirmant la protection qu'il aurait dû leur garantir ou bien les droits qu'il a laissé bafouer durant le conflit. Il justifie ainsi l'arrêt des combats : ces règles étant relativement semblables d'un conflit à l'autre, apparaissent comme la base de toute coexistence et sont mises en valeur comme autant d'objectifs légaux de la réconciliation. Citons en outre les garanties d'égalité devant la loi et au sein du pouvoir politique, de préservation de l'intégrité du territoire national, de respect des institutions... En général, l'accord de paix constitue donc une sorte de contrat, dont les visées peuvent être considérées comme utopiques, car trop vagues. Mais il invite parfois la population à tourner la page du passé, voire à l'oublier, en prévoyant le changement des symboles nationaux (drapeau, hymne national...). A titre d'exemple, en 1972, en Irlande du Nord, le drapeau à main rouge de l'Ulster (trop associé aux unionistes) est remplacé par l'Union Jack britannique. De même, au Rwanda, en 2001, le drapeau rouge jaune vert frappé d'un « R » a été remplacé par un drapeau bleu jaune vert avec un soleil.

Les auteurs des accords de paix recommandent souvent que les institutions du pouvoir et l'armée soient composées d'individus représentant les parties opposées, ce qui constitue un bon compromis pour créer un système démocratique et reconstituer la nation. Ils proposent également des solutions pour améliorer la sécurité et la prospérité du pays, comme le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants, la restauration de l'autorité de l'Etat, la libération des prisonniers politiques et le retour des réfugiés. Ils prévoient également des élections et en précisent les modalités, établissant ainsi des réformes constitutionnelles. C'est à l'occasion de ces élections que le récit connaît un premier suspens. Elles risquent en effet d'amener un nouvel élément perturbateur et de nouvelles épreuves à surmonter pour la société en transition, les anciennes forces armées pouvant devenir des partis politiques dont les compétitions donneraient lieu à une nouvelle crise. Elles peuvent aussi constituer le premier pas vers une société démocratique.

Par ailleurs, les auteurs des accords de paix prescrivent, en règle générale, l'amnistie de tous les auteurs d'exactions, sauf ceux qui ont commis des crimes sanctionnés par le droit international humanitaire (crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocides...). Ces derniers sont jugés par des tribunaux pénaux internationaux, comme nous le verrons plus loin. Notons que la création de tels tribunaux pour sanctionner les premiers instigateurs des exactions commises est souvent imposée par les organisations internationales qui n'imaginent pas une paix sans justice. Elles cherchent à faire prendre conscience aux criminels que les exactions commises ne doivent pas rester impunies, ce qui constitue la morale du récit.

Enfin, les hommes politiques envisagent des rencontres avec la population pour la sensibiliser à l'application des accords de paix, l'objectif étant de lui faire entendre la fin heureuse qu'ils ont imaginée et de l'exhorter à la réaliser.

Examinons à présent quelques exemples d'accords de paix et de constitutions pour déterminer comment leurs auteurs anciennement ennemis envisagent un avenir commun.

Adopté par référendum en 1998, l'accord du Vendredi Saint alias accord de Belfast, a été signéaprès un long dialogue entre toutes les parties en conflit, soutenues par le Royaume-Uni, la République d'Irlande, et une médiation des Etats-Unis. Par ce traité, l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni se répartissent les compétences afin de réaffirmer leur interdépendance. Si dès la signature de l'accord, Belfast devenait seule compétente en matière de santé, d'éducation, de développement économique et d'environnement, Londres restait compétente en matière de fiscalité, de police et de justice21(*), le tourisme étant confié à la République d'Irlande. A l'échelle nationale, ce traité est aussi un compromis entre les partis politiques selon le modèle consociationnel qui veut que toute société profondément divisée puisse devenir démocratique si l'autonomie des groupes est garantie par la constitution et protégée par le droit de veto mutuel grâce à la représentation proportionnelle. Ce traité s'inscrit donc dans un storytelling monolithe couramment utilisé, celui de l'unité dans la diversité. Mais la reconnaissance de cette autonomie des groupes à l'Assemblée implique que chaque député s'inscrive comme « unioniste », « nationaliste » ou « autre », ce qui atténue l'ampleur de la proportionnelle, les petites formations étant obligées des'aligner sur les choix des grands partis pour espérer réaliser leurs projets.

Même s'il n'a contribué que très légèrement à la réconciliation encore inachevée, l'accord de Belfast a permisd'améliorer les relations entre les parties en instaurant des relations de tolérance et de confiance mutuelle grâce à la promotion des Droits de l'Homme22(*). Il prévoit notamment la liberté de religion et est complété par une charte des libertés qui garantit la protection des individus et l'absence d'impunité. L'importance des Droits de l'Homme s'inscrit d'ailleurs dans l'histoire du conflit et donc dans le récit national : colonisée par les Britanniques puis divisée entre la Couronne de Londres et la jeune République de Dublin en 1921, l'Irlande a été le théâtre de nombreuses discriminations fondées sur une lutte pour le pouvoir, les querelles religieuses entre protestants et catholiquesn'étant qu'une coïncidence23(*). Le problème est resté entier dans la partie nord-est de l'Irlande, où les protestants d'Ulster,désireux de rester sous tutelle britannique, avaient le droit de vote et la liberté de se doter de partis politiques, contrairement aux nationalistes républicains (catholiques),dont Londresredoutaient qu'ils jouissent de ces pouvoirs pour pousser à la réunion des deux Irlandes.Incidemment, ces nationalistes catholiques éprouvaient également plus de difficultés que les autres pour se loger ou trouver du travail.C'est à cause de ces discriminations qu'en 1968, les nationalistes républicains ont organisé la marche de Derry (Londonderry), afin de revendiquer leurs droits, précipitant alors le conflit.

Si la plupart des Irlandais souhaitent aujourd'hui améliorer leurs relations, les tensions entre communautés peuvent très vite se répandre, chacune revendiquant fortement son identité et ses idées. Ainsi, Elise Féron note que depuis l'arrivée des protestants en Irlande au XVIIe siècle, les guerres civiles se sont succédées, empêchant la population d'apprendre à vivre ensemble et d'acquérir une véritable culture de la paix24(*). Elle qualifie donc le compromis de « mode de gestion des oppositions refusant de trancher entre les opinions en présence » et dénonce une logique de vendetta entre les deux adversaires.Ainsi, le storytelling de l'unité dans la diversité risque parfois de se transformer en conflit de storytelling, ceux des adversaires faisant concurrence au récit national établi par les hommes politiques. Aujourd'hui, le gouvernement irlandais envisageant une société fondée sur la paix, la tolérance mutuelle et la protection des Droits de l'Homme, un rôle prééminent dans l'éducation leur est accordé. Nous en reparlerons plus loin.

Toujours dans le cadre légal, certains pays comme l'Espagne et le Maroc décident de gérer la situation post-crise en élaborant une nouvelle constitution. Ainsi, après la mort de Franco en 1975, les forces politiques issues du franquisme et celles qui avaient émergé clandestinement durant la dictature, optent pour une confrontation démocratique qui donne lieu, après bien des concessions, à une nouvelle constitution en 1978. Encore en vigueur aujourd'hui, celle-ci garantit notamment « la vie en commun démocratique » grâce à la consolidation de l'Etat de droit et la protection de « tous les Espagnols et les peuples d'Espagne dans l'exercice des Droits de l'Homme, de leurs cultures et de leurs traditions, de leurs langues et de leurs institutions ». Elle accorde également,dans son article 2,l'autonomie à toutes les provinces qui la souhaitent25(*). Ici également, on note l'importance du storytelling de l'unité dans la diversité, mais le conflit de storytelling est moins susceptible d'émerger que dans le cas de l'Irlande, les volontés d'indépendance étant prises en compte et soldables par l'autonomie.

Enfin, au Maroc, la constitution du 30 juillet 2011 résulte d'un ensemble de propositions des principales instances politiques, syndicales et associatives. Sans doute conçue afin d'éviter un « printemps arabe » inspiré par celui des pays voisins, elle écrit, dès son préambule, le récit d'un « Etat musulman souverain » qui « entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible »26(*). Si le storytelling de l'unité dans la diversité est également à l'oeuvre, on peut constater que le récit fédère toutes les cultures différentes autour d'un Islam qui se veut modéré et ouvert au dialogue avec d'autres religions :« La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l'attachement du peuple marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde ».

Les hommes politiques ont parfois la volonté d'écrire l'histoire du conflit qui les a opposé dans l'accord de paix ou la constitution qui pose les premières bases de leur avenir partagé. L'accord de Nouméa du 5 mai 1998 est un exemple original et très intéressant de ce point de vue. Il relate l'arrivée des Européens en Nouvelle-Calédonie et décrit l'absence de relations juridiques avec la population locale, l'une des causes du conflit durant la décolonisation. Puis il insiste sur la richesse d'un peuple créatif, parlant plusieurs langues et possédant de multiples traditions profondément liées à sa terre. Mais si le traité attire l'attention sur ce que le peuple canaque a perdu (dépossession des terres, du patrimoine artistique et des lieux de culte, bouleversement de l'organisation sociale...), il ne rejette pas toute la faute sur les colonisateurs. Il semble même excuser leur conduite en les présentant comme « convaincus d'apporter le progrès, animés par leur foi religieuse, venus contre leur gré ou cherchant une seconde chance en Nouvelle-Calédonie », ou apportant leurs « idéaux » et leurs « connaissances », « dans des conditions difficiles »27(*). De plus, il rend hommage à certains d'entre eux qui ont « porté sur le peuple d'origine un regard différent, marqué par une plus grande compréhension ou une réelle compassion ». Mais il précise également que les colonisateurs ont franchi la limite de l'acceptable en dépouillant le peuple canaque de son identité et en réprimant les révoltes qu'ils avaient ainsi provoqué. Notons au passage que l'adoption de l'orthographe phonétique « kanak » au détriment de « canaque » donne une reconnaissance paradoxale, et un brin démagogique, à une langue non écrite.Suivent quelques propos sur la décolonisation, « temps du partage par le rééquilibrage », puis « temps de l'identité dans un destin commun »28(*).

A la suite de cet accord, un livre sur l'histoire de la Nouvelle-Calédonie a été écrit pour retracer son mythe fondateur. Selon les auteurs, la colonisation a fait de ce territoire un « pays des destins contrariés ».« Terre de souffrances, terre de violences, la Nouvelle-Calédonie est devenue, avec le temps des accords de Matignon puis de l'accord de Nouméa, une «Terre de parole et de partage»... Telle est aujourd'hui sa devise qui exprime à elle seule tous les enjeux de son évolution politique et la construction de son destin commun... Une devise qui porte en elle les espoirs de tout un peuple qui aspire à vivre en paix »29(*).

Le livre raconte l'histoire d'un peuple de navigateurs et d'artistes, les Canaques, peu à peu colonisé par les Européens à la suite de la découverte de l'île par James Cook en 1774, puis par des missionnaires. En 1853, c'est la France qui prend possession de l'île, qu'elle peuple avec des colons ayant choisi de s'y établir, mais aussi avec des bagnards chargés de la développer en y construisant des routes et en y cultivant la terre. Ces bagnards deviendront des colons malgré eux en vertu du système d'assignation à résidence (relégation), qui les oblige indirectement à spolier les terres des Canaques. La colonisation est donc essentiellement mise sur le compte d'un concours de circonstances. Le livre montre également le déracinement, sans doute mal conceptualisé par les colons, d'une population où chacun doit conserver le terrain donné par ses parents, pour avoir une existence sociale. La spoliation des terres et la perte des repères culturels entraînent,d'ailleurs,une révolte sévèrement réprimée en 1778.

L'ouvrage rappelle également que durant les deux guerres mondiales, les engagés volontaires canaques viennent prêter main forte aux Français, et obtiennent la citoyenneté française en 1946 en tant que ressortissants d'un territoire d'outre-mer. Mais en 1971, la chute du cours du nickel -principale richesse des villes - interrompt l'expansion économique de la Nouvelle-Calédonie, ce qui est présenté comme la cause de la volonté d'indépendance des aborigènes. Le livre évoque ensuite les affrontements entre loyalistes et indépendantistes, les auteurs relatant le drame de la grotte d'Ouvéa, dans laquelle quatre gendarmes sont tués par des militants du Front National de Libération Kanak et Socialiste (FNLKS). Notons que les rédacteurs n'insistent pas sur toutes ses ambiguïtés. L'histoire s'achève sur la fin heureuse des leaders des deux camps, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou signant l'accord de Matignon et se serrant la main, geste qui restera le symbole de la réconciliation. Elle se conclut par une ouverture sur l'avenir, la signature de l'accord de Nouméa, qui « engage la Nouvelle-Calédonie sur la voie du destin commun ». Le récit est assorti d'images, des biographies des deux leaders politiques et de quelques témoignages.

Comme l'accord de paix de Nouméa, certaines constitutions évoquent le contexte historique de leur naissance. Ainsi la Constitution française du 27 octobre 1946 s'inscrit-elle dans « la victoire des peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine ». De manière plus exhaustive, en Croatie, la Constitution du 22 décembre 1990 crée un lien entre toutes les formes de l'Etat croate depuis le moyen-âge pour en marquer la continuité et en exclut le royaume de Yougoslavie de 1918 à 1939, trop centralisateur, et l'Etat indépendant de Croatie de 1941, au service des Nazis30(*).

Mais la réconciliation nationale s'opère dans des circonstances bien particulières : les individus opposés doivent continuer à vivre ensemble dans le même Etat dans un contexte où les émotions négatives (violence, méfiance, haine...) n'ont pas encore disparu. Ceci explique sans doute pourquoi la plupart des Etats en transition interdisent l'évocation du conflit durant les années qui suivent (Liban, Rwanda...). Or, dans bien des cas, la colère et les souffrances indicibles déshumanisent ceux qui les ont perpétrés aux yeux des victimes. A ceci s'ajoute bien souvent encore,pour le bourreau comme pour la victime, la trace psychologique de la propagande des médias contrôlés et abusés par l'Etat durant le conflit, qui invitent à combattre un ennemi comme s'il était le mal en personne. Dans un rapport de l'Unesco sur le rôle des médias dans la réconciliation nationale, le journaliste Barry James résume bien cet enjeu particulièrement important :« Dans un conflit, la vérité est toujours la première victime et les médias sont invariablement enrôlés comme défenseurs des parties en guerre. Après le conflit, le vainqueur est vraisemblablement si convaincu du bien-fondé de sa cause qu'il n'est pas disposé à tolérer des opinions opposées31(*).

En conséquence, si la sécurité et la légitimité des institutions sont importantes pour entériner le processus de réconciliation, la reprise de la communication entre les individus l'est aussi. Or c'est aux hommes politiques d'entériner cette phase de réconciliation, eux seuls pouvant décemment prétendre s'adresser à une nation toute entière. Cette opération est toutefois délicate, car contrairement à ce que dit Cicéron, lepassé n'est immuable que dans les faits tels qu'ils se sont produits, la mémoire n'en étant qu'une trace malléable. Les dirigeants doivent donc gérer l'interaction entre la « mémoire vive » qui appartient aux individus, et la « mémoire officielle » contenue dans leurs discours ou ceux des intellectuels32(*), dans le but de proposer une vision du conflit susceptible d'être partagée par toutes les parties.

Nathalie Burnay observe que les représentants politiques d'un groupe devant décider du récit à raconter, que ce groupe soit un Etat, une ethnie ou un parti politique, « ce sont eux qui tantôt s'épanchent, tantôt s'effacent. Tantôt dénoncent, tantôt camouflent, selon qu'ils perçoivent le passé de leur groupe comme injuste, glorieux ou encore embarrassant »33(*).

Scellée en 1963 par le traité de l'Elysée, la réconciliation franco-allemande, bien qu'internationale, est intéressante à étudier pour notre sujet, car elle constitue la pierre angulaire de la construction d'une « nation » européenne réconciliée après guerres mondiales et Guerre Froide. De ce fait, elle pourrait être le modèle de plusieurs conflits dans lesquels la question de l'appartenance à une seule et même nation ou à deux entités séparéesse pose pour les belligérants (Israël-Palestine, Irlande du Nord protestante et catholique, Corée du Nord-Corée du Sud...).

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, alors que la France refuse de procéder à une lecture binaire du conflit, l'Allemagne occupée par les vainqueurs n'a d'autre choix que d'assister au jugement d'une partie de ses ressortissants pour des crimes d'une ampleur inédite. La réconciliation ultérieure a donc pour but de « décloisonner les récits nationaux »34(*) et de rassembler les deux peuples autour de deux hommes ayant lutté contre l'Allemagne hitlérienne : Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. De même, l'historien François Kersaudy y voit une « explication historique entre deux nations (...) à la fois pour enterrer le passé et pour repenser l'avenir »35(*). Si elle a commencé par la signature de la Communauté économique du charbon et de l'acier en 1950, l'amitié franco-allemandene s'est réellement révélée qu'avec celle qui animait les deux chefs d'Etat. Celle-ci commence en 1958 lorsque de Gaulle, qui tenait Adenauer en haute estime pour son opposition au nazisme et le considérait déjà comme un véritable homme d'Etat, reçoit le chancelier dans sa résidence secondaire à Colombey-les-Deux-Eglises, témoignant de ses sentiments en ses termes :« Personne ne peut mieux que lui saisir ma main, mais personne ne peut mieux que moi la lui tendre ».

A l'époque, à en juger par les relations entre les deux nations, il est difficile de croire qu'un récit commun prônant leur réconciliation peut s'écrire. En effet, l'admiration du Général pour le Chancelier n'est pas entièrement réciproque, l'auteur de l'appel du 18 juin étant également celui du traité d'amitié franco-soviétique de décembre 1944 qui concevait le démantèlement de l'Allemagne. De plus, durant la première décennie qui voit l'Union européenne se construire, de Gaulle se montre hostile à toute alliance avec les Etats-Unis, contrairement à Adenauer qui considère qu'un tel soutien est la seule chance de renaître pour l'Allemagne. Enfin, il faut noter que 13 ans après la guerre, la rancoeur est encore vive en France et se manifeste même dans l'entourage du Général, dont la propre femme refuse de changer quoi que ce soit au menu familial, le jour de l'invitation personnelle du chancelier allemand à La Boisserie. De même, lors du voyage officiel d'Adenauer en France en juillet 1962, les Français ne manquent pas de manifester leur réprobation au moyen de pancartes d'inspiration communistes : « A bas le militarisme allemand », « Vive la RDA »... Dans son art du storytelling, de Gaulle soutiendra pourtant à son hôte :« Dans les rues et les avenues a déferlé la vague des témoignages déférents et admiratifs qui se portaient massivement vers votre illustre personnalité».Après le départ de son homologue allemand, alors que le ministre de l'information Alain Peyrefitte fait remarquer à de Gaulle le contraste entre son discours et la réalité, l'intéressé avoue :« J'ai toujours fait comme si, ça finit bien par arriver ».

Le storytelling en politique pourrait en effet être défini comme cet art de la persuasion par la feinte qui consiste à « faire comme si ». Le 9 septembre 1962, lorsque de Gaulle se rend à son tour en Allemagne, à Ludwigsburg, il prononcera des mots qui resteront à jamais gravés dans la mémoire collective de la jeunesse allemande :« Vous êtes les enfants d'un grand peuple ».Pour témoigner son empathie à l'égard de ce « grand peuple », il va également se recueillir à la Feldherrnhalle, érigée en mémoire des soldats bavarois morts en 1870 et en 1914, et fait mine d'oublier que c'était le lieu du putsch raté de Hitler en 1923...

Le traité de l'Elysée est finalement signé le 22 janvier 1963. Ayant pour but essentiel de rapprocher les citoyens des deux Etats, il promeut une coopération en matière d'affaires étrangères,de défense et d'éducation, créant une véritable dépendance entre les autorités des deux pays dans leur prise de décision36(*). Pourtant, son préambule, abrogé depuis, affirmait ostensiblement l'adhésion de l'Allemagne à l'Alliance atlantique, précaution qui déplaisait à de Gaulle, mais sans laquelle Adenauer craignait que le traité ne soit pas ratifié par le Bundestag. L'affirmation selon laquelle ce traité transformait la vieille « haine héréditaire » en nouvelle « amitié héréditaire » acceptée par les deux peuples relève donc du mythe, ce récit monolithe étant pourtant volontiers évoqué lors des cérémonies commémoratives37(*). Il n'en reste pas moins que la réconciliation franco-allemande se manifeste par des gestes symboliques qui font oublier les vieilles rancunes (de Gaulle et Adenauer se recueillant côte à côte dans la cathédrale de Reims, Mitterrand et Kohl se tenant la main dans le cimetière de Verdun...). Le traité a d'ailleurs permis la création de l'Office franco-allemand de la Jeunesse (Ofaj) et de lycées franco-allemands, promouvant ainsi le bilinguisme des deux peuples.

Aujourd'hui, hommes politiques et journalistes aiment à parler de « couple franco-allemand » et de mesurer la stabilité entre les chefs d'Etat qui se succèdent à la tête des deux pays. Le changement de chefs d'Etats ne risque-t-il pas de précipiter ce couple uni et heureux dans la tourmente de nouvelles épreuves à surmonter ? Ces derniers semblent d'ailleurs avoir pris l'habitude de se rendre visite juste après leur arrivée au pouvoir et l'impression générale est que l'Union européenne ne pourrait pas exister sans l'union de la France et de l'Allemagne.Dans les coeurs cependant, les stéréotypes de l'Allemand froid et du Français arrogant sont encore d'actualité, et la victoire de l'Allemagne à la coupe du monde de footballde 2014 est loin d'avoir provoqué un enthousiasme débordant en France. Mais que serait une belle histoire sans quelques péripéties ? C'est bien la situation finale qui compte. François Mitterrand attribue d'ailleurs aux deux peuples une « si longue vie ensemble dans la concorde et dans la discorde », qu'ils sont aujourd'hui en mesure de « guider le monde »38(*).Lors du cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée, l'ambassadeur de France en Allemagne Maurice Gourdault-Montagne considère même que l'amitié qui les unit est bien plus vieille que la haine des trois guerres :« L'amitié franco-allemande repose sur une communauté de valeurs entre nos deux pays. Une longue histoire de déchirements, de haine et de guerres ne doit pas masquer notre étroite proximité. C'est souvent au sein d'une même famille que les conflits sont les plus durs, et ainsi en va-t-il de la France et de l'Allemagne, les deux pays qui ont le plus fait pour l'épanouissement des Lumières en Europe au XVIIIe siècle, et dont les intellectuels et les sociétés civiles ont lutté côte à côte pour la démocratie jusqu'aux révolutions de 1848 »39(*).

Pour mettre en récit le passé, les hommes politiques doivent également « jouer avec les connaissances »40(*) selon quatre variables de modification du passé : le contexte national et international, l'identité de l'orateur, l'identité de l'interlocuteur et le délai entre le fait évoqué et le discours. C'est ainsi qu'à la fin de la seconde guerre mondiale, Tito, comme de Gaulle, a fédéré la Yougoslavie autour du culte de la résistance nationale contre l'occupant. Pour lui, la défaite de son peuple n'est due qu'à un malheureux concours de circonstances, parmi lesquelles il évoque « vingt ans d'oppression des peuples de la Yougoslavie », la corruption du système monarchique et ses relations étroites avec les milieux réactionnaires allemands et italiens.

C'est alors qu'il nomme le deus ex machina : ce n'est pas un pays, mais c'est le parti communiste, pourtant persécuté, qui redonnera à la Nation la force et la volonté qui lui manquaient jusque-là. A cette époque, Tito rend également hommage à l'Armée Rouge, grâce à laquelle les Allemands et les Italiens ont été mis hors de combat.Mais durant la Guerre Froide, le ton n'est plus le même, le chef d'Etat yougoslave désirant affirmer son indépendance vis-à-vis de l'URSS. Il dénonce alors l'« exclusivisme des deux blocs» qui empêche chaque peuple d'oeuvrer, en toute égalité, à la paix mondiale, et revendique le non alignement comme une « conception moderne des relations internationales ».

En opérant ce « choix du passé » dans un cadre de réconciliation nationale, l'orateur se réfère souvent à des personnages historiques constituant des symboles de la nation. Ainsi, pour reconstruire une unité nationale fragilisée par les événements de 1968 et le départ de Charles de Gaulle, George Pompidou célèbre en 1969 le bicentenaire de Napoléon en vantant son génie et sa force dont ne pourra triompher que le destin « plus fort que l'homme le plus fort »41(*). Mais deux ans plus tard, lors d'un sommet franco-allemand, il évoquera plutôt l'empereur qui avait « détruit laRépublique européenne (...) en cherchant à l'organiser à son profit ».

Ici, le but du récit n'est plus de refonder une unité nationale mais de rappeler les liens entre la France et l'Allemagne, cette dernière n'ayant gardé de Napoléon que des souvenirs pour le moins sombres.

Anne Marie Soderberg, professeur de communication organisationnelle, observe également ce genre de changement de discours au sein des entreprises. Pour elle, le storytelling ainsi utilisé crée l'identité et la culture de l'entreprise, toutes deux devant s'adapter aux changements de son environnement42(*).

Faute de les contrôler, les institutions politiques peuvent censurer, voir interdire l'accès à certains médias susceptibles de troubler le processus de réconciliation nationale. C'était le cas en RDA à la fin des années 1980, le gouvernement ayant interdit la vente du magazine Spoutnik, destiné aux jeunes Soviétiques, craignant que le déclin de l'URSS dans le contexte de la déstalinisation n'entraîne des sentiments anticommunistes en Allemagne de l'Est.

La gestion de la réconciliation par les hommes politiques se concrétise donc par des discours rassemblant le peuple autour d'un récit national monolithe. Pourtant, la réconciliation exige également que la justice fasse son office.

L'Etat en transition ne pouvant pas nécessairement juger seul ses ressortissants à cause de la faiblesse de ses institutions, les Nations Unies créent, pour les violations du droit international humanitaire les plus graves, des Tribunaux Pénaux Internationaux (TPI), dans le but de rétablir la paix civile en assurant la sécurité des victimes d'exactions. Ils sont chargés de poursuivre des faits juridiquement qualifiés et particulièrement graves,à propos desquels les professionnels du droit décident de la peine à appliquer à des individus et en contrôlent l'exécution. Ces tribunaux évitent notamment les risques d'exécutions sommaires ou de procès approximatifs comme dans le cas du Rwanda, immédiatement après le génocide.Dans le cadre de leur contribution à la réconciliation, ils racontent eux-mêmes une histoire. L'un des exemples les plus flagrants restela grâce des SS alsaciens ayant participé au massacre d'Oradour-sur Glane, leur mise hors de cause ayant été l'occasion de sensibiliser l'opinion au problème tragique des « Malgré Nous ».

Notons cependant que dans certains cascomme celui du Mozambique, de tels tribunaux sont jugés inutiles : les parties ennemies étant, à des degrés comparables, responsables de graves violations des Droits de l'Homme, les négociations assorties d'une bonne « démocratisation » du pays suffisaient.

  • La coexistence révèle donc un storytelling fondé sur des règles de droit et des idées politiques dissipant les inégalités entre les parties en conflit. C'est grâce à elle que peut s'établir l'empathie, aucune compréhension mutuelle ne pouvant s'établir entre des parties qui se sentiraient lésées l'une par rapport à l'autre. Le récit peut alors s'adapter aux relations qui s'établissent entre les individus.

* 17Valérie Rosoux, « Is Reconciliation Negotiable », 2008.

* 18International Idea, « La réconciliation après un conflit violent », 2004.

* 19 Valérie Rosoux, 2008, op. cit.

* 20Rafi Nets-Sangut, « Transformation of the official memory », 2013.

* 21Le Monde, Alexandre Pouchard, «En Irlande, les anciens ennemis gouvernent ensemble », 11 avril 2013.

* 22Secretary of State, «Policy and Strategic Framework for Good Relations in Northern Ireland, a shared future foreword», 2005.

* 23 Titine Kriesi, «Northern Ireland's steps toward reconciliation», 2009.

* 24 Elise Féron, « Irlande du Nord, une réconciliation incertaine », 2006.

* 25Constitution espagnole du 27 décembre 1978, en français sur le site du tribunal constitutionnel.

* 26 Préambule de la constitution marocaine du 30 juillet 2011.

* 27 Préambule de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, paragraphe 2.

* 28 Préambule de l'accord de Nouméa, paragraphe 4.

* 29 Joël Viratelle, « Histoire de la Nouvelle-Calédonie ».

* 30 François Garde, « Le préambule de l'accord de Nouméa, prologue d'une histoire officielle ? », paragraphe 34.

* 31 UNESCO, « Médias, prévention des conflits et reconstruction », 2004.

* 32 Nathalie Burnay, "Transmissions : passation, identité narrative et reconnaissance".

* 33Ibidem.

* 34Valérie Rosoux, « La réconciliation franco-allemande : crédibilité et exemplarité d'un « couple à toute épreuve » ? », paragraphe 6.

* 35François Kersaudy, "De Gaulle et Adenauer, aux origines de la réconciliation franco-allemande".

* 36 Traité de l'Elysée, 22 janvier 1963

* 37 « Cinquante ans de relations franco-allemande », éditions Nouveau Monde, page 17

* 38 Valérie Rosoux, « La réconciliation franco-allemande : crédibilité et exemplarité d'un « couple à tout épreuve » ? », paragraphe 22.

* 39Maurice Gourdault-Montagne, "Les cinquante ans du Traité de l'Elysée et les perspectives d'avenir de la coopération franco-allemande", Espoir, revue de la Fondation Charles de Gaulle, n° 172, printemps 2013, p. 34 et suiv.

* 40Valérie Rosoux, « Human rights and work of memory in international relations », 2004.

* 41 Discours de Georges Pompidou, 15 août 1969.

* 42 Anne Marie Soderberg, « Le storytelling comme un outil de construction de l'identité et de la culture de l'entreprise ».

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore