III. Historique
Pour décrire la prise en charge des sourds aujourd'hui
je vais tout d'abord aborder l'histoire du monde sourd.
Peu d'écrits décrivent le monde sourd durant
l'antiquité : Porphyre7 écrit : « n'est il pas
absurde qu'un être doué de raison ne l'est pas selon que son
parler est intelligible ou non, qu'il reste muet ou qu'il est un langage.
» Peu de philosophe partage l'avis de Porphyre, Aristote8 par
exemple écrit « Dans l'ouïe réside une des conditions
pour être pleinement humain » et Hobbes 9« la
faculté de raisonner est une conséquence de l'usage de la parole
». La vision du sourd est une vision d'être sans réflexion
plus proche de l'animal que de l'Homme.
Au moyen âge les Sourds pratiquent des emplois ouvriers
comme drapiers, bouchers, laboureurs. La chrétienté voit le sourd
comme un « possédé du démon »
10où «Le sourd était surtout le symbole vivant de ce
qui arrivait à
7 Porphyre - Traité de l'abstinence in Le Silence des
bêtes
8 Métaphysique livre A chap 1, 980, trad
3.Bathélémy st hilaire, Paris Pocket, 1995, p39
9 Thomas HOBBES, Leviathan, Chap XLVI, trad tricard, paris,
dally, 1999 p 679
10 Presneau, (1998) p.19
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ceux qui ne voulait pas à croire en Dieu
»11. La charité chrétienne pousse cependant la
population à venir en aide aux sourds.
Des artistes célèbres comme, De Vinci et
Montaigne12 qui publient dans « Traité de la peinture
» que la parole gestuelle équivaut en capacité et en
dignité aux langues vocales. René Descartes dans sa lettre au
marquis de Newcastle13 dit : « Je dis les paroles ou
autres signes, parce que les muets se servent de signes en même
façon que nous de la voix ».
1. L'éducation des Sourds deux visions qui
s'opposent
1.1 Education et langue des signes
L'éducation des sourds débute avec Etienne de
FAY à Amiens vers 1720 qui éduque un petit groupe d'enfant
sourd.
Charles Michel de l'Epée (1712-1789) commence son
étude des signes grâce à sa rencontre avec deux jumelles
sourdes qui communiquait entre elle par signes, il décide alors de
s'occuper de l'éducation de ces deux jeunes filles. Il crée une
langue des signes très proche de l'alphabet français.
L'abée de l'Epée n'a donc pas crée ce qui est actuellement
la langue des signes française mais il est devenu une figure du monde
sourd car il a su créer une communauté qui a elle-même
perfectionné la langue des signes française. Il accueille dans sa
maison de nombreux sourds et forme des disciples, comme l'abée Sicard
instituteur à bordeaux qui le remplacera à sa mort à la
tête de l'institut national de jeunes sourds de Paris.
Figure 3: Charles Michel de l'Epée
11 idem
12 Charles-Michel de MONTAIGNE, Essais, Livre II, Chapitre XII.
13OEuvre set lettres. La Pléiade, pp. 1254-1257
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Grâce à ce personnage et ses disciples s'est
ouvert un âge d'or pour les Sourds avec des artistes et des
intellectuelles.
Pierre DESLOGES, journaliste et écrivain sourd, qui
publie en 1779 ce qui est considéré comme le premier livre
écrit par un sourd : « observation d'un sourd et muet sur un cours
élémentaire d'éducation des sourds et muets ». Cet
écrit s'oppose à la vision oraliste de l'abée Deschamps
qui condamne l'utilisation de la langue des signes dans l'instruction des
enfants sourd.
Ferdinand Berthier est le premier professeur sourd de
l'Institution nationale des sourds-muets de Paris. Il fonde en 1834 le
comité des sourds muets et organise le premier banquet sourd en
l'honneur de l'Abée de l'Epée. Lors de ce banquet il
réunit la communauté sourde autour de l'une de ses plus grandes
figures et en fait un mythe de bienfaiteur de cette famille sourde. Il y invite
des journalistes entendant afin qu'ils fassent connaitre cette
communauté grandissante. En 1838 il crée la société
centrale des sourds et muets qui est la première association
dédié aux sourds muets. En 1844 à lieu le premier mariage
entre sourd.
La société centrale permet de faire reconnaitre
les revendications des sourds et de dénoncer les injustices. Car
à l'époque (et encore aujourd'hui) les sourds ont un statut
social bas, plusieurs écrits attestent de beaucoup de mendicité
des sourds et muets « ...pauvres, ils l'envoyaient mendier son pain dans
les rues, où, suivant quelques chroniqueurs, l'infortuné
s'efforçait d'attirer l'attention des passants en agitant une clochette.
»14.Ils sont internés dans des centres
d'aliénés et d'idiots. Lors des procès par exemple les
sourds non instruit souffrent d'a priori défavorable, les magistrats et
bon nombres de journaux débattent de leur vision des sourds car pour
beaucoup d'entre eux l'intelligence passe par l'ouïe et la parole.
14Léon VAISSE, Essai historique sur la
condition sociale et l'éducation des Sourds-Muets en France par Mr
Léon Vaïsse, professeur à l'institut royal des sourds-muets,
membre de la société asiatique, Paris, typographie de Firmin
Didot frères, Imprimerie de l'Institut de France, 1844, p.2
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a. L'intégration
En effet si l'abbé de l'Epée promouvait la
langue des signes, des éducateurs comme Jacob Rodrigues Pereire
privilégiaient la rééducation des enfants sourd, leur
apprendre à communiquer par l'oral. Ces « oralistes »
pensaient que la meilleure façon d'intégrer les enfants sourds
à la population générale était de leur redonner la
parole. Ces cours était cependant payant et réserver aux enfants
de familles riches. Charles-Michel de l'épée disait : «Les
riches ne viennent chez moi que par tolérance, ce n'est pas à eux
que j'ai fait don de ma personne, c'est aux pauvres. Pour les autres je n'aurai
jamais entrepris l'éducation des sourds muets.»15.
Le congrès de milan se réuni en 1880, ce
congrès rassemble les éducateurs entendant de toute l'Europe et
très peu d'éducateur sourd sont conviés lors de cette
assemblée. Ce congrès marque un âge noir pour la
communauté sourde, il interdit la langue des signes dans
l'éducation des enfants sourds et proclame « la parole pur ».
A partir de cette date l'utilisation de la LSF dans les écoles est
proscrite et les éducateurs sourd renvoyés. Cependant la
transmission de cette langue continue à travers les associations et les
familles sourdes.
Les enfants sourds sont catégorisés en fonction
de leurs restes auditifs et de leur capacité à
bénéficier de l'enseignement de la parole. « Inapte »,
« arriéré » sont les qualificatifs donné a ces
enfants.
Les plus doués de ces élèves sont tout de
même cantonnés à des métiers manuels ne
nécessitant que peu de communication. La société
évolue dans le sens contraire aux enseignements initiés par
l'Abée de l'Epée.
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