5.3.1. Du 28 septembre 2009
Suite au retard qu'accusait l'organisation des
élections présidentielles promises par la junte et des suspicions
d'une éventuelle candidature du Capitaine Dadis, les opposants
décidèrent d'organiser une marche de protestation en date du 28
septembre 2009, mais les autorités gouvernementales interdirent cette
manifestation du fait que le 28 septembre est commémoré comme
date anniversaire du référendum du 28 septembre 1958. C'est
à cette date que le peuple de Guinée avait choisi le chemin de la
liberté en votant `'NON» à la communauté
française proposé par la France à ses colonies. Cette date
est perçue par beaucoup d'observateurs nationaux et internationaux comme
la première réelle manifestation de l'unité des
guinéens sans laquelle le pays n'aurait pas accédé
à la souveraineté en 1958. Le sens de l'unité des
guinéens en cette date se résume par un appel du père de
l'indépendance qui, après la conférence territoriale du 14
septembre lançait à son peuple : « chers camarades, pas une
minute à perdre après cette conférence. Tous les hommes,
toutes les femmes doivent se mobiliser pour que la victoire soit totale et que
l'unité de la Guinée soit affirmée à la face du
monde... Chacun et chacune...Doit faire ce que la voix de l'Afrique dicte
à sa conscience, cette voix ne cesse de crier Indépendance,
Nationalité africaine, Citoyenneté africaine, liberté et
Dignité ».(KABA Lansiné, 2009 ; En ligne).
Malgré les appels de report lancé par des
religieux, les coordinations régionales et le gouvernement, la marche
eut lieu et se solda par une violence extrême et un bain de sang.
Plusieurs femmes furent violées avec près de 150 morts (RFI, 2009
; En ligne) Mais les enquêtés sont partagés quant à
la responsabilité de cet évènement.
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Pour les uns (40 % des enquêtés), c'est la junte
militaire qui est responsable. Il ressort des entretiens que ceux qui
incriminent la junte et son chef sont pour la plupart des malinkés et
des peuls même si les malinkés restent dominants. Cela s'explique
par le fait le General Sékouba Konaté qui est aussi
malinké est soupçonné par les proches de Dadis Camara
comme étant l'acteur principal de l'écartement de ce dernier du
pouvoir à travers cet évènement tandis que les
malinkés s'opposent à cela et soutiennent. Pour les peuls qui
soutiennent cette opinion, on peut comprendre cela du moment où certains
parmi eux expliquent que la majorité des victimes était les
leurs. Et face à une telle situation on est tenté d'accuser le
pouvoir en place. S'agissant de ceux qui accusent l'opposition, ils sont
partagés entre tous les groupes socioculturels touchés
excepté les peuls. Les malinkés sont encore dominants (75 %)
parmi cette catégorie de répondants. Cela s'explique par le fait
que l'opinion nationale reconnaît quelque part les débordements
des manifestations d'opposants en Guinée. L'absence des peuls dans cette
catégorie est la preuve qu'ils étaient majoritairement
présents à cette marche et par conséquent, la
majorité des victimes étaient peuls.
Une autre catégorie d'enquêtés (28%) de
presque tous les partis représentés au Bénin, accusent
à la fois l'opposition et la junte. Ce qui peut se comprendre par le
fait que chaque acteur a assumé une responsabilité et donc une
fonction dans cet évènement. Car, s'il n'y avait personne dans le
stade, il n'y aurait pas eu de fusillades et de viols. Et même s'il y
avait des personnes à l'intérieur du stade, il n'y aurait pas eu
de morts ou de viols sans la venue des militaires de la garde
présidentielle.
Enfin, une dernière catégorie (16 %)
(essentiellement des peuls), indexe l'entourage du président Dadis (dont
le N°2 du CNDD), la France et ses alliés. Pour ces
interviewés, c'est un sale tour joué par certains proches de
Moussa Dadis Camara soutenu par la France afin de le discréditer aux
yeux de la population et faciliter son éloignement du pouvoir.. Cette
autre version se comprend bien d'une part par le fait que la France voyait ses
intérêts se réduire en Guinée sous la
présidence de Dadis Camara qui avait opté pour la
coopération Guinéo-Asiatique. Et d'autre part du fait que les
soupçons d'impartialité du président de la transition
accusé d'avoir donné le pouvoir à « son parent »
Alpha Condé (RPG) au détriment de Céllou Dalein Diallo
(UFDG). Après le 28 septembre, le divorce était consommé
entre le pouvoir et l'opposition. Les pressions internes et externes
s'activaient contre le régime de Moussa Dadis Camara qui, cherchait
à poser des actes pour prouver son innocence mais ces actions auront des
effets négatifs qui conduiront à une tentative d'assassinat
contre sa personne.
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Il est proposé dans l'encadré suivant, quelques
opinions de certains enquêtés : Encadré
5: Extraits d'entretiens
`'C'est regrettable que tous ces gens soient morts ce jour
là hors qu'ils pouvaient êtres utiles à la nation. Moi
j'accuse les opposants d'être responsables de ces tueries parce que cette
date est sacrée pour la Guinée. Même si le régime
est mauvais, on ne doit pas manifester ce jour du 28 septembre».
`'De toutes les façons, j'ai condamné les
violences du 28 septembre 2009 parce que ça ne donne pas une bonne image
du pays. J'incrimine les partis politiques qui s'étaient
entêtés à aller au stade pendant que cela était
proscrit par le gouvernement. La marche n'était pas aussi pacifique en
ce sens que les marcheurs avaient saccagés des postes de police pour se
servir des armes»
`'C'est un évènement inoubliable dans
l'histoire de la Guinée et qui a contribué une fois de plus
à la déchirure de l'unité nationale puisque je peux dire
que les 90 % de ceux qui ont perdu la vie, qui ont été
violés et arrêtés appartiennent à l'ethnie peul. Les
seuls responsables de cet évènement, c'est le Capitaine et ses
troupes parce qu'il est le chef de l'exécutif et détenteur du
pouvoir absolu et en plus il commande l'armée»
`'C'est un montage de la France, et de ses complices pour
réduire le capitaine Dadis qui montait en popularité.Je regrette
les morts survenus mais cela était planifier en avance. Les responsables
sont les opposants, certains proches du capitaine Dadis dont son bras droit et
la mafia française à travers ses complices»
Source :Enquêtes de terrain 2011
5.3.2. De la tentative d'assassinat du Capitaine
Moussa Dadis Camara aux accords de Ouagadougou
Une commission onusienne d'enquête est envoyée
à Conakry pour établir la vérité sur les massacres
du 28 septembre 2009. Le chef de la junte, le ministre de la défense
nationale et d'autres cadres de l'armée se sont fait entendre par cette
commission. Arrive le tour de l'aide de camp du chef de la junte qui, sachant
qu'il est désigné par ses amis comme l'auteur de la
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tuerie du 28 septembre, claque la porte pendant son audition
et refuse désormais de se faire entendre. Suite à des malentendus
avec son chef qui l'obligeait à répondre aux questions des
enquêteurs de l'ONU, il sort son arme et tire sur celui-ci. Blessé
par balle, Dadis Camara est évacué vers un hôpital
militaire de Rabat, au Maroc où il a reçu des soins intensifs
avant d'être embarqué à bord d'un avion à
destination de Ouagadougou. Des proches civils et militaires de l'aide de camp
sont arrêtés et torturés par certains membres de la junte.
Des règlements de compte se poursuivirent dans la capitale
guinéenne entre les militaires proches du chef de la junte et ceux de
l'aide de camp créant ainsi une panique au sein de la population
guinéenne. (SECK, 2009 ; En ligne). Mais un accord de sortie de crise
sera signé à Ouagadougou le 15 janvier 2010, prévoyant le
maintien en « convalescence » du chef de la junte et l'organisation
des élections présidentielles dans un délai de six mois.
(AFP, 2010 ; En ligne)
Il ressort des recherches de terrain que le maintien du chef
de la junte en exil a crée un mécontentement au sein de la
population forestière qui exigeait son retour en Guinée. Ces
mécontentements se sont fait ressentir dans l'armée nationale
où des règlements de comptes s'étaient
opérés entre ses partisans et ceux du nouveau président de
la transition. Les populations forestières exigent aussi que justice
soit faite sur la tentative d'assassinat contre Dadis Camara afin de prouver
à la face du peuple de Guinée les complices de l'aide de camp.
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