Collectes de fonds humanitaires (fundraising) : comment élaborer une stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux profils de donateurs particuliers.par Guillaume Dubus Université Jean Moulin Lyon 3 - IAE Lyon - Master 2 Management et Communication 2019 |
2.5 MobiliserAu-delà des aspects financiers, la communication humanitaire permet de mobiliser en interne comme en externe. Pour bien comprendre, il faut se pencher sur le fonctionnement structurel des organisations humanitaires qui s'appuient sur différents réseaux: les sympathisants, les adhérents, les bénévoles, les volontaires et les salariés. Autant de ressources humaines engagées, à qui il faut savoir parler pour cultiver leur dévouement. Comme pour n'importe quelle entreprise privée, la communication interne joue un rôle significatif pour motiver le personnel et toute personne oeuvrant pour la cause de l'association. Les formes sont multiples et doivent être adaptées à chaque cible : l'organisation d'évènements, de journées portes ouvertes, l'abonnement aux revues de l'association, l'invitation à des réunions, la participation à des votes liés à l'organisation, l'offre de goodies... 45 « Médecins Sans Frontières », (consulté le 8 avril 2019), https://www.msf.fr/decouvrir-msf/qui-sommes-nous 46 « Rapport d'activités 2017 - Première Urgence International », p.32, (consulté le 8 avril 2019), https://www.premiere-urgence.org/wp-content/uploads/2018/09/RA2017_web_BD.pdf 47 « Rapport d'activités 2017 - Première Urgence International », p.32 27 PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire 2.6 Les limites à appréhenderDans ces types de messages distincts, faisant appel à différents niveaux d'implication, la manière dont sont transmises les données varie suivant le canal choisi et la représentation que chacun s'en fait. Par exemple, l'information n'est pas traitée de la même manière si elle transmise dans un email, par la télévision, dans un article ou encore sur un réseau social. Le choix du canal de transmission est capital pour toucher sa cible, cependant Francis Tilman relativise car, bien que les formes de communication varient, l'intention du spécialiste reste la « préoccupation de livrer une information accessible et compréhensible48 ». Dans son ouvrage La souffrance à distance, le sociologue Luc Boltanski théorise sur la manière dont sont reçus les messages et propose trois formes de représentation de la souffrance qu'il appelle des « topiques ». Ces modes d'engagements moraux du spectateur sont résumés dans un article de Dominique Cardon qui identifie : « l'indignation (dans laquelle le spectateur ne s'attarde ni sur le sort de la victime ni sur ses propres émotions, afin d'organiser, à partir de preuves et d'un principe de justice universalisable, le procès du persécuteur), le sentiment (dans laquelle le spectateur sympathise avec le bienfaiteur en retenant le malheureux dans son propre coeur) et le sublime (dans laquelle un spectateur émancipé des impératifs moraux et politiques sympathise avec le peintre qui lui présente la situation du malheureux dans toute son horreur)49. » Cet éclairage permet de comprendre les différentes réactions qu'un propos peut susciter chez le receveur et donne des pistes de réflexion à prendre en compte lors de la rédaction d'un message. Mais alors jusqu'où peut-on aller? Les questions éthiques tiennent une place importante dans la communication humanitaire, nous y reviendrons plus tard. Il est nécessaire de se questionner sur les limites des messages car malgré la volonté d'impliquer toujours plus, le but visé peut s'inverser. Si l'exposition est trop forte, la sollicitation trop directe, le message ou les images trop choquantes, la cible pourrait rejeter le problème, faire abstraction ou simplement ne plus se sentir concernée. Un dosage maîtrisé de sollicitation, une variété dans les messages et une segmentation fine des destinataires sont parmi les facteurs clés d'une communication qui répond à l'objectif. 48 Tilman, « Le Grain asbl » 49 Dominique Cardon, « La souffrance à distance (Luc Boltanski) », Réseaux. Communication - Technologie - Société 12, no 65 (1994): p.123-26, (consulté le 10 mai 2019), https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1994_num_12_65_2515 28 PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire Pour conclure, nous pouvons souligner que ces différents genres constituent le coeur de la communication humanitaire. Bien qu'ayant une finalité et des publics divers, celle-ci a plusieurs vocations regroupées en deux grands thèmes : celle d'informer de manière plus ou moins engagée et plus ou moins engageante, et celle de générer des dons. Elle s'appuie à la fois sur des rhétoriques liées à l'émotion et à l'indignation, mais utilise aussi la sensibilisation sur une cause pour susciter l'engagement. Pour toucher leur cible, les communicants utilisent différentes formes comme le témoignage terrain et jouent sur l'objectivité du discours pour le rendre crédible, en utilisant des faits établis, des lois irréfutables ou des statistiques officielles. Les agences internationales de l'ONU ou les organisations internationales comme l'OCDE font alors office de sources fiables et procurent, à travers des rapports pointus, de la matière première aux ONG. Ces dernières y puisent leurs arguments pour créer des messages dont le style s'apparente plus à du journalisme qu'à de la communication institutionnelle ou corporate classique. En variant les formes de communication, elles montrent qu'elles sont actives sur différents « fronts » et réussissent à toucher une audience plus large, chacun étant sensible à un type de message particulier. La variété permet enfin de s'adresser plus fréquemment à une cible en évitant la lassitude d'un message répétitif d'une communication à l'autre. 29 |
|