Conflits enAafrique centrale: le cas de la RCA de 1960 à 2013. Dynamique récurrente d'une trappe de conflictualité( Télécharger le fichier original )par Yannick Stéphane NGBWA ESSO Université de Yaoundé II - Master-Recherce en Science Politique, option: Relations Internationales 2014 |
SECTION 2: LES SUPPORTS LOGISTIQUESLa communauté internationale a toujours essayé de trouver des solutions chaque fois qu'il y'a eu des crises en RCA. Ces solutions passent soit par la signature des accords de paix, soit par des interventions militaires (PARAGRAPHE 1)entérinées par des processus électoraux au bilan très mitigé (PARAGRAPHE 2). PARAGRAPHE 1 : LA SIGNATURE DES ACCORDS DE PAIX ET LES INTERVENTIONS MILITAIRES EN RCALes accords de paix sont l'une des voies les plus empruntées par la communauté internationale pour remédier aux conflits en RCA. Ainsi, plusieurs sont signés entre les belligérants (A). Ces accords sont généralement suivis d'OMP (B). A. REGARD SUR LES ACCORDS DE PAIX EN RCA Les accords de paix sont un ensemble de dispositions juridiques issues des négociations politiques entre les parties en conflit ayant pour but d'établir un compromis entre elles et de régir la transition. Ils définissent les règles de bonne conduite et principe de comportement pour préserver et renforcer la paix. Les négociations de paix ont proliféré autant de fois que les conflits ont éclaté. Aucun de ces accords n'est respecté. En 1996, la RCA a été le théâtre d'une crise politico-militaire se traduisant par trois mutineries des soldats des forces régulières.Elles résultent du mécontentement suscité par les problèmes socio-économiques et exacerbés par la non perception des soldes de 30 mois. Préoccupée par la dégradation de cette situation, la 19è réunion des Chefs d'Etat et de Gouvernement de France et d'Afriquetenue en décembre 1996 demande aux Présidents gabonais, tchadien, malien et burkinabé de se rendre à Bangui pour négocier une trêve entre les forces loyales et les mutins. Le 25 janvier 1997, les accords de Bangui sont signés par les parties concernées. Un comité international composé des représentants des quatre pays est instauré pour s'assurer du respect des termes des accords. Après cette crise, une situation de calme va plus ou moins régner jusqu'en 2000. Les trois années suivantes sont marquées par des tensions. Dès 2004, la rébellion de l'UFDR de Michel DJOTODIA aidée pour la circonstance par d'autres groupes notamment le GAPLC, le MLCJ et le FDC contestent les nouvelles autorités de Bangui.Elle tente de s'emparer dupouvoir. La France intervient une fois de plus pour stopper la rébellion. Des accords de paix sont signés le 2 février 2007 à Syrte entre le gouvernement, le FDPC et l'UFDR sous la médiation de la Libye et du Tchad. Ils faisaient suite au retournement de la Séléka qui avait aidé François BOZIZE dans sa prise de pouvoir en 2003. Les anciens alliés se plaignaient de leur exclusion dans la gestion des affaires de l'Etat. Ces accords prévoyaient l'arrêt des hostilités, le cantonnement et le désarmement, l'amnistie et la libération des prisonniers politiques, la participation des parties signataires à la gestion des affaires publiques, etc. Mais, le manque de volonté politique et l'impatience des groupes dissidents conduisent encore le pays dans un cycle de violence.Un autre accord de paix est signé avec le gouvernement le 13 avril 2007 à Birao. Ce dernier prévoit une amnistie pour l'UFDR, sa reconnaissance en tant que parti politique et l'intégration de ses combattants dans l'armée. Des négociations supplémentaires se poursuivent et aboutissent à un accord en 2008 en faveur d'une réconciliation nationale. Le 21 juin 2008, des accords de paix globaux sont signés sous le contrôle du Gabon. Leurs signataires sont le gouvernement centrafricain, l'APRD et l'UFDR. Ils reprennent les dispositions des précédents accords. Comme pour les précédents, ces dispositions ne sont pas respectées. Les fraudes électorales de janvier 2011 entrainent le soulèvement de la Séléka. Elle lance de nouvelles hostilités dès 2012. En décembre 2012, un nouveau conflit éclate entre le gouvernement et les opposants regroupés au sein de la Séléka. Ces derniers reprochent au Président François BOZIZE de ne pas respecter les précédents accords de 2007. Des combats s'en suiventnaturellement. Le vendredi 13 janvier 2013, le gouvernement annonce officiellement la signature d'un accord entre les forces gouvernementales et les rebelles. Cet accord prévoit le maintien au pouvoir de François BOZIZE jusqu'en 2016, la place irrévocable de Premier Ministre cédée à l'opposition, l'attribution du portefeuille de la défense, la dissolution de l'Assemblée Nationale et le retrait des forces militaires étrangères excepté la FOMAC. Très contraignants pour le gouvernement, ces accords ne sont pas respectés par le camp du Président. Ce qui conduit à la reprise des armes par la Sélékaet la prise de Bangui le 24 mars 2013. Les accords de paixen RCA s'avèrentinefficaces. Leur inefficacité réside dans le fait que les dispositions desdits accords sont imposées par des acteurs étrangers. Du coup, elles sont très contraignantes aux parties en conflit. C'est presque naturellement qu'elles ne sont pas respectées. Même les OMPqui s'en suivent n'y changent rien. B. DU MAINTIEN A L'IMPOSITION DE LA PAIX : L'USAGE DE LA FORCE L'intervention militaire est définie par Mark AMSTUTZ comme « l'usage de la force armée destinée à imposer la volonté de celui qui intervient contre un adversaire refusant de se soumettre »182(*). Elle est un comportement coercitif qui « engage le déploiement d'une force militaire et vise des opérations armées qui comportent un risque de violence »183(*). Les interventions au fil des crises en RCA vont s'avérer monnaie courante. D'abord, la Mission Interafricaine pour la Surveillance des Accords de Bangui (MISAB) autorisée par la résolution 1125 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Suite aux mutineries de 1996 et au lendemain de la signature des accords de Bangui, le Gabon, le Tchad, le Mali et le Burkina Faso créent à compter du 31 janvier 1997 une force interafricaine en RCA. Il s'agit de la MISAB dont la mission est de rétablir la paix et la sécurité en Centrafrique par des opérations de désarmement des anciens mutins, des milices et de tous les autres individus illégalement porteurs d'armes. Cette mission s'étend sur un an, de février 1997 à avril 1998. Le retrait par la France de ses effectifs en mi-avril prive la MISAB d'un soutien logistique fondamental. Elle est désormais incapable d'assurer sa mission. Il paraissait donc nécessaire de déployer une autre force pour maintenir la stabilité en RCAsous l'égide de l'ONU. C'est dans ce contexte que la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine (MINURCA) est créée en avril 1998. Forte de 1200 hommes, sa mission est de maintenir et de renforcer la stabilité et la sécurité ainsi que la liberté de mouvement dans le pays, protéger les installations clés de Bangui, assurer la sécurité du personnel de l'ONU et des biens de l'Organisation; aider à élaborer le code électoral et l'organisation des élections législatives prévues en aout/septembre 1998, etc. Elle prend fin en 2000 avec son remplacement par une autre mission. Après la MINURCA, c'est autour du Bureau des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix en République Centrafricaine (BONUCA) d'être lancé par les Nations Unies en 2000 (jusqu'en 2009). Sa mission, consolider la relative accalmie que le pays venait de retrouver au lendemain de l'élection qui avait permis de maintenir Ange-Félix PATASSE au pouvoir en 1999. Cette paix de courte durée prend fin en 2001 avec la tentative de coup d'Etat du Général KOLINGBA. C'est dans ce contexte qu'en janvier 2002, l'UA autorise le déploiement de la Force de maintien de la paix et de la sécurité de la CEN-SAD en RCA. Sa mission s'achève en décembre de la même année. Elle est remplacée par la FOMUC. A la suite d'une tentative de coup d'Etat orchestré le 25 octobre 2002 par le Général BOZIZE, la CEMAC met en place dès décembre 2002 (à l'issue du sommet du 2 octobre 2002) la Force Multinationale en Centrafrique (FOMUC). Forte de 350 hommes issus des pays de la sous-région, son mandat initial est d'assurer la sécurité du Président Ange-Félix PATASSE et de surveiller le travail des patrouilles mixtes le long de la frontière avec le Tchad. Cependant, avec la prise du pouvoir de François BOZIZE en 2003, la FOMUC voit son mandat prolongé jusqu'en juillet 2008 et adapté à la nouvelle situation. En 2007, la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine (MINURCAT) est autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Son unique mission consiste à réunir les conditions de sécurité sine qua non pour un retour des réfugiés qui s'étaient dispersés en RCA, au Tchad et au Soudan du fait des conflits ; et leur réinsertion. Cette mission prend fin en 2010. Au cours de la même2007, l'EUFOR Tchad-RCA est autorisée par la résolution 1778 du Conseil de Sécurité. Il s'agit pour elled'assurer la sécurité au Nord-est de la RCA où pullulent les bandes armées. Cette mission de l'Union Européenne (UE) prend fin en 2009. En juin 2008, alors que sévit la deuxième guerre civile en RCA, le Comité de Sécurité de la CEEAC se réunit à Libreville pour procéder à la création d'un instrument d'imposition de la paix et de la sécurité: la Mission de Consolidation de la Paix en Centrafricaine (MICOPAX). Elle est riche de 2694 hommes venant des pays de la CEMAC.La mission à elle assignée est d'assurer la sécurité de la population pour permettre le développement de la RCA et de la région d'Afrique Centrale, de promouvoir le respect des droits de l'homme, coordonner l'aide humanitaire et lutter contre le VIH/Sida, etc. Elle fonctionne jusqu'à son remplacement en 2013. En 2011, le CPS autorise l'ICR/LRA en vue de lutter contre la LRA ougandaise de Joseph KONY et les exactions qu'elle commet régulièrement en RCA. Cette mission est toujours d'actualité. La MISCA sous la conduite africaine viendra remplacer la MICOPAX suite à la montée de la violence en RCA depuis le coup d'Etat de 2013. Sous la demande de la France, elle est autorisée le 5 décembre 2013 par le Conseil de Sécurité de l'ONU dans sa résolution 2127. Son déploiement est effectif sur le terrain à partir du 19 décembre 2013 sous la houlette de l'UA et de la France. Elle prend fin après seulement un an d'activités, en septembre 2014. La multiplication des OMP en RCA est une preuve à peine voilée de leur inefficacité. On parle de 10 OMP entre 1997 et 2013. On n'observe pas un traitement égal de toutes les parties tout le temps qui peut mener à une politique d'apaisement »184(*). Pour intervenir, il leur faut l'aval du gouvernement. Dès lors, les OMP peinent à intervenir quand les forces gouvernementales sont impliquées. Ce qui entraine la passivité et renforce les hostilités des autres. D'où des résultats mitigés. Ces opérations sont suivies d'efforts de l'ONU dans le domaine de la démocratisation. * 182 Mark AMSTUTZ, cité par Yves Alexandre CHOUALA, « Puissance, résolution des conflits et sécurité collective à l'ère de l'Union Africaine, Théorie et pratique », Bordeaux, CEAN, 2006, p. 292. * 183 DavidCHARLES-PHILIPPE, La Guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, pp. 157-158. * 184 Rapport Brahimi, op. cit., p. 25. |
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