6. L'abri en pierre sèche construit en
encorbellement
Figure 19: (cliché FPA)
Parmi les éléments architecturaux remarquables
du site se trouve un abri construit en encorbellement. Nous ne disposons que de
très peu d'informations à son sujet et concernant son
utilisation. Selon divers témoignages d'habitants, il aurait servi
à stocker, durant l'hiver, les pommes de terre qui étaient
cultivées sur les terrasses. Il a
50
également pu servir d'abri à outils. Un autre
usage, plus contextuel, a été mentionné par M. Roux qui se
souvient que, lorsqu'il était enfant, l'« orry »28
leur servait de fortin pour jouer à la guerre.
7. Les terrasses monumentales
Elles ont une physionomie "hors-norme" et forment un ensemble
qui se distingue des
autres terrasses du site: les murs sont massifs, très
rectilignes et des murets dépassent du niveau de la terrasse. Elles sont
peu larges (l'espace cultivable est réduit) et ne suivent pas les
courbes de niveau, il y a une inclinaison très nette. Elles constituent
un ensemble particulier de terrasses dites « terrasses monumentales »
dont le contexte de construction reste inconnu à ce jour ainsi que le
type de cultures auquel ces terrasses étaient destinées.
Figure 20: (cliché E.L)
Au moment de
l'établissement du cadastre, vers 1847, la parcelle
où elles se trouvent appartient à « Joseph Canel, horloger
demeurant à Foix », également propriétaire d'autres
parcelles et d'une grande maison rue Labistour (18 portes et fenêtres) et
une autre plus petite rue de Lazema (4 portes et
28 Le terme « orry » est
fréquemment utilisé par tout un chacun pour parler de cet abri,
néanmoins, il n'est pas correct, car un « orry »
désigne une construction destinée à un usage pastoral en
zone d'estive, ce qui n'est pas le cas ici.
51
fenêtres). Il est propriétaire des parcelles aux
Bentenaous jusqu'en 1862, de la grande maison jusqu'en 1863, de la petite
jusqu'en 1871. Entre 1861 et 1868 il acquiert d'autres bien dont des parcelles
en vigne dans la « côte de Montgauzi » et à «
Lespinet ».
Ensuite, successivement les propriétaires des parcelles
« terrasses monumentales » sont : « Astre Antoine,
employé du télégraphe à Foix en 1882 », «
Jean Cazals cultivateur à Jean Germa » de 1882 à 1906,
« Couzy Jean-Baptiste cultivateur à Flassa en 1906, Eugène
Gélis marchand de vin en 1919, « Soula Catherine, Augusta,
célibataire au Pech » en 1928 (les filles de Pierre Soula
cité précédemment).
Une des hypothèses que l'on peut faire est une
construction pour planter de la vigne. Tout d'abord, selon JP
Métailié29, les terrasses hautes ne sont pas pour les
céréales mais plutôt pour des fruitiers ou de la vigne qui
sont alors disposés sur deux rangs. Actuellement, on constate qu'il y a
quelques vignes ensauvagées sur ces terrasses. Le but pouvait être
de favoriser un murissement plus rapide du raisin et un taux d'alcool plus
élevé grâce à la chaleur dégagée par
la pierre le jour et la restitution de chaleur la nuit. Une technique de
culture de la vigne dont une variante existe à Saint-Paul de Jarrat: il
s'agit de gros rochers, résidus d'un ancien glacier, ou d'amoncellements
de pierres sur lesquels on fait pousser de la vigne pour une optimisation des
effets de l'ensoleillement.
Plusieurs hypothèses ont été
proposées pour expliquer leur inclinaison par rapport aux courbes de
niveaux lors de la visite partagée30 organisée par le
bureau d'étude l'Humain Volontaire et la Fédération
Pastorale de l'Ariège :
-l'adaptation à la forme de la roche mère
(hypothèse formulée par Vincent Baudon, artisan-murailler)
-une orientation au sud, pour une meilleure exposition au
soleil
-Une optimisation de l'irrigation et de l'écoulement
des eaux
L'hypothèse d'une construction en vue de cultiver de la
vigne semble plausible mais le cadastre napoléonien est en contradiction
avec cette théorie puisque ces parcelles sont mentionnées comme
« pâture » et pour certaines parties comme « labourable
». Mais la construction de cet ensemble pourrait être
postérieure à cette date et la dénomination de la parcelle
n'aurait pas été modifiée. L'hypothèse serait alors
une construction sur plan à l'initiative de Joseph Canel entre 1847 et
1862 (date à laquelle le groupe de parcelles est
29 Géographe du laboratoire GEODE de
l'université de Toulouse le-Mirail.
30 Cette visite partagée a eu lieu le 14
mars 2011. Il s'agissait d'une sortie sur le terrain avec les personnes du
« groupe-projet ».
52
vendu). Avec pour but une optimisation technique de la culture
en terrasses selon un modèle de rationalisation scientifique, à
une époque où les sciences agronomiques sont en plein essor.
Justement, à cette époque, en Ariège
existait la « ferme-école »31 de Royat où
l'apprentissage de techniques modernes pour la viticulture avait une grande
place (CASTERAN, 1992). Le propriétaire du domaine de Royat est Emile
Lefèvre32. L'un de ses objectifs principaux est de montrer
que la culture de la vigne peut, en Ariège, connaître des
améliorations de qualité (à l'époque de Philippe Le
Bel, les vins ariègeois, de qualité, étaient servis
à la cour du Roi, mais au fil des siècles, le savoir-faire s'est
perdu). Il est persuadé qu'avec la production de vins d'une
qualité tout à fait convenable, la rentabilité à
l'hectare, sera supérieure à toute autre culture et permettra
d'enrayer l'exode des jeunes ruraux vers les bons salaires des vignes
languedociennes ou sur les chantiers de chemin de fer.
Emile Lefèvre est convaincu que l'on pourrait ainsi
modifier les conditions économiques de la région. Les bons
résultats du vignoble de la ferme école en sont selon lui la
preuve indiscutable (en 1878 un bénéfice de 20 000 F est
réalisé). Or pour une réelle amélioration, il faut
un investissement conséquent ce qui attire de nombreuses critiques
à la ferme-école. Elle est parfois accusée de se livrer
à des cultures de luxe, qui conduisent à des échecs
couteux ceux qui les essayent. (CASTERAN, 1992). L'hypothèse peut
être faite que les terrasses monumentales du Pech de Foix ont
été réalisées dans ce contexte, en appliquant des
conseils techniques issus des préconisations de la ferme-école.
Seules des recherches plus poussées en archives permettrait de confirmer
ou infirmer une telle hypothèse.
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