2. Evolution des rapports: d'un espace essentiellement
agricole à un espace de loisirs
Les qualités des parcelles sur le cadastre
témoignent des usages de ces espaces au 19ème siècle. On y
retrouve les mentions : « pâturage », « bois »,
« labourable » (donc des cultures), « vigne », «
hautins »26 et d'autres témoignant de l'absence
d'exploitation : « broussailles », « rochers ». Mais il n'y
a pas plus d'information concernant le type de culture pour les parcelles
dîtes « labourables ». Les parcelles qui jouxtent les
habitations en bord de route au bas du Pech sont le plus souvent
mentionnées « jardins », « vigne » ou « hautins
».
La présence de vigne n'est pas étonnante car, en
Ariège, la vigne poussait autrefois sur tous les coteaux calcaires
jusqu'à des altitudes assez élevées comme à Lordat
en haute-Ariège. Aujourd'hui, on trouve encore sur les terrasses de
Bentenaus des vignes aujourd'hui ensauvagées. M. Blazy, dernier vigneron
de la ville de Foix, a pu donner quelques indications grâce à
l'examen de sarments prélevés sur les terrasses. Selon lui, ce
sont des anciens cépages français. Les greffons étant
morts car pas entretenus, il ne reste que les porte-greffes qui ne sont pas
sensibles aux maladies. Ces restes de vignes ne sont pas issus de marcottages
ou de bouturages, ils sont « issus du pépin ».
C'est-à-dire qu'ils ont été semés. Ce type de pied
de vigne est plus adapté à un sol comme celui du Pech, où
l'eau n'est pas abondante, car les
26 Vignes aux branches très
hautes et supportées par des arbres ou des échalas
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racines de vigne « issus du pépins »
descendent plus en profondeur et peuvent ainsi aller chercher l'eau
nécessaire.
Certaines personnes se souviennent du magnifique jardin d'un
gendarme qui s'appelait M. Rouzaud au début du chemin des asperges, dans
les années 1960.
Ces qualificatifs évoluent à partir des
années 1910. On constate des modifications qui traduisent le
début de l'abandon de ces terroirs. De même pour l'abandon des
habitations qui commencent à être mentionnées « en
ruines » ou « démolies ». Par exemple : la parcelle 204 :
en « vigne » devient « pâture » dans les
années 1920. D'autres parcelles mentionnées « Vigne »
et « hautin » deviennent pâture vers 1914. L'utilisation pour
la pâture des animaux semble de plus en plus se généraliser
et, actuellement, les parcelles des Bentenaous sont généralement
mentionnées « lande » traduisant ainsi l'abandon progressif de
ces espaces. Divers évènements ont contribué à ces
changements : crise du phylloxéra, guerre mondiale de 1914-1918,
modernisation de l'agriculture, etc.
Ces remarques concernent plus spécifiquement le site
des Bentenaus, car le haut du Pech où se trouvent des espaces plus plats
et de grandes fermes était en culture jusqu'à une période
plus récente. Des personnes interviewées se souviennent de
cultures de céréales, notamment du blé, et de la vie
sociale liée à ces pratiques agricoles : la moisson du
blé, le moment du « dépiquage », les vendanges, la
fête du cochon. C'était des moments où les voisins, les
amis se retrouvaient : « Les gens allaient de fermes en fermes, pour
travailler ensemble, mais il n'y avait pas de question d'argent ». Les
paysans du Pech accrochaient un tissu blanc dans la végétation
pour que ceux du Saint Sauveur soit avertis quand c'était le moment de
dépiquer le blé. On se souvient aussi qu'ils descendaient
à Foix les jours de marché. Les personnes ont le souvenir de
plusieurs familles de paysans en activité dans les fermes du haut du
Pech au cours des années 1950, 1960, 1970. Actuellement l'une de ces
fermes est encore utilisée pour de l'élevage ovin.
Pour les Bentenaus, ceux dont on se souvient encore
aujourd'hui, vivant là, n'avait pas vraiment d'activité agricole.
M.Roux se souvient d'un homme qui vivait sous la première terrasse et
qui cultivait les terrasses en potager dans les années 1935/40.
Si autrefois le Pech était majoritairement une zone
d'habitat permanent, de production (principalement vivrière) et
secondairement de loisirs (pour la chasse notamment), peu à peu la
tendance s'est inversée. Il s'agit désormais principalement d'un
espace de loisir (randonnée, balade, cueillettes, chasse,
spéléologie, etc.). C'est cet usage et cette
représentation des lieux qui prédomine. La dimension «
espace naturel », voire de « nature sauvage » a pris le dessus
bien que le paysage et les terrasses qui le structurent soient
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le résultat d'une anthropisation ancienne du milieu.
L'activité agricole et l'habitat sont désormais très
limités sur le Pech.
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