II. LE CHÔMAGE,
SITUATION DE FRAGILITE ECONOMIQUE ET SOCIALE
A. Analyse du thème à
travers le film « Moi, Daniel Blake »
1. L'état providence en Grande
Bretagne
C'est suite au rapport Beveridge que l'Angleterre instaure le
Welfare State an 1945, afin d'assurer le bien-être des citoyens. Sont
alors créés l'assurance chômage, les allocations
familiales, l'assurance retraite, les congés maladies et le National
Health Service.
A partir de 1960, l'état providence commence à
être vivement critiqué.
Il est inefficace trop coûteux pour l'état au vu
des résultats et de l'indigence grandissante de la population. Le taux
de chômage explose, l'inflation galope et les grèves se
multiplient.
Ce système de redistributions est destiné aux
personnes « méritantes » selon les critères
des politiciens, il prive la population de son libre arbitre et crée une
classe dépendante de l'état, encourageant
l'irresponsabilité.
L'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979
modifie le système vers une responsabilisation de l'individu. Elle
décide le retrait de l'état et fait campagne contre l'assistanat
du système d'allocations. Elle entreprend une grande vague de
privatisations, baisse les impôts. La Grande Bretagne connait alors la
plus grande période de prospérité de son histoire.
L'inflation passe de 16.3%en 1980 à 5.3% en 1990. Le chômage passe
de 11.6% en 1986 à 6.9% en 1990.
2. Le chômage : comparaison entre le
système anglais et français
En novembre 2015, le taux de chômage en Angleterre est
de 5.1%
(source:https://www.lesechos.fr/20/01/2016/lesechos.fr/021635662769_royaume-uni---le-taux-de-chomage-est-retombé-a-son-plus-bas-niveau-depuis-dix-ans.htm).
En comparaison avec le taux de chômage en France, 2 fois plus
élevé. Il oscille autour 10,2%. (Source: statistiques INSEE du
3eme trimestre 2015).
En Grande Bretagne les allocations de chômage sont
calculées en fonction des revenus du foyer. Une personne en couple
touchera moins d'allocations que si elle est célibataire. En France, les
indemnités de chômage ne sont attachées qu'aux cotisations
de la personne sans tenir compte de sa situation familiale.
Le système de contrôle des demandeurs d'emploi
est géré par les job-centers en Grande Bretagne, et la
caractéristique la plus marquante à travers le film est le
contrôle social drastique voire même ubuesque des chômeurs et
de l'administration anglaise en général.
42:13
La conseillère du job-center à Daniel lors de
son inscription : "On vous demande de vous engager à passer 35h par
semaine à chercher du travail, cela peut être par les petites
annonces, les agences et aussi en ligne...vous devez prouver que vous cherchez
du travail."
1:06
La conseillère lors du pointage de Daniel : "Mais
c'est loin d'être suffisant Mr Blake, et je sais comment que vous avez
vraiment été en contact avec tous ces employeurs?"
Daniel :"J'ai donné mes CV en mains
propres."
La conseillère : "Bien, prouvez-le !"
Daniel :"Comment?"
La conseillère : " Avec un reçu ou une photo
prise avec votre mobile....ça ne suffit pas Mr Blake, j'ai peur de
devoir vous signaler à la personne décisionnaire pour
décider de l'opportunité d'une sanction à votre sujet.
Durant 4 semaines, vos versements seront gelés, vous pourrez demander
une allocation compensatrice...Si vous êtes sanctionné, vous devez
continuer à venir pour le pointage. Si vous y renoncez, vous pouvez
à nouveau être sanctionné et cette fois vous prendrez 13
semaines sans toucher d'allocations...En réalité, vous pouvez
être privé de tout versement pendant 3 années."
Ce système, qui parait inextricable, fonctionne
à coup de sanctions infligées par une hiérarchie
incompréhensible. C'est aussi le fonctionnement des pensions
d'invalidité : Daniel est notifié par écrit qu'il ne peut
prétendre à cette pension et lorsqu'il réussit à
joindre miraculeusement quelqu'un au téléphone après 1h48
d'attente, il apprend qu'il ne peut faire appel de cette décision que
lorsqu'il aura été informé par téléphone du
rejet de sa pension par le décisionnaire. (07:30)
Une autre différence apparait entre les
systèmes anglais et français. Dans les deux pays, l'inscription
se fait via internet. Cependant, en France, les demandeurs d'emploi sont
assistés dans cette démarche. En Angleterre, force est de
constater que les personnes doivent être autonomes immédiatement.
Ellessont livrées à eux même pour faire preuve de leur
motivation. Lorsque Daniel demande de l'aide à une conseillère du
Job center, celle-ci se fait immédiatement rappelée à
l'ordre par sa supérieure. (30:00)
Alors que nous pouvons être marqués par
l'absurdité de ce système, les conseillers du Job center ont
l'air d'assumer leur rôle comme s'il était naturel.
09:00
Un responsable du job-center à Daniel : "Vous avez
l'allocation demandeur d'emploi réservée à ceux qui
peuvent et veulent travailler...vous devez postuler en ligne monsieur, il n'y a
pas d'autre moyen tout est dématérialisé par
défaut...il y a un numéro spécial si vous êtes
diagnostiqué dyslexique, vous trouverez le numéro sur internet,
maintenant je vais vous demander de vous en aller."
Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il faut faire preuve
d'une forte de dose de motivation pour ne serait-ce qu'effectuer son
inscription et que rien n'est prévu pour faciliter la tâche des
demandeurs d'emploi.
Ce système qui devrait aider et guider les demandeurs
d'emploi ne fait que punir, sanctionner et culpabiliser les gens en induisant
le fait qu'ils sont seuls responsables de leur précarité voire de
leur misère.
Pour comprendre à quel point le contrôle
drastique des chômeurs estancré dans la culture anglaise, il est
nécessaire de remonter au 19eme siècle.
C'est dans les années 1820 que la pauvreté
explose, sans doute dû au ralentissement de l'économie et aux
mauvaises récoltes qui ont ruiné les paysans. En 1834, la loi sur
les pauvres est amendée car la bourgeoisie ne veut plus payer pour eux.
L'état décide de créer des workhouses car l'assistanat
à domicile est jugé trop coûteux. Il décide d'y
enfermer tous les pauvres.
Les familles sont séparées, les personnes sont
obligées de travailler 18h par jour dans ces workhouses dans des
conditions très difficiles. En effet, ces conditions de travail doivent
être bien plus mauvaises que les conditions d'un emploi salarié.
La discipline y est très dure (châtiments corporels, cachot...)
Aujourd'hui le chômage important dans les pays
européens représente la première cause de pauvreté,
il est sans doute plus facile d'imputer le chômage à la seule
responsabilité des individus mais la réalité est qu'il y a
beaucoup plus de demandeurs d'emplois que d'offres de travail. C'est ce qui
engage la responsabilité collective, qu'elle soit politique ou
économique.
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