3. La pauvreté, la
précarité engendrent t'elles l'exclusion sociale ?
Ilfaut faire la distinction entre pauvreté et
précarité.
Une personne qui se trouve dans une situation précaire
n'est pas forcement en situation de pauvreté et inversement.
La précarité se définit comme un
état qui n'offre aucune garantie de durée, incertain. La
pauvreté est définie quand on ne dispose pas des ressources
matérielles suffisantes pour satisfaire ses besoins fondamentaux.
Dans le film, Katie est pauvre, Daniel a droit aux allocations
mais peut du jour au lendemain se retrouver sans ressources, il n'est pas
pauvre mais sa situation est précaire.
a) La situation de Daniel Blake
Le film démontre la dégradation de la situation
sociale de Daniel Blake, un véritable parcours du combattant qui
l'amène finalement à la plus grande précarité.
Avant d'être atteint par la maladie, il était
menuisier. Il avait un emploi stable et ne se trouvait pas du tout dans une
situation précaire.
Il est veuf et n'a pas de liens familiaux. Il entretenait des
liens sociaux, on le voit entre autres avec ses anciens collègues de
travail. On voit dans le film que la solidarité existe cependant elle se
limite au cadre privé. Aucun soutien n'existe dans le service public.
06:30
Un collègue à Daniel : "Je peux t'aider. Si
tu veux que je fasse des courses pour toi...ça me fait plaisir."
Daniel :"Merci Joe mais j'aime bien sortir de chez moi,
ça m'occupe."
54:50
Il rencontre un ex-collègue qui l'invite "à
boire un pot avec les collègues au pub".
Il est aussi soutenu pas ses deux jeunes voisins.
31:50
Il remplit sa demande d'allocation chômage sur internet
avec l'aide de China, son voisin.
Puis sa situation se dégrade, il ne peut pas
espérer trouver un emploi à court terme puisque son
médecin lui interdit le travail et cependant il est contraint de courir
les entreprises ou d'assister à un atelier de rédaction de cv.
44:29
L'animateur de l'atelier : "60 personnes candidates pour
un poste sans qualification c'est un fait et avec qualifications on reste
à 20, c'est un fait....Costa coffee a lancé 8 offres d'emploi,
à votre avis combien de CV ont-ils reçus, 1300 cv, c'est un
fait."
Dan :"Il n'y a pas assez de travail, c'est un
fait."
Daniel Blake fait partie des personnes qui sur le
marché du travail, ne peuvent pas prétendre à un emploi
stable, du fait de leur état de santé, de leur manque de
formation ou de leur âge.
Il rencontre Katie, mère de famille, dans un
job-center.
A partir de ce moment il va prendre cette petite famille sous
son aile. Lui qui demandait de l'aide aux autres va aider à son tour,
retrouvant ainsi une fonction dans la société. Il continue de
tisser des liens sociaux, il entretient sa passion qui est de sculpter le bois
et construire des meubles, jusqu'à ce que sa situation se
détériore.
56:00
Dan reçoit le dernier rappel de sa facture
d'électricité.
01:07:50
Dan vend ses meubles pour subvenir à ses besoins.
Il est illogiquement obligé de chercher un emploi
qu'il n'a pas le droit d'exercer étant malade. Son manque de
maîtrise des nouvelles technologies constituent un réel handicap
dans son parcours de demandeur d'emploi.
56:06
Dan reçoit l'appel d'un employeur auquel il avait
donné un CV.
L'employeur : "Vous avez l'expérience que je
recherche, je me demandais si vous pouviez passez demain pour un
entretien?"
Dan :"Je suis désolé mais le médecin
m'a dit qu'il est encore trop tôt pour reprendre."
Employeur :"En fait vous ne cherchez pas vraiment du
boulot...ça sert à quoi de déposer votre Cv si vous ne
cherchez pas de boulot?"
Dan :"C'est le seul moyen si je veux toucher mes
allocations."
Employeur :"Alors vous préférez toucher les
allocations plutôt que de bosser ! Je vous prenais pour quelqu'un
d'honnête, j'ai franchement perdu mon temps, allez-vous faire
foutre!"
Daniel perd l'estime de lui, il se sent inutile et sa vie n'a
aucun sens.
01:18:10
Daniel à la conseillère du Job-center :
"Tout ça c'est une vaste blague, vous êtes
assise là avec votre gentil badge en face d'un homme qui est malade, qui
cherche un travail qui n'existe pas et que de toutes façons il ne fera
pas. Je perds mon temps...tout ça est humiliant, ça me
détruit, ou alors c'est le but, faire disparaitre mon nom de vos
ordinateurs. Moi, j'en ai ras le bol, j'arrête les frais."
La conseillère : " Vous risquez de tout
perdre...j'en ai vu beaucoup d'autres, des gens vraiment bien, honnêtes,
motivés, ils ont fini à la rue."
On s'interroge à ce moment sur le bien-fondé du
système qui pousse les gens à l'extrême, qui ne fait que
les déprécier et les disqualifier socialement. Daniel se sent
humilié de devoir toujours se justifier, d'être accusé
d'être un tire-au-flanc alors qu'il se débat dans le marasme de
l'administration pour essayer de s'en sortir tout en faisant face à des
grosses difficultés financières. Sa survie dépend du
versement des allocations qui peuvent être facilement suspendues. Cette
situation l'amène à taguer le mur du job-center comme dans
l'intention de reprendre le contrôle de sa propre vie en tant
qu'être humain et réaffirmer son existence.
01:20:10
"Moi, Daniel Blake, j'exige une date d'appel avant de
crever de faim."
Les passants rient et applaudissent de loin sans toutefois
montrer un réel soutien.
Finalement, sa demande de pension d'invalidité passe
en appel et selon l'avocat qui défend son dossier, l'issue sera
forcément favorable à Dan au vu des certificats médicaux
qu'il détient.
01:27:00
Dan: «Si je perds cet appel, je me retrouve à
la rue."
L'avocat :"Vous allez gagner Dan...nous avons les rapports
à jour de votre généraliste, votre cardiologue..."
Dan: "Regardes les, ils ont ma vie entre leurs
mains."
Dans les minutes qui suivent, Dan décède d'une
crise cardiaque dans les toilettes de cette administration (01:31:00) Katie lit
lors de l'éloge funèbre la lettre que Dan avait prévu de
lire lors de son appel.
01:32:08
"Je ne suis ni un client, ni un consommateur, ni un usager
de vos services. Je ne suis pas un tire-au-flanc, un pique-assiette, un
mendiant ou un voleur. Je ne suis pas un numéro de
sécurité sociale ou un simple bug sur un écran...Je me
nomme Daniel Blake, je suis un humain, pas un chien. En tant que tel, je veux
qu'on respecte mes droits..."
Daniel Blake, qui était au départ un ouvrier
intégré socialement, s'est retrouvé isolé,
humilié, déprécié par sa situation de chômeur
et par une société déshumanisée, suspicieuse. Il
réclame d'être traité comme un humain et non pas comme un
chien, privé de ses droits. Son combat pour sa survie et la
reconnaissance s'est soldé par sa mort.
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