SECTION 1: L'APPORT DES INSTRUMENTS JURIDIQUES
INTERNATIONAUX
La mobilisation internationale autour de l'idée de
consensus s'est faite dès le lendemain de la seconde guerre mondiale, et
s'est accrue au constat de la persistance de la détérioration des
situations électorales. Perdant particulièrement de sa valeur au
fil des compétitions, l'élection en Afrique va prendre des
allures inquiétantes. Ainsi qu'on peut désormais le
déterminer, cette détérioration tire son origine profonde
de la contestation des règles électorales57. Par cette
référence, il devenait évident que « les
élections en Afrique, sont en elles-mêmes, sources de
difficultés de toutes sortes et surtout de conflits constatables par les
irrégularités nombreuses, (...)»58.
Longtemps illustrée comme un facteur de cohésion sociale,
l'élection sur le continent noire appris un tel tournant au point de
désenchanter plus d'un et s'est transformée en source principale
de conflit59.
Dans ce sillage, l'on remarquera sur la scène
internationale un changement de ton dans la modélisation du droit. Il se
distingue en effet des textes qui, à leur lecture, ont été
d'un apport décisif dans la promotion juridique du consensus
(Paragraphe2). Ces textes bien qu'ayant très souvent une forte
connotation régionale, reçoivent tout de même le soutient
indirecte des textes cadres des Nations unies (Paragraphe1).
PARAGRAPHE 1: LE CARACTÈRE EMBRYONNAIRE DU
CONSENSUS DANS LES TEXTES ONUSIENS
Au niveau des Nations unies, l'idée de consensus en
matière électorale n'est abordée que de manière
implicite.
Traiter de l'implicite dans le cadre de ce modeste exercice,
voilà qui à première vue apparaît déroutant.
Cette situation quelque peu insolite est dû au fait que le terme d'«
implicite » n'est pas d'essence juridique, bien que très
utilisé par la doctrine publiciste, pas plus que son champ
57 On se souvient de la non-participation des
partis principaux de l'opposition aux élections présidentielles
de 1997, de 2004 et de la menace de boycott de celle de 2011 par le SDF. Le
dénominateur commun de ces boycotts reposait sur le rejet des
règles du jeu.
58 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le
contentieux électoral en Afrique », op.cit., p.143.
59 Ibidem. Lire également JEAN DU BOIS DE
GAUDUSSON, « Les élections à l'épreuve de
l'Afrique », Cahiers du conseil constitutionnel, n°13, janvier
2003, p.2 ; et KASSABO (Léon Die), « Le contentieux de
l'élection présidentielle en Afrique ».
Le consensus en droit électoral camerounais
définitionnel ne fait l'unanimité60.
Cette difficulté n'est pas pour autant insurmontable. Ainsi, dans
l'optique de traiter la question de l'implicite, nous sommes-nous
référé aux éléments définitionnels du
Dictionnaire Larousse. À sa lecture, l'implicite renvoie
à ce qui est « contenu dans », ce « qui découle
»61.
Dans ses travaux de thèse, ANNE JENNEQUIN
établit en effet que « l'implicite désigne à la
fois, dans sa conception statique, ce qui se trouve dans
l'énoncé, ce qui relève du non-dit et, dans une conception
dynamique, ce qui résulte d'un raisonnement logique
»62. De ce postulat, elle déduit la méthode
dite de « l'implication nécessaire » qui, en ses termes, vise
à combler une lacune de fond résultant de ce que l'auteur n'a pas
exprimé en effet de droit qui est pourtant entraîné
inévitablement comme conséquence de l'acte ou de la norme. Il
s'agit en clair et en l'espèce de quelque chose d'inexprimé qui
découle logiquement soit d'un acte ou d'un comportement, soit d'une
norme.
De ce fait, l'analyse de la Charte de l'ONU du 26 juin 1945
(A) et du Pacte international de 1966 (B) permet-elle de retracer les germes
lointains du consensus.
A- La Charte des Nations Unies de 1945
La Charte des Nations Unies avait vu le jour le 26 juin 1945
dans un contexte d'après-guerre, laquelle fut d'ailleurs restée
dans la mémoire collective. Désormais conscient de la
fragilité du tissu social et des enjeux de la paix, les peuples, dans
l'espoir de prévenir de nouvelles escalades se sont résolus
à « préserver les générations futures du
fléau de la guerre (...) Et à créer les conditions
nécessaires au maintien de la justice (...)63.
L'affirmation de ces engagements à l'international par les États
seront-ils par conséquent soutenus par les peuples avec la mise en place
des conditions nécessaires à la stabilité et au
bien-être en vue de développer des relations pacifiques et
amicales entre les nations64.
Certes le Cameroun à la date de 1945 n'est qu'un
territoire sous tutelle au sens de l'article
60 JENNEQUIN (Anne), L'implicite en droit
administratif, Notes de résumé, Thèse,
Université Lille 2, 10 novembre 2007, p.1.
61 Dictionnaire Larousse, op.cit., p.702.
62 JENNEQUIN (Anne), op.cit., p.2.
63 Termes non exhaustifs du préambule de la
Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
64 Article 55 de la Charte des Nations Unies.
Le consensus en droit électoral camerounais
77 du chapitre XII65, compte tenu du régime
de mandat sous lequel il était administré à cette date. Et
de surcroît il ne s'agissait que des engagements pris au niveau
international. Néanmoins, la recherche d'une identité propre ne
l'a pas empêché de participer à sa manière à
la construction de la communauté internationale naissance. D'ailleurs
les fins essentielles du régime de tutelle indiquées à
l'article 76 de cette Charte ne visaient-elles pas l'émancipation des
territoires anciennement occupés. Il y ressort en effet que «
conformément aux buts des Nations Unies, énoncés à
l'article 1 de la présente Charte, les fins essentielles du
régime de tutelle sont les suivantes :
a. Affermir la paix et la sécurité
internationale ;
b. Favoriser le progrès politique (...) des
populations sous tutelle (...) »66.
À ce stade, des remarques peuvent être faites :
la Charte des Nations Unies est produite dans un contexte de crise
internationale ; elle entend assurer la stabilité internationale en
définissant de nouvelles bases devant gouverner les rapports humains ;
elle marque la volonté des États à oeuvrer pour le
maintien de la paix et de la sécurité internationale. Cela
conduit à nous poser quelques questions utiles: Comment envisager la
paix et la sécurité à une grande échelle si
celles-ci ne peuvent être garanties à une moindre échelle,
c'est-à-dire au niveau national. De même, comment prétendre
à la stabilité internationale sans un accord minimale sur les
règles sociales, et a fortiori sur la stabilité politique au
niveau national? La contribution des États dans cette entreprise ne
suppose-t-elle pas l'existence d'entités fortes ? Autrement dit, la
réalisation des projets internationaux n'est-elle pas subordonnée
à la participation d'États ayant un socle démocratique
fort ? Ces interrogations ont la particularité de se ramener
inéluctablement à l'idée de consensus, laquelle se
décline aussi sur le pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
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