1. 2 L'éducation traditionnelle face à la
morale.
Dans son ouvrage intitulé «L'ouverture entre
l'école et le milieu en Afrique noire »,Pascal MUKENE
soulignait déjà le rôle capital de la société
dans l'éducation de sa composante. Selon lui, « le domaine de
l'éducation est pour toute société la pierre angulaire de
la construction de son avenir. L'éducation traduit les tendances et les
options présentes dans la société et en même temps
elle constitue un processus de projection dans le futur
».64 En effet, à travers la
société, l'éducation aux vertus de la morale peut
constituer un facteur décisif de l'émancipation, du
développement progressif, harmonieux, politique, économique
social et culturel de la personne humaine et de la société
elle-même. Elle est de plus en plus reconnue comme un facteur essentiel,
un paramètre indispensable pour faire reculer la pauvreté,
l'exclusion ou les incompréhensions. Aussi contribue-t-elle à
construire les idéaux de paix, de démocratie, de justice sociale
; aptes à contrecarrer les oppressions et les guerres. C'est dans cette
optique que le Professeur Joseph KI ZERB0 affirmait qu' « après
la mise au monde, il reste l'éducation. Vivre, c'est
persévérer dans son être. Et pour une société
donnée, c'est par l'éducation qu'elle se perpétue dans son
être physique et social. Il s'agit d'un accouchement collectif qui
prolonge l'enfantement biologique individuel ».65
Malheureusement, l'on remarque de plus en plus la perte de
valeurs morales dans nos sociétés contemporaines et la
montée en puissance de l'individualisme au détriment de
l'idéal communautariste. Des raisons et non des moindres peuvent
expliquer cet effritement des valeurs sociales. En Afrique noire par exemple,
dans la
64 P. (Mukene) ; L'ouverture entre l'école
et le milieu en Afrique Noire. Pour une gestion pertinente des
connaissances, Editions Universitaires de Fribourg-Suisse, 1998, page
253.
65J (KI-ZERBO), Eduquer ou périr, Unicef-Unesco,
Editions de l'Harmattan, 1990, p15
53
société traditionnelle, l'enfant avant
d'appartenir à sa famille biologique, appartenait à la
société qui était responsable de son éducation.
Ainsi, tout membre de la société pouvait interpeler l'enfant
d'autrui sur le respect de certaines valeurs morales sociales. Toute
l'éducation de la génération incombait aux membres de la
société. Cette solidarité est de nos jours en perte de
vitesse liée aux conditions de vie et à la représentation
sociale de certains parents qui sont toujours prêts à
défendre leurs progénitures malgré certainesdérives
qu'ils viendraient à commettre.
En outre, la société elle-même n'est plus
un modèle pour la jeune génération. L'homme est devenu un
moyen pour atteindre une fin. Ainsi on assiste à la montée de
plus en plus croissante de la violence et de la criminalité. Face
à cette nouvelle réalité quelle doit être la
perspective d'une morale du futur ?
Pour ce faire, la théorie à double niveau du
philosophe allemand Jürgen Habermas semble nous inspirer : la
théorie du « monde vécu » et celle des
« s#stèmes ».En effet dit-il,« le monde
vécu est l'ensemble des activités humaines
médiatisées par les structures propres à la
société que sont la langue, la culture, la socialisation et les
traditions. Sa structuration et sa modification se font en fonction de
l'évolution des moeurs et de l'interprétation des valeurs
sociales. Le monde vécu est le lieu quotidien de nos activités.
Le concept de s#stème fait référence à l'ensemble
des savoirs qui n'embrassent qu'un élément de la
société : s#stème
66
économique, s#stème de santé,
s#stème éducatif/»
Il est donc important que l'éducation morale prenne en
compte non seulement le monde vécu mais aussi intègre les valeurs
qui cadrent avec les différentssystèmes. De plus, toute la
société doit êtreéducative parce que l'enfant est
l'enfant du groupe tout entier et non seulement de ses géniteurs.
L'éducation doit avoir un caractère collectif prononcé,
une globalité au niveau des agents. En effet, en Afrique noire «
traditionnelle », la parenté, les pairs, le village participent
à l'éducation de l'enfant. Tout le tissu social sert de cadre
d'action. Tout le monde doit être concerné par
l'éducationmême si une place particulière revient aux
parents et aux ainés.
66J(Habermas), Théorie de l'agir
communicationnel, tome II : Pour une critique de la raison fonctionnaliste,
Paris, Fayard, 1981/1987 Page 18
54
Au cours de notre développement, nous avons vu que la
responsabilité de la société qui doit être un
modèle pour la jeune génération, de même que la
prise en compte des différentssystèmes sociaux et le retour
à certaines valeurs traditionnelles seront bénéfiques dans
la perspective d'une morale du futur. En revanche, la morale étant
culturellement déterminée et au regard des violences et
incivilités de plus en plus croissantes ; il est nécessaire de
repenser aussi la notion de citoyenneté ?
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