1 .3 Repenser la notion de citoyenneté.
Héraclite a dit,« la seule chose qui est
constante, c'est le changement. »67C'est ce que les
acteurs de l'éducation ont compris et s'interrogent sur la
nécessité d'adapter l'institution scolaire aux exigences de la
vie moderne caractérisée par le développement vertigineux
du domaine de la connaissance et des valeurs en usage. De même,
l'interrogation porte sur le renouvellement des formes de rapport que les
hommes entretiennent entre eux, des nouvelles formes d'exclusion et la
montée des incivilités, symptômes d'une fragilisation du
lien social. Il s'agit autrement dit d'une interrogation sur la notion
même de la citoyenneté.
La notion de la citoyenneté est aujourd'hui fortement
invoquée et réinterrogée en réponse à la
perte des repères d'une société en crise. Comment
revisiter ce concept dans les démarches de développement durable
? Cette notion de citoyenneté implique de repenser la place de la
personne dans la société, des rapports entre ses membres et avec
les institutions représentatives.
Afin de mieux appréhender la notion de
citoyenneté nous nous permettons d'effectuer un bref retour à
l'antiquité gréco-romaine. Le citoyen, habitant de la Cité
jouissait du privilège de vivre dans une place protégée et
un tant soit peu organisée et administrée. Mais en retour des
diverses prestations et avantages, il
67 Héraclite cité dans le Journal Vie
pédagogique du Québec, numéro 109,
novembre-décembre 1998(dossier l'éducation à la
citoyenneté) p48.
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devait apporter sa contribution : participer à la
défense de la Cité en cas d'agression, par exemple ou payer des
impôts. Ainsi, les villesétaient constituées en
Cités.
De nos jours les droits et devoirs impliqués dans la
citoyenneté sont devenus complexes. La Cité s'est élargie
en Etat, voire en confédération d'Etats, imposant du même
coup une mutation profonde à la signification de la
citoyenneté.
En ce premier quart du 21e siècle, nous
assistons à l'avènement d'un monde de plus en plus ouvert,
à l'internationalisation et à l'extension de la globalité
des comportements, des conduites, des normes et valeurs au-delà du cadre
des «groupements sociaux », jadis définis par le
sociologue françaisG. Gurvitch, l'auteur des
«phénomènes sociaux globaux ».68
Par le phénomène de la mondialisation, des
structures organisationnelles d'ordre politique, économique, social et
culturel et par la globalisation des faits sociaux, ce qui était
ressources ou recettes d'une Cité, d'un Etat, d'un continent,
prétend aujourd'hui à l'universalité. De même, de
nouveaux défis auxquels le monde doit faire face ont vu le jour, telles
que les instabilités politiques dans différentesrégions,
la pollution de l'environnement, la montée de la violence pour ne citer
que cela.
Face à cette triste réalité, l'adaptation
qui nous invite à l'éducation ne serait-elle pas plus supportable
que la contradiction logique qui nous engage à créer un monde
différent ?
« La question de la citoyenneté et donc de
l'éducation à la citoyenneté ressurgit chaque fois que la
société s'interroge sur ses fondements, la
pérennité du contrat social et de la légitimité de
ses dirigeants ».69 Ainsi parait se profiler à
l'horizon la nécessité d'une éducation à la
citoyenneté mondiale qui incombe le plus à l'institution scolaire
car l'enfance est la période favorable pour construire une
éducation à la citoyenneté solide, mais aussi
68 GURVITCH(G), « Traité de Sociologie »,
Tome I, chap. I « objet et méthode de la sociologie
».PUF. Paris, 1962.
69 OUEDRAOGO(B), Mémoire de maitrise de
philosophie, « La philosophie pour enfant : sa problématique dans
la résolution de la crise de la citoyenneté »
Université de Ouagadougou, 2010, p42.
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à la sociétéentière dans laquelle
l'enfant vit car cette éducation ne s'achève pas au terme des
études primaires ou secondaires mais se poursuit tout au long de la vie.
L'éducation à la citoyenneté mondiale est une perspective
de l'éducation issue du constat que les personnes contemporaines vivent
et interagissent dans un monde toujours plus globalisé. Il est
dès lors devenu essentiel que l'éducation donne aux apprenants la
possibilité et la capacité de réfléchir et de
partager leur point de vue dans une société mondialisée et
interconnectée, ainsi que de comprendre et de discuter des liens
complexes qui existent entre des questions communes, d'ordre social,
écologique, politique et économique, dans le but de mettre en
exergue de nouveaux modes de penser et d'agir.
Cette éducation à la citoyenneté mondiale
est une éducation qui ouvre les yeux des individus aux
réalités du monde et les incite à oeuvrer pour davantage
de justice d'équité et de droits humains pour tout le monde. Elle
recouvre l'éducation au développement, l'éducation aux
droits humains, l'éducation à la durabilité et celle
interculturelle qui constituent les dimensions globales de l'éducation
à la citoyenneté.
L'éducation à la citoyenneté
mondialerevêt une dimension internationale des méthodes
d'apprentissage et d'enseignement en matière d'éducation aussi
bien dans le système formel que celui du non formel. De ce fait, afin de
mieux comprendre les actuelles problématiques mondiales et leur impact
au niveau global et local, elle n'est pas seulement une
nécessité, mais un enjeu éthique dans le monde
aujourd'hui.
En tant qu'éducateurs du XXIe siècle, nous
faisons face à de nombreux défis, dans un monde
controversé. Comment pouvons-nous préparer les individus à
relever ces défis ? Quelles sont nos responsabilités dans un
monde où les connaissances se multiplient et les technologies se
développent ? Quelles sont nos responsabilités dans un monde de
pauvreté, de violence, de préjugés et d'atteintes à
l'environnement ?
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Une éducation à la citoyenneté mondiale
véritable doit promouvoir en son sein la nécessité d'un
dialogue interculturel et aux droits humains. La démarche
interculturelle offre un modèle de gestion de la diversité
culturelle ouvert sur l'avenir. Il propose une conception reposant sur la
dignité humaine de chaque individu ainsi que sur l'idée d'une
humanité commune et d'un destin commun. S'il faut construire une
identité africaine par exemple, celle-ci doit reposer sur des valeurs
fondamentales partagées, le respect de notre patrimoine commun et la
diversité culturelle ainsi que le respect de la dignité de chaque
individu. Le dialogue interculturel a un rôle important à jouer
à cet égard. Il nous sert d'une part, à prévenir
les clivages ethniques et religieux, linguistiques et culturels. Il nous permet
d'autre part, d'avancer ensemble et de reconnaitre nos différentes
identités de manière constructive et démocratique, sur la
base des valeurs universelles partagées.
L'éducation à la citoyenneté
démocratique et l'éducation aux droits humains sont
étroitement liées et se confortent mutuellement.
L'éducation à la citoyenneté démocratique met
essentiellement l'accent sur les droits et les responsabilités
démocratiques et sur la participation active en relation avec les
aspects civiques, politiques, sociaux, économiques, juridiques et
culturels de la société, alors que l'éducation aux droits
humains s'intéresse à l'éventail plus large des droits
humains et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la
vie.70
En somme, nous remarquons que la morale du futur, si elle veut
atteindre efficacement ses buts et contribuer ainsi à la
résolution des défis du monde contemporains doit marquer une
attention particulière au rôle joué par l'école dans
l'éducation du jeune enfant ainsi que celui que doit jouer la
société contemporaine sans oublier de repenser la notion de
citoyenneté ; une citoyenneté mondiale qui promeut un
développement humain durable.
Nonobstant ces facteurs endogènes à prendre en
compte, il convient d'examiner attentivement d'autres qui sont
exogènes.
70Charte du conseil de l'Europe sur
l'éducation à la citoyenneté démocratique et
à l'éducation aux droits humains, Mai 2010, p 14.
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