1 .4 Le principe d'autonomie de la volonté
morale source du droit.
47KANT(E), Critique de la Raison Pratique,
op, cit, p.33.
48KANT (E), Métaphysique des moeurs I
Fondement et Introduction, Trad. Alain Renaut, Paris G-F Flammarion ,1994
? p.108.
49Olivier (R),La dignité humaine chez Kant,
Revue de Métaphysique et de Morale, 75e année, N2
(Avril-Juin 1970), p189.
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Kant se demande quels sont les principes qui doivent a priori
servir de fondement à toute législationextérieure. Le
principe d'autonomie de la volonté est déterminé à
travers une troisième maxime ainsi formulée : «Agis de
telle sorte que la volonté de la maxime puisse se
considérersoi-même comme universellement législatrice
»50.Le droit y est défini comme l'ensemble des
conditions dans lesquelles la liberté de chacun peut s'accorder avec la
liberté des autres selon une loi universelle de liberté.La
seconde maxime nous a permis de savoir que l'homme doit
êtreconsidéré comme une fin et non un moyen.Alors, il sera
contradictoire que l'homme ne soit pas soumis à une législation
universelle. Afin de résoudre cette contradiction, le concept
d'autonomie de la volonté est élaboré par Kant comme
étant la condition par laquelle tout en obéissant à la loi
universelle, la volonté subjective n'obéirait en même temps
qu'à sa propreloi. L'homme doit êtreà la fois le
législateur et le sujet. A travers cette troisième maxime, Kant
introduit le concept de règne des fins, concept selon lequel tout
être raisonnable doit se considérer comme établissant par
toutes les maximes de sa volonté une législation universelle afin
de se juger soi-même et ses actions de ce point de vue. Ce règne
constitue une liaison systématique de divers êtres raisonnables
par des lois communes. Et ses lois ont pour seul but d'entretenir de bons
rapports des êtres les uns envers les autres, mieux un idéal de
vie en communauté. Il s'agit d'un monde où les hommes respectent
et appliquent rigoureusement les lois qu'ils se sont données, où
l'homme est aussi respecté dans sa dignité, et la
souveraineté revient à tous les sujets qui ont un droit
inaliénable de légiféreruniversellement. Derrière
la forme de droit qui se réalise en une « loi universelle
» de coexistence des libertés, se profile en effet
l'impératifcatégorique. Ce qui détermine l'homme à
sortir de l'état de nature, c'est l'impératif moral et c'est
parce que l'homme possède une autonomie morale, une liberté se
déclinant sous forme de droits subjectifs, que le droit doit prendre la
forme de la loi universelle.
Si donc la moralité ne nous sert de loi qu'autant que
nous sommes des êtres raisonnables, elle est dérivée de la
propriété de la liberté qui, à son tour, est
50Kant(E), Métaphysique des moeurs I.
Fondation et Introduction op, cit, p.115
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propriété de la volonté de tous les
êtres raisonnables. Et c'est justement ce passage que soutient si bien
Kant : « Tout être qui ne peut autrement que sous l'idée
de la liberté est par cela même, au point de vue pratique,
réellement libre, c'est-à-dire que toutes les lois qui sont
inséparablement liées à la liberté valent pour lui
exactement de la mêmefafon que si la volonté eut été
aussi reconnue libre en elle-même et par des raisons valables au regard
de la philosophie socratique » .51 L'autonomie constitue
un principe suprême de la moralité c'est-à-dire la
condition de possibilité d'une responsabilité morale. Cette
autonomie de la volonté se fonde par conséquent sur la conscience
des raisons qui nous font agir, ce qui fait dire à Durkheim que,
« le troisièmeélément de la morale, c'est
l'intelligence de la morale. La moralité ne consiste plus simplement
à accomplir, mêmeintentionnellement, certains actes
déterminés ;il faut encore que la règles qui prescrit ces
actes soit librement voulue, c'est-à-direlibrement acceptée, et
cette acceptation libre n'est autre chose qu'une acceptation
éclairée »52 C'est donc dire que chez Kant, pour agir,
« il faut que la raison se considèreelle-même comme
l'auteur de ses principes, indépendamment de toute influence
étrangère, par suite, comme raison pratique ou comme la
volonté d'un être raisonnable ne peut être une
volonté lui appartenant en propre que sous l'idée de la
liberté et qu'ainsi une telle volonté doit être, au point
de vue pratique, attribuée à tous les êtres
raisonnables» .53
Ainsi chez Kant, la morale constitue un préalable pour
penser et construire la modernité juridique et la condition formelle de
tout droit est un devoir. Son projet juridique est pensé sous la
métaphysique d'une loi universelle. A la conception théologique
du droit, il oppose l'autonomie de la raison, à la conception
naturaliste du droit, il oppose le caractère absolu de la raison. Le
droit et la morale sont distincts mais destinés à se
compléter mutuellement.
C'est pourquoi M.Lequan peut à la suite de Kant,
apporter les précisions suivantes : « la légalité
n'est pas incompatible avec la moralité. La conformité
extérieure est une condition nécessaire, quoique non suffisante
de la moralité. Légalité et moralité ne sont pas
exclusives l'une de l'autre mais, complémentaires,
51Kant(E),Fondements de la Métaphysique des
moeurs, Paris, Vrin, 1994, P .129 . 52 Durkheim(E),
L'éducation morale ; OEuvre posthume, Paris, Puf, 2012 P21.
53Kant(E),Fondements de la Métaphysique des moeurs,
Paris, Vrin, 1994, P .130.
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car l'acte moral accompli par devoir doit à fortiori
être légal conforme à la loi du devoir. La moralité
est un approfondissement de la légalité.Agir par devoir (et non
seulement conformément au devoir), de manière
désintéressée, est l'exigence fondamentale de la morale
».54
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