CONCLUSION PARTIELLE
En somme dans ce chapitre nous avons analysé la
dynamique des effets que peut produire le monitoring des élections
présidentielles, il s'agit concrètement d'examiner les
mérites et les limites de cette activité. Comme mérite
nous pouvons dire que le monitoring des élections présidentielles
a permis des avancées certaine par petits coups, mais ces
avancées sont non négligeables tant dans l'organisation des
élections présidentielles proprement dit ; que
l'amélioration des structures chargées de l'organisation desdits
élections.
Cependant elle n'est pas sans heurt au regard de nombreuses
controverses dont elle a souvent fait l'objet, ici comme ailleurs montre
qu'elle a encore du chemin à parcourir.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Cette partie a soulevé la question des mérites
et des limites des missions de monitoring des élections du fait de la
configuration dynamique du champ électoral camerounais. Il a
été possible d'envisager que le monitoring des élections a
eu des mérites certains sur la forme comme sur le fond. En ce sens qu'Il
a eu le mérite d'apporter, dans certains cas, des expertises
nécessaires à l'organisation des élections
présidentielles, à savoir l'évaluation des
procédures de vote, des lois régissant l'élection
présidentielles. Au fond, le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun a permis le dessaisissement du MINATD de
l'organisation des élections, malgré son droit de regard, au
profit d'un OGE, bien que ne faisant pas l'unanimité des acteurs
politiques.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
CONCLUSION GENERALE
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
La présente étude relative au monitoring des
élections présidentielles au Cameroun, de 1992 à 2011,
s'est appuyée sur l'épistémologie de la sociologie
politique, de la sociologie électorale ou de la science
électorale360. Ainsi, les méthodes comparatives et
constructivistes ont été particulièrement adéquates
pour comprendre ce phénomène, qui est un phénomène
politique socialement construit.
Monsieur Boutros Boutros-Ghali déclarait en 1991, alors
Secrétaire général des Nations unies que
« les élections en soi ne sont pas la
marque de la démocratie, pas plus qu'elles ne l'instaurent (...). La
démocratie signifie bien plus que le simple fait d'exprimes
périodiquement un suffrage, et s'applique à l'ensemble du
processus de participation des citoyens à la vie politique de leur pays
».
Mais l'on constate que parmi les piliers de la
démocratie, les élections sont des plus redoutés. Les
élections libres et régulières constituent, pour ainsi
dire, la base fondamentale d'une démocratie. Il faut garantir la tenue
d'élections libres. Le Cameroun démocratique met des structures
qui permettent soit de contrôler, soit de juger les contentieux
électoraux.
Pour les observateurs nationaux, leur situation est identique.
Ils sont amenés à porter la caution à telle ou telle autre
partie aux élections. Ceci est d'autant plus explicite que chaque
individu a, avant tout, les convictions personnelles. Par ailleurs, leur mode
de désignation, lorsqu'il est institutionnalisé prête au
doute de leur crédibilité361. Tout comme leur
appartenance à une ONG ou à une OGE n'est pas synonyme
d'impartialité362.
Partant de l'interrogation centrale363 : comment se
pratique le monitoring des élections présidentielles au Cameroun
? Les objectifs de cette étude étaient de mettre en
lumière les règles juridiques et pragmatiques internationales et
nationales, les enjeux internes et externes du monitoring des élections
présidentielles, d'une part, et de comprendre les mécanismes et
les modalités de déploiement des acteurs des missions de
monitoring des élections présidentielles, ainsi que les usages et
les effets que cette pratique peuvent produire d'autre part. Au détour
de toutes ces analyses, nous avons formulé nos questions de recherche.
Ainsi nous avons établi, à titre d'hypothèse principale,
que le monitoring des élections présidentielles au Cameroun de
1992 à 2011 se pratique de deux manières, à savoir : par
l'observation des élections et par l'intervention est sociopolitiquement
construit et produit des effets de réalité au regard des usages
plurivoques dont il fait l'objet. L'on a fourni quatre hypothèses
secondaires.
La première hypothèse connexe postule que le
monitoring des élections présidentielles est une pratique
encadrée par des règles et structurée par des enjeux
multiples. Cet encadrement commence à prendre corps avec la DUDH et le
PICDP, qui sont là les premières règles que la
majorité des acteurs brandit pour initier le déploiement ou
l'envoi des missions de monitoring des élections présidentielles.
Ces
360 Cf. entretien avec Kamga, (H), un expert sur les questions
électorales et de l'observation des élections, (Notes de
terrain), op cit.
361 Ndoumou, (F.D), « Cameroun, l'observatoire national
des élections », in Africa international, p. 63. IDEA, The
Future of international Electoral Observation, op cit. p. 14.
362 Que ce soit l'élection présidentielle du
11octobre 1992, ou celle du 12 octobre 1997 ou même celles de 2004 et du
09 octobre 2011, au Cameroun, les responsables de l'administration et/ou de
l'ONEL et de ELECAM ont été accusé de partialité
à cause de leur engagement comme ancien cadre du parti au pouvoir. Lire
le rapport de C'est ce que nous révèle les rapports d'observation
de Transparency International Cameroun (présidentielle 2011), Cameroon
Ô'Bosso (présidentielle 2011, SNJP.
363 Atangana, (E.A), Le positionnement politique des
élites éwondo de Yaoundé, Mémoire de DEA,
Université de Yaoundé 2, Soa, Année Académique
2007-2008, p. 120.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
missions commencent, dans le cas du Cameroun, avec les
élections législatives du 1er mars 1992 et vont se poursuivre
avec l'élection présidentielle du 11 octobre de la même
année. Avec les acteurs internationaux comme l'OIF, ce fut l'une des
périodes les plus importantes avec notamment en 2000 l'adoption de la
Déclaration ainsi que du programme d'action de Bamako à l'issue
du symposium tenu les 1er, 2 et 3 novembre364. La principale
innovation ici fut l'inscription de l'indissociabilité de la
démocratie avec la francophonie dans un texte de cette organisation. Par
cette inscription, la démocratie ne fut plus simplement un projet
abstrait, mais elle devenait partie intégrante de l'éthique
même de l'organisation et qu'il ne fallait plus que traduire dans les
faits comme l'indique les dispositions de la Déclaration de
Bamako365.
Elles sont partagées entre la fidélité
aux valeurs et objectifs initiaux et la nécessité d'une
adaptation à l'évolution actuelle du monde. Elles sont tout
autant partagées entre l'impératif du respect des règles
conventionnelles du droit international et fondées notamment sur le
principe du respect de la souveraineté des Etats, du droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes impliquant aussi le droit des peuples
à déterminer librement leurs régimes politiques ainsi que
leurs modes de désignation de responsables politiques et l'obligation de
s'aligner aux engagements internationaux qu'ils prennent ainsi que des
implications de ces derniers dans la vie même de leurs Etats. Il ne
s'agissait, d'espérer une forme de démocratie par le biais des
missions de monitoring des élections présidentielles, mais au
contraire, il s'agissait ici, de consolider et de renforcer les acquis de
mutations institutionnels initiés autour des années 90 par le
moyen de ces missions. Ainsi et progressivement, il ne se passait presque plus
d'élections dans notre pays de ces organisations qui ne voyaient arriver
des observateurs366. On pouvait ainsi croire qu'enfin la
démocratie avançait, se renforçait et faisait
éclore de nouvelles dynamiques politiques à l'intérieur du
Cameroun.
La deuxième hypothèse, relative aux acteurs du
monitoring des élections présidentielles usent de multiples et
inégales ressources et des logiques. Différents acteurs
s'impliquent dans l'activité de monitoring des élections
présidentielles, avec chacun ses ressources propres qui peuvent
financières, matérielles ou humaines lui permettant ainsi de
mouvoir sur le champ des élections. Ces ressources des acteurs peuvent
être des ressources provenant des Etats comme dans le cas des OGE, qui
assurent l'organisation et la supervision des élections, pour d'autres
provenir des donateurs, des organisations internationales qui appui de la
promotion de la démocratie dans le monde et d'autres encore des fonds
propres comme dans le cas des associations et ONG nationales et
internationales. Les ressources matérielles quant peuvent être
tout ce matériel permettant aux observateurs bien faire leurs
observations. Il faut tout aussi que les observateurs soient qualifiés,
c'est pourquoi les missions de monitoring des élections ont besoin des
ressources humaines, dans le cadre de leur mission. Tous ces aspects permettent
aux missions de monitoring des élections de se déployer sur le
terrain pour assurer que les élections respectent les principes de
transparence, d'honnêteté et de
sincérité367.
364 Cf. Déclaration de Bamako du 1er au 3
novembre 2000, op cit.
365 Lors de la mission exploratoire en prélude à
l'élection présidentielle du 11 octobre 2004, la mission de l'OIF
dans l'évaluation du cadre juridique devant régir cette
élection les membres de la mission se rassure que le scrutin se
prépare dans le respect des principes et des dispositions de la
Déclaration de Bamako.
366 Depuis les élections législatives de mars
1997 jusqu'aux sénatoriales du 14 avril 2013, il ne s'est plus
déroulé d'élection sans la présence des
observateurs de la Francophonie.
367 CNDHL, et ELECAM, les rapports d'observation de
l'élection présidentielle du 09 octobre 2011, pp 156-158.
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93
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
La troisième hypothèse quant à elle
postule que le monitoring des élections présidentielles est
déterminé par des usages plurivoques internes et internationaux.
Le monitoring des élections en tant que phénomène
politique. Au plan interne, les pays et les organisations du nord prennent
actuellement des positions dont l'objectif est non seulement de faire respecter
les droits de l'homme, mais surtout une conditionnalité
démocratique au pour les Etats du sud368. Ainsi, face
à l'interférence de l'environnement externe, le nationalisme
gouvernemental, qui dans une certaine mesure s'abreuve aux sources du
tiers-mondisme, se porte en faux de la tendance à l'universalisation de
la démocratie libérale célébrée avec une
bonne dose d'optimisme comme l'écrit Francis Fukuyama369. Il
pourrait aussi s'agir d'une affirmation de son identité face à
toute tendance homogénéisatrice.
Les usages externes du monitoring trois situations
divergentes, attachées à une même racine, se posent ici
:
La première, au Cameroun on peut bien organiser des
élections. Mais, des garanties existent-ils pour le gouvernement
légitimement élu ? Cette question concerne, comme le souligne
Peter Jankowisch, les cas négatifs dans lesquels les résultats
des élections ont été ignorés, comme il a
été le cas de l'élection présidentielle du 11
octobre 1992, ou encore en Haïti, en Angola ou encore en
Birmanie370
Charles Zorgbibe avait proposé l'application d'une
résolution similaire à celle de l'OEA (résolution 1080)
dans le cadre de l'UA, « Le conseil exécutif paraît donc
l'organe le mieux adapté à cette concertation sur la
démocratie (...). Une résolution 1080 "à l'africaine"
pourrait donc être mise en oeuvre de manière très
pragmatique »371.
La deuxième situation concerne le cas où les
élections ont été organisées mais avec des fraudes
massives et des graves irrégularités. Faut-il laisser la
situation comme c'est le cas actuel ou agir ? Quel serait donc l'organe
compétent ?
Pour le moment, aucun organe n'est compétent au plan
international en cas de violation des règles
électorales372. La communauté internationale comptait
sur la maturité des Etats et sur les sanctions économiques.
Cependant, chaque pays comme organisations envoient leurs représentants
(missions) pour des élections données. Les divergences
nées entre différentes missions corroborent les prises de
positions des mandants. Un pays peut soutenir une sanction pour cause de
fraudes alors qu'un autre infirme cette position au vu des rapports et des
allégations de sa mission. Ils convient donc de mettre sur pied une
structure internationale pour le monitoring des élections. Cette
structure pourra non seulement contrôler les élections mais
s'occuper aussi du contentieux électoral international et des
libertés démocratiques373.
En 1981 à l'Assemblée générale de
l'ONU, le ministre autrichien des affaires étrangères proposait
la création d'un corps international d'observateurs judiciaires. Or, une
structure dépendant d'un corps de métier risque d'être
transformée en corporation. Le projet s'est cependant heurté
à une opposition résolue et très vive de plusieurs ONG des
droits de l'homme qui y ont vu une atteinte à leur propre pratique,
totalement libre, de l'observation judiciaire374.
368 Moss, (T.O), « La Conditionnalité
Démocratique dans les Relations entre l'Europe et l'Afrique », in
l'Évènement Européen, n°19, septembre 1992,
p. 75.
369 Fukuyama (F), La Fin de l'Histoire et le Dernier
Homme, Paris, Flammarion, 1992, p. 231.
370 Jankowisch, (P), Op. cit., p.75
371 Zorgbibe, (C), « Impératif
démocratique et relations internationales », in
Géopolitique africaine, p. 65.
372 Si cette situation se présente au niveau
international dans le contexte camerounais le contentieux électoral est
gérer par la Cour Suprême en lieu et place du Conseil
Constitutionnel.
373 Ndoumou, (F.D), Op. cit.,
374 Vasak, (K), Contrôle international des
élections, p. 12.
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
La troisième situation, enfin, concernent les pays ou
la démocratie n'existe pas du tout. Faut-il les laisser sombrer dans
l'anarchie ?375 Dans ce cas, d'autres pays suivront aussi leur
exemple376. Alors que de le doute de l'universalité de la
démocratie est presque levé377, la communauté
internationale doit agir sans attendre que la situation soit
irrémédiablement compromise378.
Enfin notre quatrième hypothèse quant à
elle postule que le monitoring des élections présidentielles
produit des effets de réalité à la fois positifs et
négatifs. Le monitoring des élections présidentielles au
Cameroun appartient à l'une des catégories. Mais depuis sa
renaissance au début des années 90, elle a connu un
résultat mitigé379.
Les missions de monitoring des élections
présidentielles souvent accusées de tous les maux (touristes
aventurier...) ne peuvent pas aller au-delà de leur mission
(observateur) et sont des mandataires des institutions ou des organisations.
L'espoir que les populations ont placé en elles s'est
estompé380. Les observateurs internationaux sont devenus
« la risée »381 et considérés parfois
à tort ou à raison comme « un mode d'accompagnement des
processus démocratiques et un soutien aux processus électoraux...
Comme une forme de complicité avec les pouvoirs en place, voire comme un
des nombreux ingrédients contribuant à maintenir des liens d'un
type particulier entre ancien colonisateur et ancien
colonisé382.
375 La situation qu'a connu la Côte d'Ivoire entre 1999
et 2010, lire Jeune Afrique Economique, « L'impasse ivoirienne
», n° 383, avril-mai 2011, p .305, Jeune Afrique Economique,
« Spécial en Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo », n°
319, du 6 au 19 novembre 2000, p. 99. Jeune Afrique, « Côte
d'Ivoire, Présidentielle 2010, le destin de Soro », n°
2598-2599 du 24 octobre au 6 novembre 2010, p.212. Jeune Afrique,
«Côte d'Ivoire, Présidentielle 2010, Dans les coulisses de
l'élection», n° 2596-2597 septembre-octobre 2010, p. 212. Il
faut dire c'est la situation qui serait au Cameroun lors de la première
élection présidentielle de 1992.
376 La limitation du nombre de mandats présidentiels
introduis dans la constitution du 18 janvier 1996 a été
supprimé avant la fin du mandat du Président Paul Biya, en 2008,
avec la révision constitutionnelle du 14 avril 2008, donc trois ans
avant l'élection présidentielle du 09 octobre 2011. Certains
partis de l'opposition avaient adressé des motions de soutien à
cette action, tandis d'autre et aussi certains intellectuels camerounais
condamnait cet acte. D'autre même ont appelé au boycott à
l'inscription sur les listes électorales pour préparer ce
scrutin.
377 Pour l'ancien Secrétaire Général de
l'OUA, Salim Ahmed, « Les principes fondamentaux de la démocratie
sont universels et dès lors pour tous », in Panafrican news
agency, du 1er décembre 1997, p. 4.
378 Bettati, (M), Le droit d'ingérence : mutation
de l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 65, voir aussi
Mengue Ekome, (R), Droit d'ingérence limites et controverses,
Thèse de Doctorat en Droit Public International, Université de
Reims, 1997, p.618.
379 Ouattara, (F), Op cit., p. 13.
380 Pilon, (M), « L'observation internationale des
élections en Afrique » in Observatoire permanent de la
coopération française, p. 79.
381 Ndoumou, (F.D), Op.cit.,p. 354.
382 Cf. entretien avec Hilaire Kamga, expert des questions
électorales de l'observation des élections, (Notes de
terrain), op cit, lire aussi, Pilon, (M), « Art.cit », Op.
cit., p. 83.
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présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
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