II- LA RECONNAISSANCE DE LA LANGUE DES SIGNES.
« Le droit est un instrument des politiques publiques,
il reflète la façon dont les problèmes sociaux sont
appréhendés et les réponses qui leur sont
apportées. Il encadre les pratiques sociales et contribue à
forger les représentations collectives 97».
95 Guy Bouchauveau, La langue des signes française de
1978 à nos jours, dans Le pouvoir des signes, 1989,
P209.
96 Bernard Mottez, op.cité, P131.
97 Danièle Lochak, dans La France invisible,
ouvrage dirigé par Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade
Lindgaard, Paris, 2006, P.507.
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La langue des signes a survécu à plus d'un
siècle d'interdiction, les Sourds revendiquent désormais sa
reconnaissance par les pouvoirs publics, par le droit. Les prémices de
la reconnaissance de la langue des signes en France interviennent, dans un
premier temps, dans le cadre de l'enseignement spécialisé,
placé sous tutelle du Ministère de la Santé. Les
professeurs reçoivent à nouveau une formation sur la langue des
signes, pour communiquer avec leurs élèves sourds. Après
l'alternance politique de 1981, deux Ministères vont adopter des
positions radicalement opposées. D'un côté le
Ministère de l'Education Nationale recommande dès
198298 la suppression de l'éducation
spécialisée pour rendre effective la loi d'orientation en faveur
des personnes handicapées de 1975, qui préconise «
l'accès du mineur et de l'adulte handicapés aux institutions
ouvertes à l'ensemble de la population et leur maintien dans un cadre
ordinaire de travail et de vie 99». De la langue des
signes, Alain Savary, ministre de l'Education Nationale, dira même
qu'elle « ne peut traduire la très grande richesse d'une langue
100». D'un autre côté, le Ministère
des Affaires Sociales persiste à vouloir diffuser la langue des signes
au sein de l'enseignement spécialisé, en autorisant les candidats
sourds à postuler aux fonctions de professeur de LSF101. Mais
si la France est en proie à des querelles interministérielles sur
la question Sourde, que le gouvernement n'arbitre pas, il en est tout autre sur
le plan européen. Le mouvement sourd va porter ses revendications
à l'échelle européenne, par la création notamment
de l'Union Européenne des Sourds (EUD) en 1985. Trois ans plus tard, une
première résolution sur la langue des signes est votée par
la Communauté européenne. Elle invite chaque Etat membre à
reconnaître la langue des signes en usage sur son territoire. Dans ce
contexte, l'intervention de Laurent Fabius, député socialiste et
élu au Parlement européen, va inscrire la langue des signes dans
une loi française. Mais cette disposition restera limitée
à l'éducation spécialisée et n'obligera en rien
l'éducation nationale. Il faudra attendre la loi du 11 février
2005 pour que la
98 Circulaire Questiaux-Savary du 29 janvier 1982.
99 Article premier de la loi N°75-534 du 30 juin 1975.
100 Yves Delaporte, Les sourds, c'est comme ça,
Paris, 2002. P9
101 Décret n° 86-1151 du 27 octobre 1986,
Ministère des Affaires Sociales.
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langue des signes soit reconnue comme une langue à part
entière et pour que le législateur français autorise son
enseignement au sein du système éducatif ordinaire.
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