La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?par Magali Leske Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009 |
B- L'inertie politico-administrative.La loi du 11 février 2005 ne fixe pas de date d'entrée en vigueur pour ses articles, hormis quelques cas particuliers comme les MDPH. Au terme du délai de 6 mois que les parlementaires s'étaient fixés pour la publication des textes, « aucun dénombrement des textes réglementaires nécessaires à la mise en application n'a été communiqué, aucune programmation de la publication des textes d'application de chacun des grands pans de la loi n'a pu être présentée ». Selon Jean-François Chossy, un délai de publication d'un an 161 Ibid P15-18. 162 Ibid P18. 163 Ibid P20. 164 Rapport de la DIPH, Bilan de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 et de la mise en place des Maisons Départementales des Personnes Handicapées, Patrick Gohet, juillet 2007. P64. 57 aurait été « acceptable » compte tenu de la masse de travail nécessaire165. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille depuis juin 2005, va établir des priorités. Mais les délais de publication ne sont pas les seuls facteurs de la lente application de la loi de 2005. 1/ Une politique des priorités. La loi de 2005 comprend 101 articles. Sa mise en oeuvre s'avère difficile. En décembre 2005, seules 22 dispositions de la loi ont reçu un texte d'application et 112 ne sont pas applicables en l'état. Les textes et les procédures sont particulièrement complexes. Par exemple, « la rédaction du décret d'application relatif à la prestation de compensation est totalement incompréhensible 166» selon Muriel Marland-Militello, députée UMP. En outre, la rédaction des décrets implique un nombre important de ministères et le gouvernement a engagé des concertations avec les associations, avec la Commission européenne, notamment sur l'accessibilité du cadre bâti167. Pour mettre en oeuvre le grand chantier de 2005, des priorités ont donc été fixées par les ministères : la réforme de l'allocation adulte handicapé, le maintien à domicile des polyhandicapés et la mise en place de la CNSA168. Les mesures adoptées pour les Sourds, relatives à l'accessibilité, n'en faisaient pas partie : « Le volet de la loi du 11 février 2005 relatif à l'accessibilité reste de loin celui le moins applicable 169». Ainsi, l'adaptation des sites internet, l'accessibilité des programmes télévisés, la communication devant les juridictions, l'assistance lors du permis de conduire et l'interprétariat simultané dans les services publics ont été renvoyés à des dates et réunions ultérieures. Mais des solutions pragmatiques ont été proposées, comme celle d'augmenter le son pour 165 Rapport d'information de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales de l'Assemblée Nationale, Jean-François CHOSSY, Décembre 2005. P12 166 Ibid P136 167 Ibid P15. 168 Rapport d'information de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales de l'Assemblée Nationale, Jean-François CHOSSY, Décembre 2005. P137. 169 Rapport de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Paul Blanc, Loi « handicap » : pour suivre la réforme..., 2007. P79. 58 l'accessibilité des « personnes malentendantes » aux sites internet...170. A ce jour, il semblerait toutefois que deux décrets, sur la réception et l'orientation des appels d'urgence et sur les aménagements pour le passage d'examens et concours soient parus. 2/ Les relations interministérielles. La Délégation interministérielle aux Personnes Handicapées (DIPH) a été créée en 2004. Placée sous l'autorité du Ministère de la Santé et des Solidarités et du Ministère délégué à la Sécurité Sociale, elle est aujourd'hui sous tutelle du Ministère du travail et des solidarités. Elle travaille « en étroite collaboration avec les administrations impliquées dans la politique du handicap couvrant l'ensemble des ministères ainsi qu'avec les associations représentatives, les instances européennes 171». Après le vote de la loi de 2005, la DIPH « a engagé une réflexion sur la coopération entre les institutions adaptées et l'école ordinaire 172». En effet, les enseignants spécialisés avaient rejoint le Ministère de l'Education Nationale en 1978, à l'exception des enseignants spécialisés dans le handicap sensoriel. Des tentatives de rapprochement et d'harmonisation de la législation ont eu lieu en 1999 à l'occasion du plan Handiscol, puis en 1985. Ces tentatives ont échoué après la suspension des discussions par l'Education Nationale173. En 2006, un texte réglementaire devait être présenté pour régir la coopération entre l'éducation ordinaire et l'éducation adaptée pour la fin de l'année 2006 au plus tard. En juillet 2007, ce texte n'était toujours pas paru174. Ainsi, aujourd'hui encore, il existe deux types d'enseignants spécialisés, les uns relevant du Ministère de l'Education Nationale, les autres du Ministère des Affaires Sociales. 170 Rapport d'information de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales de l'Assemblée Nationale, Jean-François CHOSSY, Décembre 2005. P115. 171 www.travail-solidarité.gouv.fr 172 Rapport d'information de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales de l'Assemblée Nationale, Jean-François Chossy, Décembre 2005. P74 173 Dominique Gillot, Le droit des Sourds : 115 propositions, 1998, P70. 174 Rapport de la DIPH, Bilan de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 et de la mise en place des Maisons Départementales des Personnes Handicapées, Patrick Gohet, juillet 2007. P13. 59 Pourtant, la mutualisation des compétences est souhaitée au sein de la Direction générale des affaires sociales : « Comment on fait pour être aussi lent, pour ne pas, par exemple, mutualiser les compétences qui existent dans la prise en charge des jeunes sourds. Bon, maintenant, le fait d'être dans un système de..., un peu comme des chiens de faïence qui se regardent : l'éducation d'un côté, le médico-social de l'autre et les difficultés à créer les passerelles, à ne pas mutualiser les compétences, c'est vrai que c'est... qu'on est là devant une lenteur qui est impressionnante 175». Selon la Direction de générale de l'enseignement scolaire : « Les raisons administratives, c'est le fait que, la République Française étant ce qu'elle est, quand on est dans un ministère et qu'on veut aller dans un autre ministère, c'est la croix et la bannière. Et puis il y a des problèmes de rémunération. En moyenne les professeurs CAPEIS sont mieux payés que nos profs à nous 176». Différents facteurs viennent justifier la lente mise en oeuvre de la loi de 2005 : l'instauration d'un nouveau mode de gouvernance, la création d'institutions, la loi elle-même, complexe et ambitieuse, et la difficile coopération entre les ministères. Mais un autre facteur vient expliquer des résistances au changement, c'est l'absence de changement de paradigme. |
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