CHAPITRE II : DES SOLUTIONS CONTEMPORAINES
INSUFFISANTES
55. Les solutions contemporaines propres à
l'ère numérique sont relativement récentes. Il s'agit
principalement des lois DADVSI et HADOPI précédemment
évoquées. Après une étape répressive
initiée par la Loi Perben II, l'objectif préventif et
pédagogique a été avancé face à
l'inefficacité de la répression et l'admission d'un
contrôle impossible du comportement de toute une population dans une
sphère immatérielle sans frontières. Comme l'on a pu
dégager deux grands phénomènes propres au
numérique, et plus spécifiquement à l'Internet, l'on peut
également dégager deux grandes mesures leur faisant écho:
Les mesures techniques de protection (Section 1) et la volonté de
développement de l'offre légale (Section 2)
Section 1 : La réponse apportée les mesures
techniques de protection
56. Ces mesures techniques de protection sont sans doute les
premiers outils technologiques avancés pour répondre aux
problématiques soulevées par le numérique. Pour les
étudier au mieux, il convient de les introduire en analysant l'objectif
et le régime juridique de telles mesures (Paragraphe I), avant
d'étudier les différentes raisons de leur imperfection et
disfonctionnement (Paragraphe II)
Paragraphe I : La protection juridique des mesures
techniques de protection
57. La première réponse apportée par les
instruments internationaux au téléchargement illégal
d'oeuvres protégées fut les mesures techniques de protection ou
Digital Right Management. L'article 9 de la Convention de Berne a
apporté la possibilité pour les Etats de mettre en place de
telles mesures, capacité confirmée par le Traité de
l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle sur le
droit d'auteur du 20 décembre 1996. Aux Etats-Unis, le fondement est le
Digital Millenium Copyright Act tandis qu'en France, c'est
22
la loi de transposition du 01 août 2006 de la Directive
DADVSI du 22 mai 2001 qui les a introduites. Ces mesures techniques peuvent
être appréhendées sous deux angles : D'une part, la
protection qu'elles confèrent aux oeuvres protégées, et
d'autre part, la protection entourant ces mesures elles-mêmes.
A] La protection offerte par les mesures techniques de
protection
58. L'article L331-5 du Code de la Propriété
Intellectuelle indique que les mesures techniques de protection sont des outils
techniques permettant aux titulaires des droits de contrôler
l'utilisation faite de leur oeuvre grâce à une technologie, un
dispositif, ou composant, leur permettant d'en empêcher ou limiter les
utilisations non autorisées. Il peut alors s'agir de l'application d'un
code d'accès, d'un procédé de protection tel le cryptage,
ou les mécanismes obstruant la possibilité de copie de l'oeuvre.
Deux types de mesures peuvent être envisagées : Les mesures
permettant de contrôler l'accès aux oeuvres, et celles permettant
d'en contrôler et d'en limiter l'utilisation.
59. Les mesures techniques de protection permettent donc de
contrôler l'utilisation de l'oeuvre en y apposant un verrou. Il s'agit
d'une sorte de tatouage lié à l'oeuvre, en assurant la
traçabilité ou le contrôle. Ces mesures permettent ainsi de
protéger l'oeuvre et de garantir l'effectivité des droits
d'auteur. C'est au titulaire des droits de prévoir les objectifs de ces
mesures selon ses propres intérêts et les tentatives d'atteintes
qu'il prévoit sur ses oeuvres. En parallèle, ces mesures
permettent de définir les utilisations qu'il autorise à
l'acquéreur.
B] La protection conférée aux mesures
techniques de protection
60. Les mesures techniques de protection
bénéficient d'une protection qui leur est propre, sanctionnant le
contournement de celles-ci. Cette protection se développe sous trois
volets différents : L'interdiction du contournement de ces mesures,
l'interdiction de la commercialisation de dispositifs de contournement, et
l'obligation de l'interopérabilité des mesures. Ces dispositions,
visées aux articles L331-5 et suivants et R335-3 et suivant du Code de
la Propriété Intellectuelle permettent de sanctionner toute
atteinte volontaire portée à une mesure technique de protection
destinée à empêcher sa mise en oeuvre, quand bien
même l'utilisateur estimerait bénéficier d'une exception au
droit d'auteur64.
61. Les articles L335-3-1 1° et L335-4-1 1° du Code
de la Propriété Intellectuelle indiquent que « le fait
de porter atteinte, sciemment, à une mesure technique [...] à une
mesure technique efficace [...] afin d'altérer la protection d'une
oeuvre par un décodage, un décryptage ou toute autre intervention
personnelle destinée à contourner, neutraliser ou supprimer un
mécanisme de protection ou de contrôle » est punit de
3.750 euros d'amende. Ainsi, la protection de telles mesures est
subordonnée à deux conditions : La mesure doit être
« efficace », c'est-à-dire appliquer un verrou
effectif de protection sur l'oeuvre, et l'atteinte doit être
intentionnelle.
64 CA Paris 22/04/2005 affaire « Mullholand Drive
»,
Comm. Com. Electr. 2005, p26 et s.;
Légipresse 2005, III, p.148 note M. Vivant et G. Vercken
62.
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En outre, au regard de l'article L335-3-2 I du même
Code, la modification ou la suppression d'information « dans le but de
porter atteinte à un droit d'auteur, de dissimuler ou de faciliter une
telle atteinte » est également sanctionnée par
3.750€ d'amende.
63. Par ailleurs, l'article L335-3-1 3° prohibe la
fourniture de services aux fins prévues au 1° du même article
cité plus haut. Cette acceptation permet même de sanctionner la
simple fourniture d'informations propres à permettre le contournement de
mesures techniques de protection.
64. Ces différents modes de protections des mesures
techniques couvrent donc les différentes atteintes envisageables, et les
différents acteurs pouvant être impliqués. Qu'il s'agisse
du simple utilisateur ou du technicien monnayant ses services pour contourner
ces mesures, ou encore l'internaute qui, dans un but altruiste ou de
rébellion, publie des solutions propres à porter échec
à ces outils de protection. La protection légal promet donc une
réelle effectivité de ces mesures qui permettent de limiter les
atteintes aux droits d'auteurs. Pourtant, ces mesures se révèlent
inefficaces. En effet, si la législation ne semble pas à parfaire
quant au dispositif propre aux mesures techniques, elle reste mince concernant
les limitations à leur utilisation. Face à ce que l'on peut
qualifier d'abus de la part des titulaires de droits, les consommateurs ont pu
se sentir acculés et cette pression des ayants-droits a
entraîné un effet tout à fait contreproductif, causant
l'impossibilité de rendre l'utilisation de ces mesures pérenne en
matière musicale.
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