0. INTRODUCTION GENERALE
0.0. INTRODUCTION
La consommation d'alcool constitue un grave problème de
santé publique actuellement dans le monde. Face à ce
fléau, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait
évalué de réduire la consommation d'alcool de 25% entre
1980 et 2000. Dans le monde, la proportion de la morbidité attribuable
à la consommation d'alcool serait plus forte dans les Amériques
et en Europe variant entre 8 à 18% de la charge totale, pour les hommes
et entre 2 à 4% de la charge totale, pour les femmes (1) Dans la plupart
des pays, on trouverait la plus forte mortalité due à la
consommation d'alcool chez les personnes âgées de 45 à 54
ans, mais on considère que c'est la relation qui existerait entre
l'âge du début de la consommation d'alcool, ces motifs et les abus
à l'âge adulte qui rendraient l'étude de la consommation de
l'alcool chez les adolescents plus particulièrement importantes
(2).
En Europe, les études menées sur la consommation
d'alcool chez les jeunes âgés de moins de 18 ans et ceux
âgés de 18 ans, ont montré que la prévalence serait
de 26% en France, 3ème rang européen derrière
l'Italie (43%) et le Portugal (33%). Bien que ces jeunes ne boivent pas
nécessairement de l'alcool tous les jours et qu'ils ne souffrent pas de
problèmes sérieux liés à l'alcool,
approximativement 20% d'entre eux n'en sont pas moins des consommateurs
à risque (3).
En Afrique, particulièrement Au Congo Brazzaville, une
étude transversale a été faite chez les adolescents de 10
à 19 ans sur la prévalence de l'alcool et les facteurs
déterminants. Il a été constaté que 22,8%
d'adolescents consommaient l'alcool, et la consommation était
constatée élevée chez les garçons les plus
scolarisés (4).
En République Démocratique du Congo, des
études menées au Nord Kivu sur la consommation de l'alcool par
les jeunes adolescents (élèves) avaient suscitées des
préoccupations particulières à Goma, car l'alcool a
été constaté comme étant à l'origine de
certains comportements chez les jeunes. Il a été constaté
aussi que la composition de la clientèle serait dominée par les
élèves et étudiants à près de 50% et parmi
les facteurs incriminés dans cette forte consommation, les promotions
des boissons alcoolisées, les promenades fréquentes des jeunes,
les rencontres avec les pairs, les manifestations organisées par les
jeunes, toujours agrémentées par l'alcool, seraient les plus
déterminantes (5).
Plusieurs autres études ont invoquées les
facteurs déterminant la consommation des boissons alcoolisées. Il
s'agit des facteurs familiaux, les facteurs socio-économiques, les
facteurs culturels, les facteurs psychologiques et les facteurs de
dépendance physiologiques. S'agissant des facteurs familiaux, il
convient de signaler que depuis les travaux de Lemoine il existe actuellement
une abondante littérature sur les effets de l'alcoolisme parental et de
l'exposition prénatale à l'alcool sur le développement des
enfants affectés. Toutefois leurs effets
transgénérationnels en milieu très
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défavorisé, comme à Kadutu, ont
été peu évalués. Cependant ces études ont
montré les effets de l'alcoolisme parental et de l'exposition
prénatale sur la scolarité. Les études ont souligné
les difficultés d'apprentissage (lecture, arithmétique...) chez
certains enfants et jeunes, les problèmes de lenteur, de mémoire
et de concentration ; elles ont indiqués que la majorité des
enfants affectés suivaient un enseignement spécialisé
équivalent en France aux classes d'intégration scolaire et aux
sections d'enseignement général et professionnel adapté,
et plus du quart d'entre eux un enseignement médicalisé de type
établissement médico-psychologique. Des difficultés de
socialisation dont l'hyperactivité, le comportement de retrait ou
anti-socialité et des troubles affectifs et psychiatriques ont
été également montrées, quel que soit
l'âge.
S'agissant des facteurs familiaux, une proportion
significative d'alcooliques ont vécu durant leur jeunesse en milieu
alcoolique; la consommation d'alcool est perçue comme normale, car elle
était habituelle. Quant aux facteurs de
dépendance physiologiques, il a été constaté dans
certaines études que certains facteurs individuels de sensibilité
aux effets de l'alcool, comme le sexe ou la corpulence du sujet serait aussi
à l'origine de la plus forte consommation. Dans ce cas, le début
de l'alcoolisation serait mal connu, car il serait rarement perçu comme
un rite d'initiation, et le processus d'alcoolisation semblerait plus complexe
et moins « linéaire » que celui du tabagisme
(3).
Les facteurs psychologiques sur la consommation d'alcool ont
été identifiés dans une enquête menée sur les
tendances de comportements à risque à la sexualité chez
les étudiants du secondaire aux Etats-Unis entre 1991-2001. Il a
été constaté que l'utilisation de l'alcool ou des drogues
avant le rapport sexuel était fréquente chez les étudiants
sexuellement actifs. Aussi une étude menée sur la
prévention de la consommation d'alcool chez les jeunes a montré
qu'une longue période d'abstinence pourrait être suivie de
consommations occasionnelles et massives « à risque », et les
facteurs associés seraient les plus souvent liés à la
psychopathologie du sujet et/ou de sa famille (3).
Pour les facteurs psychologiques, l'alcool peut être un
recours contre l'émergence d'une angoisse; il semble apparaître
comme une possibilité de fuir du réel, une fuite de la
réalité sociale. L'alcool semble compenser l'insatisfaction des
besoins sociaux.
Enfin, la consommation d'alcool serait
généralement enracinée dans le contexte culturel et social
par l'influence des pairs, de la situation personnelle et des attitudes
sociales vis-à-vis de la consommation d'alcool ; de l'image transmise
par la publicité et les médias de la consommation d'alcool comme
« virile » et « attirante » ; du statut juridique de
l'alcool et de l'existence de sanctions pénales à l'encontre des
personnes occasionnant des traumatismes sous l'influence de l'alcool. Ces
facteurs détermineraient ainsi les valeurs et opinions individuelles sur
la consommation d'alcool. Il convient de signaler aussi que dans de nombreuses
sociétés, l'alcool serait associé aux
célébrations de
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mariage, de naissance, de promotion professionnelle, d'obtention
de diplômes. C'est le cas en France, où l'abstinence ou la
modération sont rarement mises en avant lors de grandes occasions
(6). Parlant des facteurs culturels, les
éléments relatifs aux aspects relationnels signalés
à propos de l'alcoolisme aigu se retrouvent ici. Dans certains groupes
la consommation d'alcool est banalisée et constitue un facteur
d'intégration; de même le refus de consommer conduit à une
marginalisation. Quant aux facteurs socio-économiques, l'alcoolisme peut
être perçu comme un moyen de compensation face à des
difficultés sociales, économiques ou professionnelles. Les
relations spécifiques au milieu professionnel peuvent expliquer
l'alcoolisme de certaines personnes: les usages de certaines professions
favorisent la consommation d'alcool car elle est liée à des
représentations de l'individu (virilité, puissance...) ou
à des notions de « savoir-vivre » ou de convivialité
(3).
Face à cette ampleur de la consommation d'alcool et aux
multiple facteurs d'exposition, actuellement la science joue un rôle de
plus en plus important dans l'élaboration des politiques sanitaires
internationales en ce qui concerne l'action mondiale contre les
problèmes liés à l'alcool. En mai 2010, l'Assemblée
mondiale de la Santé a adopté la «Stratégie mondiale
visant à réduire l'usage nocif de l'alcool», fondée
en partie sur une somme considérable d'éléments attestant
l'importance de l'alcool dans la charge mondiale de morbidité, d'une
part, et, d'autre part, l'efficacité des politiques destinées
à en atténuer les méfaits. Malgré cette
stratégie, les sciences de la santé publique ont encore deux
nouveaux défis à relever. Le premier serait celui
d'étendre la base de connaissances de telle sorte qu'elle ne porte pas
seulement sur les pays développés où se concentre
l'essentiel de la consommation d'alcool dans le monde, mais aussi sur les pays
à revenu faible et intermédiaire où la consommation
d'alcool augmente et où l'action est encore timide. Le deuxième
défi consiste à s'appuyer sur la recherche scientifique pour
adopter des politiques efficaces aux niveaux national et international. En ce
qui concerne la base de connaissances sur laquelle se fondent les politiques
efficaces en matière d'alcool, des bases scientifiques solides
étayent les interventions préconisées dans la
stratégie mondiale : augmenter la capacité des systèmes de
santé et de protection sociale à assurer le traitement et une
intervention précoce; lutter contre l'alcool au volant; limiter l'offre
d'alcool; imposer des restrictions au marketing de l'alcool; prélever
des taxes et appliquer des politiques de prix qui dissuadent de boire souvent
et en grande quantité; réglementer le contexte social qui
encourage une consommation excessive; et réduire l'impact sur la
santé publique de l'alcool illicite et de l'alcool produit par le
secteur informel. Nombre de ces interventions sont des mesures universelles qui
tendent à rendre l'alcool moins abordable, moins largement disponible et
moins accessible. Étant de vaste portée, ces mesures devraient
avoir un impact relativement important sur la santé publique, surtout si
l'on parvient à endiguer le marché informel et la production
illicite. Des mesures universelles conjuguées à des interventions
visant les populations à haut risque comme les
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adolescents (âge minimum légal), les conducteurs
automobiles (alcool au volant), les alcooliques (traitement et soutien) et les
personnes ayant un mode de consommation dangereux (interventions de courte
durée dans le cadre des soins de santé primaires) auront
probablement un effet marqué. En dépit des très nombreuses
études transnationales étayant ces politiques, les responsables
politiques de maints pays, en particulier ceux des pays en
développement, doutent que les données scientifiques provenant
essentiellement des pays à haut revenu puissent s'appliquer à la
population et aux habitudes de consommation dans leur pays. Il faudra donc
entreprendre d'autres études pour obtenir des données
scientifiques dans différentes catégories de pays, même si
le principe de précaution incite à intervenir dès à
présent sur de nombreux fronts pour parer à la commercialisation
de nouveaux produits alcoolisés (par exemple les boissons maltées
à forte teneur en alcool), à la levée des restrictions sur
les heures de vente et à la promotion de l'alcool auprès des
jeunes. Il faut, outre continuer à étudier l'efficacité
des politiques de lutte contre l'alcool, faire des recherches pour
déterminer les meilleurs moyens d'appliquer des stratégies
très différentes quant à leur coût, leur
acceptabilité culturelle, les difficultés politiques qu'elles
posent et la population qu'elles couvrent. La recherche opérationnelle,
la théorie de la diffusion de l'innovation et les études de cas
fournissent des enseignements utiles à cet égard. Dernier domaine
de recherche à ne pas négliger: l'étude
systématique de l'industrie de l'alcool elle-même en tant que
vecteur de maladies et d'incapacités liées à l'alcool. Il
faut surveiller le marketing offensif des boissons alcoolisées dans les
pays en développement qui consomment peu d'alcool et s'assurer que
l'industrie observe ses propres codes en matière de publicité
responsable. Il faut aussi envisager des mesures plus strictes pour
éviter que les jeunes ne soient exposés à des pratiques
publicitaires irresponsables, car il est facile de contourner les codes
d'autoréglementation, qui n'ont pas force de loi. Comme il est dit dans
la stratégie mondiale, il faut maintenant faire mieux prendre conscience
de l'ampleur du problème de l'alcool dans le monde et s'engager
politiquement à appliquer des stratégies fondées sur des
bases factuelles. La stratégie mondiale offre l'occasion à chaque
pays de réexaminer ses politiques de lutte contre l'alcool à la
lumière des données disponibles aujourd'hui. Il convient de
remanier les politiques avec prudence et dans un esprit
d'expérimentation pour déterminer si elles ont les
résultats escomptés. Parallèlement, les pays devraient
resserrer les liens entre science et action pour distinguer les
résultats de la recherche prometteurs, en faire la synthèse et
les communiquer aux responsables politiques et au grand public (7).
Au Sud Kivu, aucune étude sur les facteurs de risque de
la consommation des boissons alcoolisées n'a été
trouvée. Vue la prévalence et l'existence des facteurs de risque
ainsi que les insuffisances des stratégies de réduction de la
consommation des boissons alcoolisées, constatés dans
études menées à travers le monde, il nous a
été utile d'amorcer une étude dans la commune de Kadutu,
ville de
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Bukavu, province du Sud Kivu, à l'Est de la RD Congo,
dans le but d'identifier les facteurs qui détermineraient la
consommation des boissons alcoolisées.
Cette étude dans cette zone de santé se justifie
par le fait qu'elle constitue la zone la plus populaire de la ville de Bukavu
et regorgerait la plus part des adolescents des toutes les catégories
sociales.
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