2.2. Situation nutritionnelle inquiétante
D'une manière générale, à
l'horizon 2006 au Togo, la situation nutritionnelle de la population
était caractérisée par une prédominance de la
malnutrition protéino-énergétique et de la carence en
micronutriments (fer et vitamine A), qui touchent principalement les enfants et
les femmes en âge de procréer, comme le montre le tableau 10t.
Tableau n° 10: Taux de malnutrition aiguë,
chronique et insuffisance pondérale (en %)
|
Lomé
|
Maritime
|
Plateaux
|
Centrale
|
Kara
|
Savanes
|
Total
|
Malnutrition aiguë
|
6,9
|
12,9
|
9,8
|
8,0
|
22,6
|
32,0
|
14,3
|
Malnutrition chronique
|
14,0
|
19,7
|
25,6
|
24,3
|
36,6
|
33,2
|
23,7
|
Insuffisance pondérale
|
14,5
|
23,6
|
17,3
|
20,8
|
37,0
|
54,0
|
26,0
|
Sources : MICS 2006, citée dans
PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité alimentaire des
ménages affectés par les inondations de la campagne agricole
2007- 2008, Rapport final, avril 2008, p. 26.
216 MAEP, Programme national de sécurité
alimentaire (PNSA), stratégie et plan d'action à court et moyen
termes (2008-2015), janvier 2009, p. 19.
217 Ibid.
218 DGSCN, 2008, annuaire statistique du Togo.
108
En effet, Les résultats de l'enquête
MICS219 2006 présentent une situation nutritionnelle assez
inquiétante. Que ce soit la malnutrition aiguë, chronique ou encore
l'insuffisance pondérale, les taux sont largement supérieurs au
seuil critique. Ainsi, si la malnutrition aiguë qui se traduit par
l'émaciation atteint un taux de 14% chez les enfants de moins de 5 ans,
le retard de croissance encore appelé malnutrition chronique et
l'insuffisance pondérale ont des taux respectifs de 24 et 26%. Ces
tendances sont plus ou moins identiques avec celles de l'enquête
réalisée par le Programme alimentaire mondiale (PAM) en
2006.D'après cette enquête, 12,3 % des enfants souffraient de
malnutrition aiguë, 23,3 % de malnutrition chronique et 25,4 %
d'insuffisance pondérale220.Les carences en fer, en zinc, et
dans certaines régions (dont les Savanes) en vitamine A et en iode,
exposent les enfants et les femmes en âge de procréer à
plusieurs problèmes de santé publique tels que les
problèmes oculaires, d'avortements, de retards mentaux, d'anémie,
etc. Ces carences sont aussi responsables d'une baisse des capacités
intellectuelles et physiques de la population active. De plus le retard de
croissance dans la petite enfance se traduit à l'âge adulte par
une réduction de la capacité productive, donc une perte de
productivité pour l'économie du pays.
2.3. Pauvreté et accessibilité
alimentaire
Selon la Banque mondiale(BM), en 2005, le Togo avait un revenu
national brut par tête de l'ordre de 350 US $ (contre 310 US $ en 2004 et
270 US $ en 2003), niveau qui le classe dans la catégorie des Pays les
Moins avancés (PMA). Par ailleurs, selon le Rapport sur le
développement humain du PNUD en 2007, le Togo occupait le
152em rang sur 177 pays, tandis qu'en 2006 il avait occupé la
147e place.
La dégradation de la situation économique est
essentiellement due à la crise politique que traverse le pays depuis le
début des années 90. En effet, la croissance moyenne annuelle du
PIB à prix constant n'a été que de 1,1% depuis 1991,
niveau largement inférieur à l'accroissement naturel de la
population estimé à 2,4% par an. 221 Cette situation,
associée à une répartition inégale des fruits de la
croissance, n'a guère permis une amélioration du revenu
réel par tête des plus démunis constitués
essentiellement des petits agriculteurs ruraux. Ceux-ci ne
219 MICS: Multitple indicators clusters survey - Enquête
en grappe à indicateurs multiples, citée dans MAEP, Programme
national de sécurité alimentaire (PNSA), stratégie et plan
d'action à court et moyen termes (20082015), janvier 2009, pp.
16-17.
220 PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité
alimentaire des ménages affectés par les inondations de la
campagne agricole 2007 - 2008, Rapport final, avril 2008, pp. 25-26.
221 MAEP, Programme national de sécurité
alimentaire (PNSA), stratégie et plan d'action à court et moyen
termes (2008-2015), janvier 2009, pp. 16-17.
109
disposant pas d'assez de moyens financiers et matériels
en l'absence de tout soutien agricole public (depuis la disparition de la CNCA
et d'autres structures d'appui agricole), ne dispose que d'une faible
capacité de production, généralement destinée
à l'autoconsommation. En conséquence, le paysan se voit à
la fin des moissons obligé de vendre une partie de cette production pour
faire face à ses besoins basiques (santé, éducation,
scolarisation, sacrifices rituels ...). Une situation qui le rend
vulnérable, puisqu'en période de soudure, il sera obligé
d'acheter des denrées alimentaires à un prix plus
élevé à celui qu'il avait vendu en période de
récolte. En règle générale, un ménage est
d'autant plus vulnérable qu'il consacre une part importante de ses
revenus à l'achat des denrées alimentaires. Ce ménage ne
pourra donc pas satisfaire convenablement d'autres besoins essentiels tels que
la santé, l'éducation, l'achat des biens productifs, etc. Les
ménages en insécurité alimentaire sont surtout
confrontés à un problème d'accès aux produits
alimentaires. En effet, les résultats de l'enquête
QUIBB222 indiquent que l'incidence de la pauvreté est de
74,3% en milieu rural et de 36,8% en milieu urbain223. En 2008, le
PAM a mené une évaluation de la sécurité
alimentaire dans les cinq régions du Togo dont les graphiques 3 et 4
synthétisent les résultats.
Graphique n°3 : Etat de la sécurité
alimentaire au Togo en 2008
51,5
19,7
28,8
Risqued'insécurité alimentaire
Sécurité alimentaire
Insécurité alimentaire
Source : Réalisé par nous
à partir de PAM-TOGO, 2008, p. 30.
222 QUIBB : Questionnaire unique d'indicateur de
bien-être.
223 PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité
alimentaire des ménages affectés par les inondations de la
campagne agricole 2007-2008, Rapport final, avril 2008, p. 26.
110
Sur fond des résultats cette évaluation
réalisée par le PAM, le graphique 3 indiquent que 19,7 % des
ménages enquêtés en 2008 dans les cinq régions du
Togo étaient en insécurité alimentaire et 28,8 % à
risque d'insécurité alimentaire. Partant de ces résultats,
la population vulnérable peut être estimée à 48, 5%.
Ainsi, près de la moitié de la population du pays est reste sous
prévalence de l'insécurité alimentaire. Seuls 51,5 % soit
la moitié des ménages enquêtés étaient en
situation de sécurité alimentaire durant cette même
année.
Cependant, il convient de remarquer que d'une Région
économique à une autre, le taux de prévalence de
l'insécurité alimentaire présente diverses fortunes. Le
graphique 4 rend compte de cette situation.
Graphique n° 4: Taux d'insécurité
alimentaire par Région économique au Togo en 2008
43,1 maritime
plateau centrale kara savane
13,9
26,6
13
7,5
Source : Réalisé par nous
à partir de PAM-TOGO, 2008, p. 30.
La distribution géographique de la prévalence de
l'insécurité alimentaire montre que les régions des
Savanes et Maritime avec respectivement de 43,1% et de 26,6 % sont celles qui
affichent les taux les plus élevés224.
224 PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité
alimentaire des ménages affectés par les inondations de la
campagne agricole 2007 - 2008, Rapport final, avril 2008, p. 30.
111
L'agriculture togolaise à l'aube de ce
XXIèm siècle est à l'image de l'économie
du pays sous perfusion des institutions financières mondiales. Celles-ci
lui ont imposé des réformes administratives notamment le
désengagement et la libéralisation de l'économie. Cette
politique n'épargna pas le secteur primaire qui afficha depuis des
années 1980 des performances peu enviables à même de
garantir une sécurité alimentaire aux populations. La baisse de
rythme constatée au niveau de l'agriculture vivrière s'explique
en partie par les difficultés structurelles auxquelles l'agriculture
togolaise est confrontée. Il s'agit en effet d'une agriculture de type
traditionnel qui est principalement tributaire des aléas climatiques
(sècheresses prolongée et répétitives et
inondations des zones de basses altitudes). Selon la FAO, pendant deux
campagnes agricoles successives (2004 - 2005 et 2005 - 2006), les producteurs
ont dû faire face aux aléas climatiques (retard des pluies,
mauvaise répartition et baisse du volume des pluies) qui ont
perturbé la production agricole. C'est dans ce contexte
déjà fragilisé que se sont produits deux chocs climatiques
(sécheresse prolongée et inondations) au cours de la campagne
agricole 2007 - 2008 et qui ont eu un impact négatif sur la production
agricole des régions des Savanes, Plateaux et Maritime. Ce fut un coup
dur pour la sécurité alimentaire du pays qui s'était
dégradée davantage, alors que la situation antérieure
n'était pas satisfaisante comme l'ont prouvé plusieurs
enquêtes. Le pays doit donc revoir sa politique en la matière en
repensant la politique de la sécurité alimentaire par la
promotion du droit à l'alimentation.
112
Après l'indépendance en 1960, le Togo a connu
une forte stabilité politique qui a même attiré
l'implantation des institutions internationales et sous-régionales,
comme la BCEAO, la BOAD, Caritas Afrique, qui ont établi leur
siège à Lomé. Le rayonnement de la diplomatie togolaise a
permis au pays de connaître des progrès économiques et
sociaux lents, mais soutenus, jusqu'à la fin des années 1980. Le
secteur primaire à beaucoup souffert de la politique de
désengagement de l'Etat et de la libéralisation de
l'économie nationale amorcée à partir de ces
années. Cette politique a anéanti toutes les initiatives de
modernisation agricole, notamment par la liquidation de la Caisse nationale de
crédit agricole. La liquidation des unités de production et de
gestion des matériels agricoles (UPROMA, PROPTA...) a constitué
un coup d'arrêt à la mécanisation agricole au Togo. La
disparition du monopole de l'Etat dans la production et l'exportation des
produits agricoles de rente a réduit les revenus des producteurs et le
chiffre d'affaire de l'Etat. Pourtant le défi de la
sécurité alimentaire reste immense, dans un contexte de
mondialisation. C'est ainsi que le Togo initia un programme agricole capable de
faire marche ensemble avec le contexte économique d'alors, mais les
résultats ne furent pas au rendez-vous, car il a beaucoup souffert du
manque de soutien dans sa mise en oeuvre. La complexité du
phénomène de la sécurité alimentaire obligea le
pays à partir des années 2 000, à engager une lutte
commune régionale, sinon sous-régionale, contre ce fléau.
Mais, la réalité du terrain ne reflétait pas toujours les
engagements pris et la lutte contre l'insécurité alimentaire a
donc du pain sur la planche.
113
|
|