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Politiques agricoles et sécurité alimentaire au Togo (1977-2008).

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par Halourou MAMAN
Université de Lomé - Master en Histoire économique et sociale 0000
  

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2.2. Situation nutritionnelle inquiétante

D'une manière générale, à l'horizon 2006 au Togo, la situation nutritionnelle de la population était caractérisée par une prédominance de la malnutrition protéino-énergétique et de la carence en micronutriments (fer et vitamine A), qui touchent principalement les enfants et les femmes en âge de procréer, comme le montre le tableau 10t.

Tableau n° 10: Taux de malnutrition aiguë, chronique et insuffisance pondérale (en %)

 

Lomé

Maritime

Plateaux

Centrale

Kara

Savanes

Total

Malnutrition aiguë

6,9

12,9

9,8

8,0

22,6

32,0

14,3

Malnutrition chronique

14,0

19,7

25,6

24,3

36,6

33,2

23,7

Insuffisance pondérale

14,5

23,6

17,3

20,8

37,0

54,0

26,0

Sources : MICS 2006, citée dans PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité alimentaire des ménages affectés par les inondations de la campagne agricole 2007- 2008, Rapport final, avril 2008, p. 26.

216 MAEP, Programme national de sécurité alimentaire (PNSA), stratégie et plan d'action à court et moyen termes (2008-2015), janvier 2009, p. 19.

217 Ibid.

218 DGSCN, 2008, annuaire statistique du Togo.

108

En effet, Les résultats de l'enquête MICS219 2006 présentent une situation nutritionnelle assez inquiétante. Que ce soit la malnutrition aiguë, chronique ou encore l'insuffisance pondérale, les taux sont largement supérieurs au seuil critique. Ainsi, si la malnutrition aiguë qui se traduit par l'émaciation atteint un taux de 14% chez les enfants de moins de 5 ans, le retard de croissance encore appelé malnutrition chronique et l'insuffisance pondérale ont des taux respectifs de 24 et 26%. Ces tendances sont plus ou moins identiques avec celles de l'enquête réalisée par le Programme alimentaire mondiale (PAM) en 2006.D'après cette enquête, 12,3 % des enfants souffraient de malnutrition aiguë, 23,3 % de malnutrition chronique et 25,4 % d'insuffisance pondérale220.Les carences en fer, en zinc, et dans certaines régions (dont les Savanes) en vitamine A et en iode, exposent les enfants et les femmes en âge de procréer à plusieurs problèmes de santé publique tels que les problèmes oculaires, d'avortements, de retards mentaux, d'anémie, etc. Ces carences sont aussi responsables d'une baisse des capacités intellectuelles et physiques de la population active. De plus le retard de croissance dans la petite enfance se traduit à l'âge adulte par une réduction de la capacité productive, donc une perte de productivité pour l'économie du pays.

2.3. Pauvreté et accessibilité alimentaire

Selon la Banque mondiale(BM), en 2005, le Togo avait un revenu national brut par tête de l'ordre de 350 US $ (contre 310 US $ en 2004 et 270 US $ en 2003), niveau qui le classe dans la catégorie des Pays les Moins avancés (PMA). Par ailleurs, selon le Rapport sur le développement humain du PNUD en 2007, le Togo occupait le 152em rang sur 177 pays, tandis qu'en 2006 il avait occupé la 147e place.

La dégradation de la situation économique est essentiellement due à la crise politique que traverse le pays depuis le début des années 90. En effet, la croissance moyenne annuelle du PIB à prix constant n'a été que de 1,1% depuis 1991, niveau largement inférieur à l'accroissement naturel de la population estimé à 2,4% par an. 221 Cette situation, associée à une répartition inégale des fruits de la croissance, n'a guère permis une amélioration du revenu réel par tête des plus démunis constitués essentiellement des petits agriculteurs ruraux. Ceux-ci ne

219 MICS: Multitple indicators clusters survey - Enquête en grappe à indicateurs multiples, citée dans MAEP, Programme national de sécurité alimentaire (PNSA), stratégie et plan d'action à court et moyen termes (20082015), janvier 2009, pp. 16-17.

220 PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité alimentaire des ménages affectés par les inondations de la campagne agricole 2007 - 2008, Rapport final, avril 2008, pp. 25-26.

221 MAEP, Programme national de sécurité alimentaire (PNSA), stratégie et plan d'action à court et moyen termes (2008-2015), janvier 2009, pp. 16-17.

109

disposant pas d'assez de moyens financiers et matériels en l'absence de tout soutien agricole public (depuis la disparition de la CNCA et d'autres structures d'appui agricole), ne dispose que d'une faible capacité de production, généralement destinée à l'autoconsommation. En conséquence, le paysan se voit à la fin des moissons obligé de vendre une partie de cette production pour faire face à ses besoins basiques (santé, éducation, scolarisation, sacrifices rituels ...). Une situation qui le rend vulnérable, puisqu'en période de soudure, il sera obligé d'acheter des denrées alimentaires à un prix plus élevé à celui qu'il avait vendu en période de récolte. En règle générale, un ménage est d'autant plus vulnérable qu'il consacre une part importante de ses revenus à l'achat des denrées alimentaires. Ce ménage ne pourra donc pas satisfaire convenablement d'autres besoins essentiels tels que la santé, l'éducation, l'achat des biens productifs, etc. Les ménages en insécurité alimentaire sont surtout confrontés à un problème d'accès aux produits alimentaires. En effet, les résultats de l'enquête QUIBB222 indiquent que l'incidence de la pauvreté est de 74,3% en milieu rural et de 36,8% en milieu urbain223. En 2008, le PAM a mené une évaluation de la sécurité alimentaire dans les cinq régions du Togo dont les graphiques 3 et 4 synthétisent les résultats.

Graphique n°3 : Etat de la sécurité alimentaire au Togo en 2008

51,5

19,7

28,8

Risqued'insécurité alimentaire

Sécurité alimentaire

Insécurité alimentaire

Source : Réalisé par nous à partir de PAM-TOGO, 2008, p. 30.

222 QUIBB : Questionnaire unique d'indicateur de bien-être.

223 PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité alimentaire des ménages affectés par les inondations de la campagne agricole 2007-2008, Rapport final, avril 2008, p. 26.

110

Sur fond des résultats cette évaluation réalisée par le PAM, le graphique 3 indiquent que 19,7 % des ménages enquêtés en 2008 dans les cinq régions du Togo étaient en insécurité alimentaire et 28,8 % à risque d'insécurité alimentaire. Partant de ces résultats, la population vulnérable peut être estimée à 48, 5%. Ainsi, près de la moitié de la population du pays est reste sous prévalence de l'insécurité alimentaire. Seuls 51,5 % soit la moitié des ménages enquêtés étaient en situation de sécurité alimentaire durant cette même année.

Cependant, il convient de remarquer que d'une Région économique à une autre, le taux de prévalence de l'insécurité alimentaire présente diverses fortunes. Le graphique 4 rend compte de cette situation.

Graphique n° 4: Taux d'insécurité alimentaire par Région économique au Togo en 2008

43,1 maritime

plateau centrale kara savane

13,9

26,6

13

7,5

Source : Réalisé par nous à partir de PAM-TOGO, 2008, p. 30.

La distribution géographique de la prévalence de l'insécurité alimentaire montre que les régions des Savanes et Maritime avec respectivement de 43,1% et de 26,6 % sont celles qui affichent les taux les plus élevés224.

224 PAM-TOGO, Evaluation de la sécurité alimentaire des ménages affectés par les inondations de la campagne agricole 2007 - 2008, Rapport final, avril 2008, p. 30.

111

L'agriculture togolaise à l'aube de ce XXIèm siècle est à l'image de l'économie du pays sous perfusion des institutions financières mondiales. Celles-ci lui ont imposé des réformes administratives notamment le désengagement et la libéralisation de l'économie. Cette politique n'épargna pas le secteur primaire qui afficha depuis des années 1980 des performances peu enviables à même de garantir une sécurité alimentaire aux populations. La baisse de rythme constatée au niveau de l'agriculture vivrière s'explique en partie par les difficultés structurelles auxquelles l'agriculture togolaise est confrontée. Il s'agit en effet d'une agriculture de type traditionnel qui est principalement tributaire des aléas climatiques (sècheresses prolongée et répétitives et inondations des zones de basses altitudes). Selon la FAO, pendant deux campagnes agricoles successives (2004 - 2005 et 2005 - 2006), les producteurs ont dû faire face aux aléas climatiques (retard des pluies, mauvaise répartition et baisse du volume des pluies) qui ont perturbé la production agricole. C'est dans ce contexte déjà fragilisé que se sont produits deux chocs climatiques (sécheresse prolongée et inondations) au cours de la campagne agricole 2007 - 2008 et qui ont eu un impact négatif sur la production agricole des régions des Savanes, Plateaux et Maritime. Ce fut un coup dur pour la sécurité alimentaire du pays qui s'était dégradée davantage, alors que la situation antérieure n'était pas satisfaisante comme l'ont prouvé plusieurs enquêtes. Le pays doit donc revoir sa politique en la matière en repensant la politique de la sécurité alimentaire par la promotion du droit à l'alimentation.

112

Après l'indépendance en 1960, le Togo a connu une forte stabilité politique qui a même attiré l'implantation des institutions internationales et sous-régionales, comme la BCEAO, la BOAD, Caritas Afrique, qui ont établi leur siège à Lomé. Le rayonnement de la diplomatie togolaise a permis au pays de connaître des progrès économiques et sociaux lents, mais soutenus, jusqu'à la fin des années 1980. Le secteur primaire à beaucoup souffert de la politique de désengagement de l'Etat et de la libéralisation de l'économie nationale amorcée à partir de ces années. Cette politique a anéanti toutes les initiatives de modernisation agricole, notamment par la liquidation de la Caisse nationale de crédit agricole. La liquidation des unités de production et de gestion des matériels agricoles (UPROMA, PROPTA...) a constitué un coup d'arrêt à la mécanisation agricole au Togo. La disparition du monopole de l'Etat dans la production et l'exportation des produits agricoles de rente a réduit les revenus des producteurs et le chiffre d'affaire de l'Etat. Pourtant le défi de la sécurité alimentaire reste immense, dans un contexte de mondialisation. C'est ainsi que le Togo initia un programme agricole capable de faire marche ensemble avec le contexte économique d'alors, mais les résultats ne furent pas au rendez-vous, car il a beaucoup souffert du manque de soutien dans sa mise en oeuvre. La complexité du phénomène de la sécurité alimentaire obligea le pays à partir des années 2 000, à engager une lutte commune régionale, sinon sous-régionale, contre ce fléau. Mais, la réalité du terrain ne reflétait pas toujours les engagements pris et la lutte contre l'insécurité alimentaire a donc du pain sur la planche.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway