2. La libéralisation du secteur de la production
agricole
S'inscrivant dans la logique des réformes
engagées depuis les années 1980 dans les PAS, le Togo s'est donc
lancé à partir de 1996-1997 dans la politique de
désengagement total dans les sous-secteurs de production agricole, en
l'occurrence celui d'approvisionnement en intrants.
2.1. La libéralisation du marché des intrants
et son effet sur l'agriculture
A partir de 1996-1997, le Togo abandonna le stade des
subventions dégressives des intrants pour celui de cession du
marché au privé afin de réduire ses dépenses et de
faire face à ses dettes, pour pouvoir renouer avec la croissance
économique.
Pour ce qui concerne les engrais, le monopole d'importation et
de distribution ne disparut pas totalement pour cause de la persistance de la
SOTOCO dans le portefeuille de l'Etat. En effet, avant la
libéralisation, le Service des engrais et moyen de production (SEMP) et
la SOTOCO importaient la quantité d'engrais nécessaire
après évaluation des besoins, puis ils se
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chargeaient également de la distribution dans les
différentes zones. Mais à partir de 1997, conformément au
processus de désengagement progressif de l'Etat du marché, la
Division de la maintenance et du patrimoine logistique (DMPL)180 et
la SOTOCO ne procédaient plus à l'importation des engrais. Ce
rôle était dévolu aux structures privées qui
importaient et revendaient de l'engrais à la DMPL et à la SOTOCO,
qui se chargeaient chacune à leur tour de la redistribution sur le plan
national. C'est en cela qu'on peut dire que l'Etat n'a pas totalement perdu le
monopole du marché. Mais cela n'empêcha pas l'importation
d'engrais d'enregistrer une faible croissance, passant ainsi de 36 848 tonnes
en 1997 à 45 106,1 tonnes en 1999, soit une augmentation de 22,4 % sur
les trois ans ayant suivi la libéralisation, contre une progression de
44,8 % sur les trois années l'ayant précédé (26 275
tonnes e 1994 et 38 086 tonnes en 1996). En trois années
consécutives, le taux d'importation d'engrais a diminué de 50
%181. Cette situation pourrait s'expliquer par la hausse du prix de
vente des engrais, et l'incapacité de la DMPL de financer la commande
des engrais vivriers, se contentant des dons d'engrais japonais.
Le marché des pesticides était détenu par
les mêmes structures de gestion d'engrais que sont la SOTOCO pour le
coton, la DMPL pour les productions vivrières, l'Association de conseil
de développement rural (ACDR) 182 pour le café-cacao
ainsi que les sociétés privées importatrices et parfois
distributrices. Dans ce secteur l'effet de la libéralisation a
plutôt été positif amenant les importations à se
multiplier par trois sur trois ans. Entre 1997 et 1999, les importations sont
allées de 777,903 tonnes à 1 566,164 tonnes183. Cela
pouvait s'expliquer par le fait que le foisonnement des acteurs notamment
privés a permis l'accès à des producteurs vivriers aux
intrants.
Les produits vétérinaires, et les aliments pour
bétail connaissant déjà l'intervention des privés
depuis les années 1990. Cette situation s'est confortée par le
retrait du PROPTA dans l'importation des produits vétérinaires
à partir de 1997, mais il garda la Direction de l'élevage et de
la pêche dans le processus d'importation. Toutefois, la libération
a eu pour effet d'augmenter les prix des produits de traitement sanitaire.
Ainsi, par exemple, le vaccin pestos1000 doses a vu son prix passer de
1 225 FCFA en 1996 à 1 575 FCFA en 1998, puis à 1 700 FCFA en
1999, soit une hausse de 38,77 % sur trois ans184.
180 Elle remplaça le SEMP en 1990 (Fondation SADAOC -
Togo, 2000, p. 12).
181 Fondation SADAOC - Togo, p. 15.
182 Elle fut créée en remplacement de la SAFIC
(Société d'appui à la filière
café-cacao).
183 Fondation SADAOC - Togo, pp. 18-19.
184 Idem., pp. 24-25.
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Suite à la restructuration du ministère en
charge de l'agriculture, le marché des semences améliorées
est centré sur les organismes suivants : l'ITRA, l'ICAT, la ferme
semencière de Sotouboua et les OPA. L'ITRA s'occupe de l'introduction,
de l'amélioration et le la production de semences pré-base,
l'ICAT appuie la production et est responsable de la distribution. La ferme
semencière de Sotouboua qui est censée fournir les semences de
base a du mal à fonctionner à cause des difficultés
financières. Les paysans individuels choisis compte tenu de leur
degré de réceptivité de nouvelles techniques agricoles
sont censés produire des semences à moindre coût pour les
agriculteurs. Mais il n'est pas rare de constater la présence de
produits phytosanitaires de mauvaise qualité sur le marché, due
certainement au manque de contrôle de qualité. Rôle qui
incombe à l'ITRA. Mais la grande conséquence de la
libéralisation reste la fluctuation des prix des semences, autrefois
fixés par l'Etat. A titre d'exemple entre les campagnes agricoles
1996-1997 et 1999-2000, le prix des semences commerciales du maïs, du
sorgho et du riz oscillaient entre 150 et 200 FCFA le kilogramme, alors que
ceux du niébé et du soja oxillaient entre 300 et 350 FCFA le
kilogramme185.
Le marché des matériels agricoles concerne
surtout le petit matériel, la culture attelée et le
matériel motorisé. Le processus de désengagement de l'Etat
l'avait amené à liquider la principale structure de production de
matériels agricoles qu'est l'Unité de production de
matériels agricoles (UPROMA) en 1977186. Un coup dur pour le
secteur rural quand on sait que cette structure était le seul organe
producteur de matériels non motorisés et souvent maniables
à la main pour les petits paysans togolais qui continuent d'user de
l'énergie humaine pour le travail de la terre. La culture attelée
était animée et organisée par le Projet pour la promotion
de la traction animale (PROPTA), qui avait un accord avec l'UPROMA, achetait
l'équipement complet pour la traction qu'elle cédait au paysans,
mais avec la dissolution de l'UPROMA et du PROPTA, un grand vide est donc
créé dans ce domaine de modernisation agricole. Les
matériels de traction animale utilisés par les paysans manquent
de pièces de rechange, faute de structure de production. La
libéralisation a donc créé un vide difficilement
comblable. La motorisation agricole après son échec dans les
années 1980, ne se résume plus qu'à une utilisation
sommaire dans la riziculture des bas-fonds et les vallées de l'Oti, et
du Zio. En 1996-1997, la Direction des statistiques agricoles de l'informatique
et de la documentation (DSID), avait dénombré seulement 40
moteurs sur toute l'étendue du territoire togolais, dont 16 dans la
région maritime, 5 dans les plateaux, 4 dans la région
185 Fondation SADAOC - Togo, pp. 36-37.
186 Par Décret n ° 97-102 du 23 juillet 1997,
l'UPROMA fut dissoute. (cf. annexe 2).
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centrale, 3 dans celle de la Kara, et 12 dans les savanes. Ce
nombre aussi insignifiant soit-il dénote de la médiocrité
de la modernisation agricole au Togo des années 1996-2008, qui pourtant
prétend offrir une production agricole pouvant garantir une
sécurité alimentaire à sa population qui ne cesse de
croître d'année en année. Le fort taux de concentration des
tracteurs dans les Régions des Savanes (30 %) et Maritime (40 %)
s'explique par l'utilisation des Machines dans les zones rizicoles des
vallées de l'Oti dans les savanes et du Zio dans le maritime. Le mode de
financement agricole a aussi été décentralisé.
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