1.2. Mode et principe d'intervention des institutions de la
NSDR
Le ministère du développement rural disposait
deux types d'intervention dans le secteur de développement agricole. La
première était directe et se faisait par le biais des services
administratifs formés autour des services techniques, et la seconde
s'opérait d'une façon indirecte à travers les structures
de type para-administratives qui étaient sous sa tutelle et
composées de sociétés de production verticales, des
sociétés de service et les projets de développement.
Les structures administratives assuraient l'ensemble de
l'encadrement du monde rural et les DRDR qui en constituaient le point focal
ont subi un profond recentrage de leurs objectifs. Instituées en 1981 en
remplacement des ORPV et des DRARAC, ces structures polyvalentes ont rapidement
montré leurs limites. En effet, les sources officielles reconnaissent
elles-mêmes que les DRDR n'ont pas joué le rôle qui leur
avait été assigné à leur création pour
diverses raisons. Entres autres, l'anarchisme de leur structure, le manque de
moyens financiers conséquents, le niveau très bas du personnel,
notamment les encadreurs de base recrutés sans formation formelle
après une session de 3 à 5 jours seulement, le manque de
125 JORT, Décret n ° 91-90 du 3 avril 1991, portant
réorganisation du MDR.
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synergie d'une DRDR à une autre, et les duplications
dans l'intervention au niveau paysannal occasionnées par la
diversités des interventions126. C'est
devant donc ce constat peu reluisant qu'il a été rendu
nécessaire de réformer l'encadrement rural par l'institution du
Système togolais d'encadrement rural (STER) dans le cadre de la Nouvelle
stratégie de développement rural, avec laquelle le paysan occupe
la position centrale dans le processus de développement. Cela implique
que les objectifs de la production soient définis en fonction de ses
propres besoins et centrés sur ses préoccupations et non plus sur
les cultures comme ce fut le cas dans le passé. L'encadrement de la NSDR
doit désormais tendre à responsabiliser davantage le paysan dans
la prise en charge de son développement intégral, et doit viser
à assurer une triple fonction : celle d'informer et de former le paysan
en lui offrant d'apprécier les nouvelles techniques culturales, celle
d'appuyer techniquement le paysan dans son métier de producteur agricole
en veillant à valoriser son propre savoir-faire, et celle de l'orienter
en cas de besoin, vers la spécialisation et les structures
appropriées. Ainsi conçu, l'encadrement doit se départir
de son caractère paternaliste qui tend souvent à
considérer le paysan comme un ignorant à qui il faut tout
apprendre. Toutes les actions du monde rural doivent partir du paysan pour
aboutir au paysan127. Tel que défini, le
STER se caractérise essentiellement par l'harmonisation des
interventions au niveau du paysan à partir d'une approche
éducative unifiée sur la base de programme de travail
précis. C'est dire qu'il faudra éviter par tous les moyens,
l'encadrement diffus avec son cortège d'interventions multiples et
parfois contradictoire. Ceci entre dans la ligne droite de la politique
d'austérité et de réduction de dépenses publiques
imposée par les PAS.
Les structures para-administratives assurent un encadrement
plus ponctuel et plus spécifique dans le milieu rural. Les
sociétés de développement dites verticales, telles que la
Société togolaise du coton (SOTOCO), la Société de
rénovation de la caféière et de la cacaoyère
(SRCC), la Société Nationale de la production de palmerais et des
huileries (SONAPH), entre autres, de même que les sociétés
de service telles que la Caisse nationale de crédit agricole (CNCA), et
le TOGOGRAIN, étaient appelés à réaliser, à
long terme, la même intégration que les DRDR, ou à se
désengager des activités d'encadrement et de vulgarisation. Car
il était clair que dans leur intervention, ces structures n'appuyaient
que les paysans engagés dans la production des cultures qu'elles
entreprennent. La plupart de ces sociétés furent
créées dans les années 1970-1980, dans la politique de la
révolution verte, avec d'importants
126 MDR, atelier-séminaire sur la NSDR,
document 3, formation et encadrement, p. 3 ; MDR, le STER, p. 11.
127 MDR, le STER, pp. 13-15.
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investissements, mais aux résultats non probants. Ainsi
la libéralisation économique imposa alors soit la restructuration
de certaines d'entre elles, telles que la SOTOCO et TOGOGRAIN, restées
dans le portefeuille de l'Etat, soit la liquidation d'autres telles que la
SONAPH128 et la CNACA129, jugées non rentables.
D'autres encore telles que l'Industrie des huileries du Togo (IOTO) sont
privatisées. C'est la fusion de celle-ci avec une autre
société, la Togolaise des huiles qui donna la Nouvelle
société industrielle des huiles du Togo (NIOTO) en
1987130. Quant aux projets de développement, on pouvait les
estimer à une vingtaine principalement en 1990 selon la Banque
mondiale131, scindées en projets vivriers et en projets de
culture de rente. Au nombre des projets vivriers, entre autres, l'on avait le
projet vivrier Atchangbadè-sirka situé dans la région de
la Kara, qui était dans sa deuxième phase d'exécution
triennale entre 1986 et 1989, et qui visait à organiser les structures
villageoises sur 35 000 ha dans la zone d'Atchangbadè et de 26 000 ha
dans celle de Sirka (forage de 60 puits, ouverture ou entretien de 165 km de
piste rurale...)132. On note aussi le projet d'aménagement
hydro-agricole de Zio-Kpota, pour une production rizicole estimée
à 30 000 tonnes par an. Certains projets concernaient la recherche sur
les cultures vivrières et bénéficiaient pour la
période 1985-1990 de 16 sous-projets représentant un coût
global de plus de 13 milliards de FCFA133. Quant aux projets de
rentes, ils concernaient les programmes de développement des principales
cultures de rentes que sont le café-cacao par le renforcement des
activités de leur principale structure de recherche (la SRCC), le coton
par la mise en oeuvre des deuxième et troisième phase de son
programme quinquennale de développement, et les palmiers à huile.
Le programme d'intensification de la production des cultures de rente en plaine
politique de sécurité alimentaire avait des raisons bien
motivées et définies par les pouvoirs publics togolais. Elles
occupent les premiers postes d'exportation des produits agricoles, et emploient
largement plus de la moitié des agriculteurs134. Dans un
contexte marqué par la réduction du soutien de l'Etat aux
producteurs sous l'effet des PAS, la production allait sombrer et cela rendrait
beaucoup plus vulnérable les paysans par la baisse sinon la perte de
leur revenu sur la vente des produits d'exportation. Pour éviter ce
désastre, l'Etat opta pour la politique d'incitation et d'encouragement
des planteurs à produire davantage en rehaussant les prix
128 La SONAPH a été liquidée en 1996.
129 La CNCA, qui s'était démarquée de ses
objectifs fut liquidée en 1990.
130 Banque mondiale, 1990, Situation de l'agriculture
togolaise, p. 238.
131 Idem., pp. 230-240.
132 Idem., p. 232.
133 Ibid.
134 Selon la Banque mondiale, SOTOCO employait à lui
seul en 1985, plus de la moitié des 264 000 agriculteurs du pays et
compte pour 10 % des recettes annuelles à l'exportation.
74
d'achat des produits de rente. Car en terme de
sécurité alimentaire, la production d'autoconsommation n'est pas
privilégiée, c'est la capacité du paysan à avoir
accès aux produits alimentaires qui importe, quel que soit leur
provenance. Ainsi l'Etat pensait qu'en encourageant les paysans à
produire plus les cultures de rente, il leur permettait de disposer d'assez de
moyens en terme de liquidité, après les récoltes pouvant
leur permettre de faire face à leurs multiples besoins, notamment en
matière d'accès aux produits alimentaires. Les structures
institutionnelles ainsi définies étaient mises en oeuvre
grâce aux moyens techniques.
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