4.2. La production agricole face aux besoins de la
population
La politique de la révolution verte a eu un impact sur
la production agricole de façon notoire, avec en tête les
légumineuses notamment le haricot dont la production était
passée de 10 000 tonnes en 1977 à 20 000 tonnes en 1985, soit une
croissance de 100 %. Suivent alors les céréales qui
passèrent à l'instar du maïs, de 123,7 000 tonnes en 1977
à 221,8 000 tonnes en 1984 avant de chuter à 181,6 000 tonnes en
1985, soit une croissance de 46,8%. Le riz paddy a plutôt stagné,
voire régressé, au niveau des céréales avec une
décroissance de - 1,9%119.Les tubercules ont quant à
eux stagné parfois même régressé. Exemple de
l'igname
117 Ministère du développement
rural, 1982, TOGOGRAIN : un rôle majeur, document de 5 pages non
paginées. Pour plus d'informations, lire Maman, 2011, p. 83.
118 B. Akondo, ingénieur agricole,
ancien Chef régional de la protection des végétaux
à Kara, entretien du 24 mai 2014 à 17h 05, à son domicile
à Agoé.
119 Maman, 2011 : 98. Pour plus d'informations,
se conférer à l'annexe 3.
65
qui chute de 394,3 000 tonnes en 1977 à 364,4 000
tonnes en 1985, soit une régression de - 7,5%120. Les
productions animales ont elles aussi connu une sensible hausse, mais
très faible du côté de l'élevage comme de la
pêche. Du début à la fin de la planification, les bovins
sont passés de 169 397 têtes à 277 588, les ovins et
caprins de 1 179 236 à 1 220 216 et les volailles de 1 787 145 à
1 935 682. La pêche artisanale donna aussi une certaine satisfaction avec
des prises de poissons qui sont passées de 4 048 tonnes en 1979 à
12 476 tonnes en 1984 (Maman, 2011 :98)121.
Il reste alors à savoir si une pareille performance
avait réussi à couvrir l'essentiel des besoins des populations du
Togo d'alors, comme le voulait l'autosuffisance alimentaire. Cela ne semble pas
évident pour une population qui était passé sur la
même période de 2,3 millions à 3,3 millions avec un taux de
croissance démographique de 45 %(Tsigbé, 2010 :172). Schwartz,
(1989) : 106), montre que ce taux est supérieur au taux d'accroissement
de la production enregistrée par six des sept produits vivriers de base
du pays, ce qui permet d'émettre des doutes sur les possibilités,
à la fin de la décennie 1980, de couverture de la demande
nationale de produits alimentaires par offre ; de 1976 à 1987, comme par
le passé, la production agricole est demeurée sujette à
d'importantes fluctuations. Ce qui permet d'affirmer qu'à la fin de la
décennie 1980, le pays même s'il lui arrive de produire
épisodiquement l'essentiel de ce dont les habitants ont besoin pour se
nourrir ne maîtrise pas encore sa production agricole,
c'est-à-dire n'a pas atteint sa sécurité
alimentaire(Schwartz, 1989 : 106).Une hypothèse que confirme une
étude menée par l'Organisation des nations unies pour
l'alimentation (FAO), en 1993 qui révélait qu'entre 1979 et 1981,
le Togo n'aurait offert à ses habitants que 2 285 kcal par jour et par
capita en termes d'apports énergétiques. Une énergie
calorifique en dessous de la norme requise par cette institution à
l'endroit des pays en développement, et qui est de 2 400 kcals par jour
et par capita. (FAO, 1993 : tableau annexe 14). Le fait aussi que la
révolution verte n'ait pas pu changer les méthodes culturales est
une preuve de cet échec. L'utilisation de la machine dans l'agriculture
n'a pas réussi à s'imposer. Les paysans sont toujours
restés fidèles à leur pratique ancestrale. Le passage
d'une agriculture traditionnelle (utilisant les méthodes
archaïques) à celle moderne (utilisant les machines), seule
condition capable d'assurer une croissance qui serait en adéquation avec
l'accroissement de la population n'a donc pas réussi122.
Malgré donc le cri de victoire lancé
120 Maman, 2011 : 98. Pour plus d'informations, se
conférer à l'annexe 3.
121 Pour plus d'informations, lire Tsigbé, 2010 : 172, et
Schwartz, 1989 : 105.
122En effet, l'agriculture traditionnelle qui
utilise les outils aratoires, ne possède qu'une capacité d'offre
alimentaire qui évolue lentement à la manière d'une suite
arithmétique, donc par addition ; alors que la population
évoluait à la manière d'une suite
géométrique, donc par puissance. Pour couvrir les besoins
quasi
66
par les promoteurs de la révolution verte croyant avoir
gagné le pari du 8 Mars 1977, le Togo continue de dépendre de
l'extérieur (Maman, 2011 : 100). D'ailleurs, le fait qu'ils ont
rééchelonné la période jusqu'en 1986 en est une
preuve, quand on sait que le pari devrait être gagné
théorique dans un quinquennat après le lancement de la dite
révolution en 1977. Alors il est clair que l'autosuffisance alimentaire
a été un rendez-vous manqué qui mit à mal la
sécurité alimentaire du Togo durant cette période.
Considérée comme « priorité des
priorités », durant les années 1980, consécutives
à la période charnière du décollage
économique du Togo, l'agriculture fut l'objet d'une attention
particulière. Devant une ferme volonté politique
concrétisée par de vastes réformes agraires dont
l'objectif principal était de transformer l'agriculture traditionnelle
en une agriculture moderne afin de faire face au défi d'une
indépendance économique, cependant, la réalité du
terrain ne refléta pas les efforts consentis. À l'improvisation
des réformes agraires, viennent s'ajouter la résistance des
paysans restés fidèles à leurs anciennes pratiques
culturales. Celles-ci ne pouvaient guère assurer les besoins d'une
population sans cesse grandissante grâce aux nouvelles méthodes
sanitaires modernes. On s'accorde alors avec Tsigbé (2010) pour dire
qu'au-delà des données politiques et conjoncturelles, les
données structurelles ont tout de même contribué à
l'échec de la politique d'autosuffisance alimentaire au Togo
postcolonial(Tsigbé, 2010 : 173).Ceci met à mal la
sécurité alimentaire du pays, quant on sait d'ailleurs que
l'organe central de cette politique de sécurité alimentaire
qu'est l'Office national des produits vivriers (TOGOGRAIN), n'avait jamais
réussi à réaliser un stock de sécurité de
plus de 4 500 tonnes. L'agriculture n'ayant donc pas pu relever le défi
en atteignant son objectif, le décollage économique qu'il devait
entraîner dans son sillage resta jusqu'ici à l'étape de
projet.
exponentiels des populations, seule une agriculture moderne
dont les offres alimentaires progresseraient à la manière d'une
suite géométrique pouvait régler la situation.
67
Le territoire togolais présente de grands atouts pour
la valorisation de l'agriculture. De par sa forme il offre la
possibilité de pratiquer aussi bien des cultures de rente que des
cultures vivrières. Une pédologie qui montre toute une gamme de
sols différents, présentant chacun une possibilité de
culture. Cependant il convient de souligner que ces potentialités sont
soumises à de rudes épreuves depuis un longtemps, et les mesures
d'accompagnement ne sont toujours pas suivies. En effet, au Togo, le mode
d'attribution, des terres le plus en vogue est l'héritage. Ce mode
d'accès est la cause principale du morcellement excessif des terres.
Dans ce système, la femme n'a pas droit à la terre. Ce mode
d'accès à la terre basée sur le droit coutumier a connu
d'importants bouleversements à cause des réformes
foncières dites « modernes ». Reforme que les populations ont
toujours ignorées, et ne se sont jamais appropriées. Ce qui fait
qu'elle conduit à un effet contraire à son objectif. En
conséquence, la terre n'est plus utilisée d'une façon
durable, il n'est pas rare de remarquer l'effet immédiat de ces
pratiques qui se manifeste souvent par la présence des conditions
désertiques dans l'extrême nord du pays tandis qu'au sud la petite
saison tend à disparaître. C'est donc dans ce contexte que la
politique agricole de la révolution verte lancée en 1977 à
été réalisée. Cette politique visait à une
modernisation de l'agriculture togolaise qui, était appelée
à quitter le stade traditionnel pour celui dit« moderne »,
utilisant les moyens mécanisés de production. C'était la
seule condition pour le secteur de relever le défi du décollage
économique du pays, puisque celui-ci en avait fait sa priorité.
Mais, cette politique ne marcha pas, car elle ne fut pas bien
réalisée sur le terrain à cause de l'improvisation, de
l'incompétence de la plupart des acteurs, de la mauvaise gestion du
matériel mis en place, et surtout d'une forte résistance de
paysans restés fidèles à leurs pratiques ancestrales.
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